Les centres de recherche biomédicale de San Diego (CA) réorientent et renforcent leurs activités sur le COVID-19

San Diego concentre l’un des principaux clusters de la recherche biomédicale aux USA, dont les centres de recherche d'excellence - Scripps Research, UCSD, La Jolla Institute for Immunology - réorientent ou renforcent leurs activités pour se consacrer au COVID-19. Les recherches se focalisent essentiellement sur l’épidémiologie, la compréhension des mécanismes du virus, et la mise au point de vaccins et de solutions thérapeutiques. Cette note présente l’état des lieux de cette activité de recherche en date du 4 avril 2020.

A l’instar de l’orientation de la recherche scientifique mondiale, les scientifiques et chercheurs des prestigieux centres de recherche de San Diego ont su infléchir leurs activités pour s’emparer de la thématique du COVID-19 afin de participer à un effort mondial de recherche sans précédent. Une partie des autres recherches ont, elles, été interrompues.

Les recherches poursuivies visent essentiellement à comprendre et à aider à atténuer les effets dévastateurs de la pandémie de COVID-19. Elles retracent l’origine et la propagation du virus, étudient comment il envahit l’organisme et comment le système immunitaire y réagit, et travaillent à la mise au point de vaccins et de médicaments potentiels contre le virus.

Scripps Research

Le très renommé et prestigieux institut de recherche dans les domaines de la recherche médicale Scripps Research a vu nombre de ses chercheurs s’engager dans la course à la compréhension de la propagation et du mode d’infection du virus et dans l’exploration de différentes approches pour la recherche de traitement de de vaccination.

Sur les traces de l’origine du virus

L’épidémiologiste génomique et Associate Professor au Department of Immunology and Microbiology Kristian Andersen, expert dans le suivi de la propagation de virus mortels (dont Ebola, Lassa, Zika), retrace les origines du génome du coronavirus à partir de données publiques de séquençage en collaboration avec différents instituts du monde entier. Son équipe a publié une étude dans Nature Medicine le 17 mars 2020, qui a permis de démentir les rumeurs selon lesquelles le virus aurait été fabriqué dans un laboratoire (il s’agit d’un produit d’une évolution naturelle). Son équipe travaille également à mieux comprendre comment le virus se transmet dans la population humaine, de ses débuts en Chine à sa propagation dans le monde entier. 

Compréhension de l’infection des cellules hôtes

Les chercheurs Michael Farzan et Hyeryun Choe du Department of Immunology and Microbiology étudient comment le SARS-CoV-2 infecte les cellules hôtes. Leur objectif est de développer une approche vaccinale optimale et d’avancer rapidement vers le développement d’antiviraux et de thérapies biologiques.

Participation à l’exploitation de l’outil ReFRAME pour accélérer la découverte d’un traitement

Le département de développement de médicament du Scripps Research nommé Calibr, avec le soutien de la fondation Bill & Melinda Gates, a utilisé l’outil ReFRAME (la première collection mondiale de médicaments connus comprenant plus de 14.000 composés qui ont été approuvés par la FDA pour d’autres maladies ou ont été testés pour la sécurité humaine) afin d’entamer rapidement la recherche de médicaments existants et d’autres composés qui pourraient être réutilisés contre le coronavirus.

ReFRAME est examiné pour identifier les composés qui peuvent : 1/ empêcher le virus de pénétrer et d’infecter les cellules, 2/ empêcher le virus de se répliquer dans les cellules, 3/ augmenter l’efficacité des antiviraux tels que le remdésivir, qui est testé dans cinq essais cliniques pour traiter le COVID-19. Calibr a établi des collaborations avec 9 équipes dont des laboratoires américains du Maryland, Massachusetts, New York, et Texas, ainsi que des laboratoires au Royaume-Uni, en Allemagne, en Belgique et à Hong Kong.

La lumière sur la réponse immunitaire

Le Chair of the Department of Immunology and Microbiology Dennis Burton étudie la réponse immunitaire humaine aux infections par le SARS-CoV-2. Son équipe travaille également à l’identification de puissants anticorps qui pourraient servir de base à des vaccins ou des thérapies antivirales contre ce virus. D’autre part, Andrew Ward, Professor of Integrative Structural and Computational Biology s’intéresse depuis longtemps à la compréhension des réponses immunitaires aux coronavirus et en particulier à la manière dont l’organisme réagit à la protéine de surface du virus. Son équipe étudie la structure de la spike protein du SRAS-CoV-2 et travaille avec des collaborateurs aux États-Unis qui isolent les anticorps des patients infectés. Le groupe de Ward a également mis au point de nouvelles méthodes d’imagerie qui fonctionnent comme un outil de diagnostic permettant de sonder directement les échantillons de sang des patients infectés. Enfin, le laboratoire de Ian Wilson, Chair of the Department of Integrative  Structural and Computational Biology, étudie la différence entre SARS et SARS-CoV-2, et plus particulièrement si les anticorps produits contre un coronavirus peuvent interagir avec un autre coronavirus. L’équipe de Ian Wilson est la première à publier – le 3 avril 2020, dans le journal Science – une cartographie de l’interaction d’un anticorps humain avec SARS-CoV-2 à une résolution proche de l’échelle atomique. Bien que l’anticorps ait été produit en réponse à une infection par le SRAS-CoV-1, il réagit de manière croisée avec le nouveau coronavirus, le SRAS-CoV-2. L’objectif du laboratoire est d’obtenir des informations structurelles sur les anticorps et leurs sites de liaison, et de les utiliser pour guider la conception du vaccin contre le SRAS-CoV-2.

L’appel à la haute ingénierie de vaccins

Jiang Zhu, un Associate Professor au Department of Integrative Structural and Computational Biology, a mis au point une technologie brevetée pour l’ingénierie de vaccins construits avec de minuscules fragments de nanoparticules de protéines, technique qui est actuellement étudiée par le laboratoire pour le COVID-19.

University of California San Diego

Plusieurs équipes de l’université UCSD sont impliquées dans la recherche émergente sur le COVID-19.

Association public-privé pour augmenter la capacité de tester le COVID-19

Motivé par l’urgence et la nécessité, un partenariat sans précédent entre une équipe interdisciplinaire de scientifiques et de médecins de UCSD et cinq grands fabricants de diagnostics in vitro – Thermo Fisher Scientific, Roche Diagnostics, GenMark Diagnostics, Luminex Corporation et Abbott Diagnostics – a été annoncé le 20 mars 2020, pour permettre de porter la capacité de test du COVID-19 de 1.000 à 1.500 tests par jour dans un délai de 2 à 3 semaines (pour fin avril 2020). Cette initiative est largement encouragée par la direction de l’Université ; elle est soutenue par le Chancellor Kholsa – the UC Office of President – et par Ronald McLawhon – directeur du Center for Advanced Laboratory Medicine, des laboratoires cliniques de UCSD et de la Division of Laboratory and Genomic Medicine – qui a déclaré que l’organisation a été revue pour réallouer le personnel et les ressources supplémentaires vers l’augmentation de la capacité de tests COVID-19. Les partenariats répondent à une approche large utilisant de multiples plateformes de test avec diverses exigences en termes de matériel et des chaînes d’approvisionnement différentes. Ils sont conçus pour mieux surmonter les problèmes d’offre, de demande, et de besoin. Ces partenariats sont créatifs et importants pour faire face à une crise d’une telle ampleur. Les chercheurs impliqués sont nombreux, parmi lesquels David Pride, spécialiste des maladies infectieuses, Directeur du Clinical Molecular Microbiology Laboratory et Associate Professor of pathology and medicine at UC San Diego School of Medicine, et Sharon Reed, également spécialiste des maladies infectieuses et Professor of pathology and medicine at UC San Diego School of Medicine et Directrice des Clinical Microbiology and Virology Laboratories.

Mise en place d’un essai clinique pour évaluer un médicament antiviral pour soigner le COVID-19

Tel qu’annoncé le 24 mars 2020, les médecins-chercheurs de UC San Diego Health, et de trois autres centres médicaux de l’université de Californie – UC San Francisco, UC Irvine Health et UC Davis Health – ont commencé à recruter des participants pour un essai clinique de phase II visant à étudier la sécurité et l’efficacité du traitement par le remdésivir pour les patients adultes atteints du COVID-19. Ce médicament antiviral, développé par Gilead Sciences, a déjà montré une activité dans les modèles animaux et les essais cliniques humains de nombreux virus dont SARS-CoV-1, MERS-CoV, Ebola, Marburg. Il agit en inhibant l’ARN polymérase ARN-dépendante, une enzyme nécessaire à la réplication de certains virus à ARN comme le SRAS-CoV-2. Ainsi, l’inhibition de l’enzyme peut empêcher la réplication virale dans les cellules infectées. Le remdésivir n’est pas approuvé par la Food and Drug Administration pour le traitement d’une quelconque infection, mais il fait l’objet d’essais cliniques pour le traitement de multiples maladies virales, y compris les infections COVID-19 (SRAS-CoV-2). L’étude est randomisée, menée en double aveugle et contrôlée par placebo. Elle est conçue pour être adaptative, signifiant qu’elle pourra être orientée vers les voies les plus prometteuses. Elle débute avec une petite cohorte de participants, tous diagnostiqués avec COVID-19, et patients des centres médicaux participants à l’essai. Celui-ci devrait se dérouler jusqu’au 1er avril 2023 et compter un total estimé de 440 participants. Cette étude est subventionnée par the National Institute of Allergy and Infectious Disease, qui fait partie des National Institutes of Health (NIH). Dan Sweeney, Associate Clinical Professor de la Division of Pulmonary, Critical Care and Sleep Medicine at UC San Diego School of Medicine, est le principal co-investigateur de cet essai.

Association multidisciplinaire et innovation pour la fabrication de ventilateurs grâce à l’impression 3D

Le 26 mars 2020, une équipe d’ingénieurs et de médecins de UC San Diego a déclaré avoir mis au point des ventilateurs simples et prêts à l’emploi pour relever l’un des principaux défis de l’épidémie de COVID-19. La première étape a consisté à trouver un consensus avec les anesthésistes et les inhalothérapeutes au sujet des exigences minimales requises pour un respirateur. L’étape suivante consistait à déterminer si les ingénieurs de l’équipe pouvaient raisonnablement les produire, et dans quel délai. L’impression 3D a été considérée comme une technique prioritaire car elle peut être utilisée pour produire rapidement des pièces personnalisées, contrairement aux méthodes de fabrication traditionnelles. Pour mener à bien ce projet, l’équipe d’étudiants s’est vu accorder une exception spéciale accordée par le doyen de la Jacobs School of Engineering. Des projets connexes ont émergés, et parmi ceux-ci : la collecte et l’inventaire des réserves d’oxygène en prévision de la  demande accrue des hôpitaux locaux, la conversion d’autre appareils à pression d’air, et l’adaptation des ventilateurs existants pour qu’ils puissent servir un plus grand nombre de patients. Pour ce dernier projet, une autre équipe travaille avec des membres de la Navy et de Lockheed Martin, pour mettre au point un système imprimable en 3D permettant de diviser un ventilateur conçu pour un seul patient afin qu’il puisse être utilisé par un maximum de quatre patients à la fois. L’équipe a déclaré avoir reçu de nombreux soutiens de la part d’autres collègues et de la direction de l’université. Par exemple, the Institute on Global Conflict and Cooperation de UCSD a déjà contribué à hauteur de 50.000 dollars pour aider au développement de prototypes.

Simulation du virus grâce à un superordinateur

Le laboratoire du Professeur Rommie Amaro – Professor of Chemistry and Biochemistry and Director National Biomedical Computation Resource at UCSD – a annoncé le 26 mars 2020 développer un modèle informatique de l’enveloppe du coronavirus via le superordinateur Frontera du Texas Advanced Computing Center de UT Austin. Ces simulations fourniront de nouvelles informations sur le virus, et sur la façon dont il infecte l’organisme. En en comprenant ses caractéristiques, les scientifiques bénéficieront de meilleures données permettant de concevoir de nouveaux médicaments et vaccins, de comprendre comment fonctionnent les médicaments actuels et les combinaisons potentielles de médicaments. La biochimiste espère appuyer ces nouveaux travaux sur son récent succès de simulations du virus de la grippe, publié dans ACS Central Science en février 2020. Elle a déclaré que les travaux sur la grippe présenteront un nombre important de similitudes avec les recherches actuelles sur COVID-19.

Le recours aux robots dans la lutte contre le COVID-19

Un groupe de leaders dans le domaine de la robotique, dont Henrik Christensen, Directeur du Contextual Robotics Institute de UCSD, a pris la parole via l’éditorial du journal Science Robotics pour montrer comment les robots peuvent aider à organiser le combat contre une maladie infectieuse telle que le COVID-19. Un certain nombre d’exemples sont présentés dans cet éditorial du numéro du 25 mars 2020. Ils affirment notamment que les robots peuvent être utilisés pour les soins cliniques tels que la télémédecine et la décontamination, la logistique telle que la livraison et la manipulation des déchets contaminés, ou encore la reconnaissance qui pourrait par exemple aider au contrôle du respect des quarantaines volontaires.

La volonté de créer l’équivalent  d’une “carte météo” de la propagation et de la sévérité du virus

Benjamin Smarr, Professeur de data sciences et bioingénierie à la Jacobs School of Engineering, avec l’aide de Ilkay Altintas, la Chief data science officer au San Diego Supercomputer Center et fellow à la Halicioglu Data Science Institute, souhaite récolter les données concernant la propagation du virus et l’évolution des symptômes chez les patients. Sur la base d’une analyse précoce des données, et via le développement de nouveaux algorithmes, les chercheurs semblent capables de prédire, si une personne tombe malade, si l’infection va être légère ou grave. Mais ils veulent élargir le nombre de sujets pour s’assurer qu’ils capturent un échantillon représentatif de la population américaine. La récolte des données s’effectue via différents canaux : en ligne via le site internet mis en place reportyoursympoms.ucsd.edu/survey, via l’équipe du professeur Rob Knight, Professor à la UCSD School of Medicine et à la Jacobs School of Engineering, ou encore via un dispositif portable (une bague) fournie par Oura, une startup finlandaise qui a fourni gratuitement ce dispositif à 2.000 soignants du centre médical de UCSF et du Zuckerberg San Francisco General Hospital.

La Jolla Institute for Immunology : bénéficiaire d’un financement à hauteur de 1,73 millions USD pour accueillir un centre d’échange d’informations sur l’immunothérapie contre les coronavirus

Le Jolla Institute for Immunology (LJI) est un organisme de recherche indépendant et à but non lucratif fondé en 1988 qui se consacre à la compréhension du système immunitaire afin de pouvoir appliquer les connaissances à la promotion de la santé humaine et à la prévention et la lutte contre un large éventail de maladies. Le LJI a annoncé le 30 mars 2020 avoir reçu une subvention de 1,73 millions de dollars de la fondation Bill & Melinda Gates pour établir le Consortium d’immunothérapie sur le coronavirus (CoVIC) dans le cadre des efforts mondiaux de la fondation pour endiguer l’actuelle pandémie. Ce consortium porte ses efforts sur les thérapies à base d’anticorps – souvent les premières thérapies avancées contre une maladie infectieuse émergente. Basé à LJI, le CoVIC servira de centre d’échange et d’accélérateur de la recherche afin de fournir des immunothérapies pour protéger les personnes vulnérables contre les manifestations graves de COVID-19 dans toutes les régions du monde, y compris les milieux à faibles ressources. L’effort est dirigé par Erica Ollmann Saphire, Professeur au Centre de recherche sur les maladies infectieuses et les vaccins de LJI, qui s’appuie sur son expertise en matière de recherche pour guider le développement de médicaments à base d’anticorps et fédérer une coalition mondiale de recherche qui a fait ses preuves dans le cadre de la recherche sur le virus Ebola.


Auteurs : Maëlys RENAUD, Pascal LOUBIERE (SST Los Angeles)

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