En vivant aux USA, et notamment au Texas, un scientifique est obligé de répondre constamment à d’innombrables questions sur le réchauffement climatique. Et les questions sous-entendent la plupart du temps un franc scepticisme vis-à-vis l’origine anthropique du phénomène, voir son existence tout-court. Pour apprécier la différence entre les "climats" texan et français, cherchez "Mojib Latif " sur Google, en limitant la recherche aux pages en Français. En écartant les blogs, et en se limitant aux organes d’information, seul Le Post le cite. Tandis que ce monsieur est bien connu des média Américains – voir par exemple le New York Times du 21 septembre. Le reporter scientifique du Houston Chronicle en a fait le sujet de son article du 6 septembre.
Qui est donc Mojib Latif ?
Mojib Latif est Professeur de Physique du Climat à l’Institut Leibniz de Sciences Marines de l’Université de Kiel, en Allemagne. Il a reçu le Sverdrup Gold Medal Award de l’American Meteorological Society, le Max Planck Award for Public Science ainsi que le Lifetime Award of the Deutsche Umwelthilfe. Bref, ce n’est pas un rigolo.
Et bien, M. Latif a participé à la World Climate Conference 3, qui s’est tenue à Genève du 31 août au 4 septembre. Son intervention, qui peut être écoutée sur internet, a beaucoup marqué le journaliste du très respectable New Scientist, en mentionnant le fait que le climat ne se comporte pas de manière linéaire et monotone. Voyez la figure 1 (ci-dessus). Il s’agit de la fameuse courbe annuelle de la température globale terre-océans, tracée avec les données fournies par la NASA. On remarque qu’il y a presque autant de période de montée (réchauffements) que de diminution (refroidissements). Si on lisse la courbe en effectuant une moyenne mobile sur 21 ans, on obtient la figure 2, où l’on voit clairement que la température globale (courbe rouge) augmente en oscillant autour d’une courbe monotone croissante (parabole bleue.) Il y a des fluctuations à court terme (annuelles, visibles dans la figure 1), mais aussi des oscillations à plus long terme (décadaires, évidentes en figure 2, ci-après). Dans la phase descendante de l’oscillation, le climat se refroidit, du moins de façon temporaire. Or, nous sommes justement au sommet d’une telle oscillation, de sorte qu’on peut s’attendre à voir bientôt les températures moyennes décroître. "Les gens dirons que nous avons menti, que le réchauffement climatique est en train de se terminer", prévient le scientifique. Comme le souligne le journaliste, le moment n’est pas bien choisi : décidemment la Nature, ou la Planète, se montreraient bien peu coopératives si le climat devait décider de se refroidir (du moins momentanément) juste au moment où des décisions politiques importantes doivent être prises.
Par ailleurs, Herr Professor Latif a tenu des propos plus inquiétants, en rappelant que les modèles climatiques sur lesquels se basent tous les scenarii prévus et toutes les décisions politiques ont encore beaucoup de mal à décrire ces oscillations décennales, parce qu’ils reproduisent très mal les détails de la circulation océanique. Les modèles ont des marges d’erreur de température qui peuvent parfois atteindre les 100°C !
Tout ça a bien de quoi laisser perplexe un non-spécialiste, même scientifique. On se demande si c’est si bizarre que les profanes cherchant à se faire une opinion personnelle sur cette question, somme toute assez importante pour notre avenir, ne savent plus où donner de la tête.
En Europe, c’est bien plus simple. Tous les médias Français on répercuté le bilan climatologique de Météo-France qui annonçait que l’été 2009 avait été plus chaud que la moyenne, le mois d’août ayant connu 5 jours de canicule (que 5 jours ! Un vrai paradis, en venant de Houston!) Et bien que cela ne dise rien sur l’évolution globale des températures sur la Planète, il est plus facile de croire au réchauffement climatique quand il fait chaud, que quand on nous prédit un renforcement des phénomènes extrêmes, et que l’on ne voit pas un seul ouragan digne de ce nom pendant toute la saison.
Tiens, voila qui est inquiétant. J’ai utilisé spontanément l’expression "croire au réchauffement climatique". Nous en sommes toujours là, je crains. Ne faudrait-il pas faire un peu plus de pédagogie, plutôt que de se référer toujours à l’autorité des "experts" ?
Source :
– Le Post sur Mojib Latif : https://www.lepost.fr/article/2009/09/06/1684356_au-giec-il-y-en-a-qui-trouvent-que-la-prophetie-en-climatologie-sent-le-rat.html
– Le New York Times sur le même : https://www.nytimes.com/2009/09/23/science/earth/23cool.html?hp
– Ainsi que le Houston Chronicle : https://blogs.chron.com/sciguy/archives/climate_change/
– L’article du New Scientist que tout le monde a repris : https://www.newscientist.com/article/dn17742-worlds-climate-could-cool-first-warm-later.html?DCMP=OTC-rss&nsref=online-news
– Les données que j’ai utilisées pour tracer les figures se trouvent sur le site de la NASA : https://data.giss.nasa.gov/gistemp/graphs/
– Le bulletin de Météo-France se trouve à l’adresse suivante : https://france.meteofrance.com/generated/integration/img/produits/pdf/bcm_V38GF3QELI9.pdf
Deux exemples de relance de l’information précédante par les média français ; Libération et Le Figaro :
– https://sciences.blogs.liberation.fr/home/2009/09/l%C3%A9t%C3%A9-2009-en-france-plus-chaud-que-la-moyenne.html
– https://www.lefigaro.fr/vert/2009/09/04/01023-20090904ARTFIG00381-2009-le-cinquieme-ete-le-plus-chaud-depuis-1950-.php
Pour en savoir plus, contacts :
Les transparents du séminaire de M. Latif à la WCC3. Le texte de l’intervention peut être écouté sur le site de la Conférence : https://www.wmo.int/wcc3/sessionsdb/documents/PS3_Latif.pdf
Code brève
ADIT : 60699
Rédacteur :
Alberto Pimpinelli, [email protected]