Géographie des dépenses de R&D aux Etats-Unis : entre centralisation fédérale et concentrations étatiques

Une des spécificités du système d’enseignement supérieur américain est son haut degré de décentralisation. Le département de l’éducation se borne à assurer l’excellence des enseignements via l’accréditation d’agences spécialisées tout en encourageant un égal accès aux études supérieures via plus de 80 milliards de bourses et prêts divers. Qu’en est-il de l’effort public de R&D ?

Patrick Clemins, Directeur de la AAAS, association décryptant avec talent l’inextricable requête budgétaire présidentielle pour en extirper de manière compréhensible une description du budget fédéral de R&D, est intervenu auprès du "cercle des diplomates scientifiques" réunis à l’Ambassade d’Allemagne le lundi 30 Novembre 2009. Il a rappelé les 4 déterminants du budget de R&D 2009 :
(i) La relance de l’économie avec l’American Recovery and Reinvestment Act (ARRA, 17 Février 2009),
(ii) Le doublement du financement des agences soutenant la recherche fondamentale (dans la lignée de l’America Competes Act, 9 Août 2007)
(iii) La cible de 3% de dépenses de R&D à atteindre (Discours du Président Obama devant les National Academies, 28 Avril 2009)
(iv) Les priorités d’investissement de la R&D définies par l’OSTP

Malgré l’absence de "Ministère de la recherche" il apparaît clairement que la politique en matière de R&D est impulsée à l’échelon fédéral. En outre, la participation des Etats fédérés dans l’effort national est extrêmement faible.

La contribution des Etats dans l’effort national de R&D : une goutte d’eau dans l’océan fédéral

Les Etats ont dépensé 1.3 milliard de dollars en matière de R&D en 2007 soit pratiquement 100 fois moins que le gouvernement fédéral. En d’autres termes, le système de R&D américain est fortement centralisé. De ces financements des Etats, 534 millions ont été attribués aux universités, 248 millions aux entreprises et chercheurs individuels, 309 millions dans le cadre de cofinancement des laboratoires internes aux agences fédérales. Par ailleurs, ces fonds sont orientés à 72% en faveur de la recherche appliquée et du développement.

Cette intervention des Etats est caractérisée par leur haut degré de concentration. Trois Etats dépensent plus de 100 millions de dollars pour la R&D. Ainsi, New York, l’Ohio et la Pennsylvanie totalisent plus du quart des financements étatiques.


Cette concentration est-elle un phénomène que l’on retrouve pour la consommation des fonds fédéraux ?

Répartition par Etat des dépenses fédérales de R&D

Les financements fédéraux soutiennent différents types d’acteurs dans les Etats: les Universités (30%), les laboratoires fédéraux (25,5%), les centres interdisciplinaires (14,3%), les entreprises (25%) et autres (4,2%). La carte ci-dessous rend compte du degré de captation des fonds fédéraux de R&D par Etat


La Californie est largement en tête avec près de 22,7 milliards de dollars sur un total national de 113 milliards en 2007, puis lui succèdent le Maryland avec 11,735 milliards de dollars, la Virginie avec 9,037 milliards de dollars, le Massachusetts (6,774) , le Texas avec (5,434), New York (5,142), l’Etat de Washington (4,737), le District of Columbia (4,204), New Mexico (3,230) et enfin la Pennsylvanie (3,290). A eux seuls, ces neuf Etats ainsi que le District of Columbia totalisent les deux tiers des dépenses fédérales de R&D. La Californie en capte à elle seule près d’un cinquième.

La crise économique va-t-elle redistribuer les cartes ?

Répartition par Etat du chapitre S&T du plan de relance

Dans la lignée du site dédié à l’ARRA [1], un nouveau site se concentrant uniquement sur la composante "science et technologie" du plan de relance a été crée par le conglomérat formé par l’Association of American Universities, l’Association of Public and Land Grant Universities et la Science Coalition [2]. Ce site permet de retracer l’utilisation des 21 milliards de dollars pour la R&D, les équipements et constructions scientifiques. Pour rappel, le Recovery Act a attribué 3 milliards de dollars pour la NSF, 1.6 milliard pour l’Office of Science du DOE, 400 millions pour l’ARPA-E, 580 millions pour le NIST, 1 milliard pour la NASA et 10 milliards pour les NIH, montants eux-mêmes redistribués aux acteurs présents dans les différents Etats de l’Union [3].

A nouveau, on retrouve une "diagonale du vide" Ouest-Est s’opposant à des côtes dynamiques. Par contre la hiérarchie des Etats ayant bénéficié le plus de l’ARRA varie sensiblement par rapport aux consommateurs habituels de fonds fédéraux de R&D.

En effet, même si l’on retrouve à nouveau la Californie en tête de peloton avec 1,186 milliard de dollars, viennent ensuite les Etats de New York (613 millions), de Washington (314 millions), de Caroline du Sud (291 millions), le Massachusetts (282 millions) et le Michigan (273 millions). Cette variation s’explique notamment par la vocation différente du plan de relance, qui vise en premier lieu à sauvegarder et créer des emplois, comme en témoigne par exemple les résultats affichés par la Californie avec 64 millions de dollars obtenus pour les chercheurs de Berkeley et 250 emplois crées.

Ainsi, le système de R&D américain se caractérise par sa forte centralisation, et sa carte géographique des dépenses de R&D par sa forte concentration.

Source :

-[1] https://www.recovery.gov/Pages/home.aspx,
-[2] https://www.scienceworksforus.com/
Selon Nancy Patricia D’Alesandro Pelosi, Porte-Parole de la Chambre des Représentants, "(le site) Science Works for Us a jeté les bases du prochain grand chapitre de l’innovation aux Etats-Unis. A travers ce site web et notre soutien des chercheurs de ce pays, nous allons nous assurer que le Recovery Act ne fut pas la fin de notre investissement en matière d’innovation mais le début d’un engagement durable pour la science. Travaillant de concert avec nos partenaires, nous savons que nous pouvons faire progresser notre héritage de réussites scientifiques et ouvrir de nouvelles portes vers les technologies de demain".
– https://www.nsf.gov/statistics/infbrief/nsf10306/

Pour en savoir plus, contacts :

– 2009 donne des ailes à la recherche, Estelle Bouzat, 27/03/2009 : https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/58421.htm
– Quelles seront les retombées du plan de relance dans le domaine de la R&D ?, Johan Delory, 6/11/2009, BE Etats-Unis 183, https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/61143.htm
Code brève
ADIT : 61419

Rédacteur :

Johan Delory, [email protected]

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