Désaccord sur le futur de la gestion d’Internet

Actuellement, la gestion des noms de domaines de l’Internet est assurée par l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), sous contrat du Department of Commerce américain. Cette mainmise étasunienne sur la gestion de l’Internet ne semble plus satisfaire que les Etats-Unis. Le 18 juillet dernier, le Working Group on Internet Governance (WGIG) de l’ONU a présenté ses propositions de réforme de gouvernance de l’Internet lors d’une réunion à Genève. Le rapport distingue quatre fonctions essentielles dans la gouvernance de l’Internet : la fonction de forum, la politique publique et le contrôle au niveau mondial, la coordination institutionnelle et la coordination régionale et nationale.
Ces propositions suggèrent 4 modèles alternatifs. Le premier envisage de créer un organisme de l’ONU, le Global Internet Council ou conseil mondial de l’Internet qui superviserait l’ICANN à la place des Etats-Unis. Le deuxième consiste à considérer qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un organe de contrôle spécifique (au-dessus de l’ICANN), on se contenterait alors de renforcer le Governmental Advisory Committee de l’ICANN en le transformant en forum transparent de débat sur la réglementation d’Internet. Le troisième est de limiter l’ICANN à un rôle quasi technique, en créant un International Internet Council / Conseil international de l’Internet (indépendant de l’ONU) qui assurerait les fonctions régaliennes au lieu des entités ICANN/IANA et Department of Commerce, les Etats-Unis perdant là aussi la supervision de l’ICANN. Le quatrième se focalise sur l’élaboration de politiques, le contrôle et la coordination mondiale avec la création de trois nouvelles instances : l’une, WICANN sous contrôle intergouvernemental, remplacerait l’ICANN et s’occuperait du système d’adressage d’Internet, une autre (Forum mondial de la gouvernance de l’Internet) permettrait des débats entre les gouvernements, les entreprises et le public, la dernière (Conseil des politiques Internet mondiales) coordonnerait le travail sur les questions de réglementation relatives à Internet. Ces propositions devraient être discutées lors d’un sommet mondial sur la société de l’information de l’ONU à Tunis en novembre. Mais lors du pré-sommet à Genève, les Etats-Unis, à travers leur ambassadeur David Gros, coordinateur chargé de la réglementation internationale pour les communications et l’information, ont fait savoir qu’ils ne laisseraient en aucun cas le contrôle d’Internet à l’ONU. Il a également rejeté le modèle proposé par l’Union Européenne (qui viserait notamment à faire passer la gestion de l’Internet sous une loi internationale et non plus américaine). En juin le sous-secrétaire d’Etat du département du commerce en charge des télécommunications et de l’information, Michael Gallagher, avait mis en avant le fait qu’Internet est un enjeu de sécurité nationale pour rejeter toute évolution vers un contrôle international. La position américaine a le soutien des entreprises américaines, qui craignent qu’une supervision par l’ONU ou un groupe intergouvernemental politise des choix techniques et nuise à la flexibilité et à l’innovation. A l’inverse de nombreux gouvernements ne souhaitent pas continuer à dépendre du bon vouloir du gouvernement américain, y compris pour développer un Internet multilingue. Pour autant, il n’existe pas encore d’accord sur la façon dont il devrait être géré. Reste à savoir si cette opposition frontale débouchera ou non sur une balkanisation de l’Internet.

Pour en savoir plus, contacts :

https://www.nytimes.com/financialtimes/business/FT20050930_29056_46303.html
https://www.computerworld.com/governmenttopics/government/policy/story/0,10801,105099,00.html
– Le groupe de travail de l’ONU et ses propositions : https://www.wgig.org/
– L’ICANN : https://www.icann.org/
– Le sommet de Tunis : https://www.itu.int/wsis/
Code brève
ADIT : 29927

Rédacteur :

Sébastien Morbieu, [email protected]
Jean-Philippe Lagrange, [email protected]

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