L’entrepreneuriat technologique et l’innovation en Nouvelle-Angleterre : un état des lieux en demi teinte

L’ensemble des acteurs de l’écosystème d’innovation et d’entrepreneuriat technologique de Nouvelle-Angleterre se sont retrouvés le 10 février lors de l’événement "Mass Entrepreneurship 2009" [1]. Ce séminaire, qui a rassemblé plus de 200 enseignants en entrepreneuriat, directeurs d’incubateurs, et représentants des institutions fédérales et régionales, a permis de faire le point sur les mesures d’enseignement et de soutien à l’entrepreneuriat dans la région.

Une semaine auparavant, "Y Combinator", l’un des plus important incubateur de la région, annonçait sa délocalisation vers la Silicon Valley, faisant état d’un manque de "start-up culture" dans le nord est du pays. Cette annonce a jeté un froid sur la communauté technologique locale et les autorités qui travaillent précisément à un objectif opposé : faire du Massachusetts un lieu de création technologique attractif.

Cas isolé ou mouvement de fond ? Les participants en ont profité pour faire un point sur les atouts et les faiblesses de la Nouvelle-Angleterre en termes de soutien à la création de jeunes pousses. Deux domaines ont été abordés : le premier sur les bonnes pratiques d’accompagnement ("mentoring"), ou comment répondre le mieux aux nouveaux besoins des entrepreneurs et comment sélectionner et former les meilleurs tuteurs ? Le second sur les mesures de soutien et d’incitation aux jeunes entrepreneurs. Ce thème faisait écho au récent rapport du Babson College [2] qui confirme que les entrepreneurs de la région de Nouvelle-angleterre ont un âge moyen supérieur à la moyenne nationale.

Deux tendances se dégagent des présentations des différents programmes émanant des universités et des incubateurs. En premier lieu, on note un certain manque de cohésion et d’interaction entre les différents acteurs concernés par l’entrepreneuriat dans la région. Aucune démarche n’est en effet mise en oeuvre au niveau de l’Etat pour favoriser les échanges de bonnes pratiques. En second lieu, on constate une réelle carence de stratégie internationale clairement définie pour ces acteurs, qui pour la plupart réalisent tout juste l’importance de former des entrepreneurs "globaux", aptes à internationaliser leurs activités dès le lancement de la jeune pousse. Cependant, la croissance rapide des demandes des étudiants pour des formations en entrepreneuriat social a amené les universités à ouvrir leurs formations à d’autres horizons.

Par ailleurs, ce rassemblement à permis de faire un Etat des lieux de l’entrepreneuriat technologique au Massachusetts. Avec plus de 120 universités dont Harvard et le MIT ainsi que plusieurs des meilleurs hôpitaux de recherche au monde, le Massachusetts est unanimement reconnu comme leader mondial en matière de recherche et d’enseignement supérieur. La communauté du Massachusetts ("Commonwealth") est également un lieu historiquement propice à la commercialisation de technologies innovantes et au lancement de jeunes pousses. En revanche, le retournement économique actuel fragilise l’Etat et met en évidence la nécessité de mieux et davantage soutenir les activités entrepreneuriales. C’est le sens des conclusions du rapport du Babson College. Ce dernier confirme qu’il est primordial pour le Massachusetts de mettre en place des politiques et programmes favorisant d’une part les entrepreneurs de certaines régions et de certaines industries et, d’autre part l’enlever les barrières à la croissance des jeunes pousses.

Mais il y a aussi des points positifs. Le rapport relève par exemples que l’activité entrepreneuriale du Massachusetts est largement au-dessus de la moyenne des Etats-Unis. En effet, 23% des actifs de l’Etat sont des entrepreneurs, comparés aux 14% de la moyenne nationale. Les nouvelles entreprises sont également créées en moyenne plus rapidement dans le Commonwealth que dans le reste du pays. En revanche, avec une moyenne d’age de 50 ans, les entrepreneurs de la région sont plus âgés que la moyenne nationale (47 ans). De même, on constate que la majorité (61%) des entreprises de moins de trois ans est portée par des immigrants, alors que 77% des entreprises établies sont dirigées par des non-immigrants. Ce constat pose en effet la question des mesures d’incitation à l’entrepreneuriat pour les jeunes américains. Enfin, une attention particulière a été mise sur le phénomène d’internationalisation des entreprises technologiques. A ce jour un très faible pourcentage des entreprises du Massachusetts a plus de 50% de leurs clients en dehors des Etats-Unis. Dans le même temps, plus de la moitié d’entre elles génèrent 10% ou plus de leurs revenus à l’étranger.

En dernier lieu, les intervenants se sont interrogés sur les différences fondamentales entre l’écosystème entrepreneurial de la Nouvelle-Angleterre et celui de la Silicon Valley. La différence principale porte sur la nature des jeunes pousses créées. Celles de Californie sont majoritairement dans le domaine de l’internet et des STIC. Elles se lancent et se développent en général plus rapidement que leurs consoeurs de la côte Est. Ces sociétés appuient leur démarrage d’activités sur un budget bien inférieur à celui généralement requis dans le domaine des biotechnologies ou des énergies propres. Dans ces domaines, la période de test ou de conception de prototype est plus longue. En revanche, les projets venant de la Nouvelle Angleterre présente de ce fait une maturité plus grande et une stratégie sur le long terme plus clairement définie.

L’écosystème entrepreneurial de la Nouvelle-Angleterre, malgré son manque de "culture de start-up" par rapport à la Silicon Valley, présente encore de nombreux atouts, notamment avec ses universités de renom. Selon les acteurs concernés, l’accent doit désormais être mis sur trois points : 1/ la sensibilisation de cette élite d’étudiants aux questions d’entrepreneuriat, 2/ l’amélioration des mesures de soutien à la création des jeunes pousses technologiques, en particulier le mentoring et la relation universités incubateurs, et 3/ l’enseignement d’une culture entrepreneuriale tenant compte des réalités économiques de la globalisation.

Source :

[2] Babson Entrepreneurship Monitor, Massachusetts report 2008, Babson College – https://www3.babson.edu/ESHIP/research-publications/upload/GEMMA08EntMon.pdf

Pour en savoir plus, contacts :

[1] Mass Entrepreneurship 2009 : https://www.invention2venture.org/massentrepreneurship09/
Code brève
ADIT : 57727

Rédacteur :

Yann Le Beux, [email protected]

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