Comme nous l’évoquions récemment dans un document de synthèse, l’innovation aux Etats-Unis est devenue un sujet à la mode. Le plan de relance mis au point par la nouvelle Administration ainsi que l’actuelle crise économique ont été l’occasion de parler de l’innovation, de la recherche et de la compétitivité des Etats-Unis. Dans la pratique, ces débats se confondent avec celui qui se rapporte à la perte (relative) de leadership des Etats-Unis en matière de technologies.
Pour la Mission Scientifique de l’Ambassade, la question de l’innovation aux Etats-Unis reste un sujet passablement complexe à traiter. Nous sommes en effet face à un dilemme : à vouloir observer les seules politiques fédérales, on obtient une vision brouillée avec un résultat inachevé. Et à s’attacher à étudier les politiques locales on retire une impression d’émiettement et d’éparpillement sans connexions ! Nous sommes aussi devant un paradoxe : le pays qui est reconnu mondialement pour sa capacité à transformer la connaissance en valeur économique ne possède pas de politique d’innovation !
La place et le rôle du gouvernement fédéral sont au centre des questions d’innovation. Même si, d’une façon générale, l’innovation est perçue aux Etats-Unis comme un dossier local ou régional où le Gouvernement fédéral n’a pas à s’immiscer. Mais crise oblige, les choses changent. Et après le gouvernement fédéral, c’est au tour des universitaires à poursuivre le débat, à le théoriser puis à le mettre sur la place publique.
Sans doute en raison de sa jeunesse, la teneur des discussions a cependant de quoi surprendre par son degré de naïveté et ses évidences. Ainsi, dans un récent article, le New York Times (NYT) relate la tenue d’un débat animé par un ancien de l’école de commerce du l’Université de Harvard, le professeur John Kao. Ce dernier a réuni un panel de pays (Australie, Brésil, Chili, Colombie, Finlande, Inde, Norvège et Singapour) pour avancer quelques conclusions de portée normative sur la question de savoir si "les gouvernements peuvent labourer les champs de l’innovation" : "les gouvernements (locaux et fédéraux[1]) investissent le champ de l’innovation (…) car ils y sont poussés par les défis de l’énergie, de l’environnement et des soins médicaux qui requièrent des collaborations entre les secteurs publics et privés ; sans parler des manquements des politiques économiques et industrielles traditionnelles". Autre conclusion : c’est au Gouvernement d’apporter de la coordination à ses multiples initiatives dans les domaines de l’éducation, de la recherche, de l’immigration et des incitations à l’activité économique. A l’issue de la rencontre, le journaliste du NYT qui nous parle des merveilleuses découvertes du prof. Kao, est visiblement frappé d’ébahissement ; il affirme que "les politiques d’innovation constituent, assurément, une discipline émergente" !
A croire que l’innovation ressemble à la prose de M. Jourdain, on la pratique sans vraiment le savoir ni la connaître !
[1] NDLR
Source :
"Can Governments Till the Fields of Innovation?", Steve Lohr, New York Times, 20/06/09
https://www.nytimes.com/2009/06/21/technology/21unboxed.html?_r=4&adxnnl=1&ref=business&adxnnlx=1245772848-6fyx23Sk8r8NfyVVSp4+Ng
Pour en savoir plus, contacts :
"Should the Government Focus Resources on High-Potential Start-Ups?", Scott Shane, New York Times, 18/06/09 : https://boss.blogs.nytimes.com/2009/06/18/should-the-government-focus-resources-on-high-potential-start-ups/
Code brève
ADIT : 59809
Rédacteur :
Antoine Mynard, [email protected]