Le NCCAM fête ses 10 ans

Le "National Center for Complementary and Alternative Medicine" (NCCAM) a fêté ses dix ans lors d’un symposium organisé le 8 décembre 2009 sur le campus des NIH ("National Institutes of Health"), à Bethesda (Maryland). La mission du NCCAM est d’explorer, au sein des NIH les pratiques de médecine alternative et complémentaire dans un contexte scientifique rigoureux, de former des chercheurs, et de diffuser l’information au public et aux autorités. Le NCCAM est doté d’un budget de 125 millions de dollars en 2009, qui représente 0,4% du budget total des NIH.

Josephine Briggs, directrice du NCCAM a ouvert le symposium par une présentation du centre et a rappelé le rôle de neutralité du NCCAM vis à vis de la médecine complémentaire et alternative [1]. Des scientifiques se sont succédés tout au long de la journée. La matinée a été consacrée aux recherches actuelles concernant le microbiome [2] humain. Le Dr Jeffrey Gordon, directeur du "Center for Genome Sciences" à la "Washington University School of Medicine" à Saint Louis a présenté plus particulièrement le microbiote intestinal humain [3], et les recherches génétiques sur les populations bactériennes. Ce spécialiste de metagénomique étudie les variabilités de microbiotes entre individus (par exemple entre jumeaux monozygotes et dizygotes ou entre individus d’une même famille). Pour expliquer les relations entre régime alimentaire et communautés microbiennes intestinale, il utilise des souris génétiquement modifiées dont la flore intestinale est très précisément contrôlée. En transférant le microbiote de souris obèses dans ces souris modèles, il induit une augmentation de la prise de masse graisseuse. Ses résultats sous-entendent que la modification volontaire de la flore intestinale par la médecine complémentaire pourrait améliorer la santé, et notamment réduire l’obésité.

Claire M. Fraser-Liggett, professeur de médecine et directrice de l’"Institute for Genome Sciences" à l’"University of Maryland School of Medicine" a ensuite évoqué le "Human Microbiome Project" (HMP). Cette initiative des NIH, qui s’appuie sur une approche métagénomique et des techniques traditionnelles pour séquencer l’ADN génomique, a pour but de jeter les bases de futures études des communautés microbiennes associées à l’homme. Le projet s’est fixé les objectifs suivants:
– Déterminer si les individus partagent un microbiome humain principal
– Comprendre la corrélation entre les variations du microbiomes et les maladies
– Développer de nouveaux outils technologiques et bio-informatiques pour répondre à ces objectifs
– Aborder les implications éthiques, juridiques et sociales soulevées par la recherche sur le microbiome humain.

Claire Fraser a ensuite expliqué que différents facteurs influencent l’environnement bactérien: le génotype de l’hôte, son style de vie, l’utilisation d’antibiotiques, le régime alimentaire et les maladies. Mais il n’y a actuellement pas de réelles preuves de l’impact du microbiome sur la santé. Elle ajoute qu’elle ne peut pas affirmer que la manipulation du microbiome humain permette de traiter les maladies, par des probiotiques [4] par exemple.

L’après-midi a été consacrée à la médecine du corps et de l’esprit. Bruce Rosen, professeur de radiologie et de sciences et technologie de la santé à l’"Harvard Medical School" et directeur du centre de résonance magnétique nucléaire du "Massachusetts General Hospital" a présenté ses travaux concernant l’utilisation de l’IRMf (Imagerie par Résonance Magnétique Fonctionnelle) pour étudier les effets de l’acupuncture au niveau neurologique. Les résultats montrent que l’acupuncture semble modifier l’activité de certains réseaux neuronaux, notamment ceux participant à la modulation de la douleur. Les mécanismes sous-jacents restent cependant toujours inexpliqués.

Richard Davidson, professeur de psychologie et de psychiatrie, et directeur de du "Laboratory for Affective Neuroscience" à l’"University of Wisconsin-Madison" s’est intéressé à l’aspect neurologique de la méditation. Grâce à l’IRMf, il a mis en évidence la neuroplasticité en réponse à la méditation et à des exercices destinés à modifier le comportement (attention, compassion).

Susan Folkman, professeur de médecine et fondatrice du "Center for Integrative Medecine" à l’"University of California, San Fransisco" a ensuite présenté ses travaux en médecine intégrative concernant la manière de faire face au stress et de le surmonter. Ella utilise l’exemple de personnes atteintes du SIDA, de leurs partenaires et des personnels de soin, et présenté la manière dont ils faisaient face au stress lié à la maladie. En conclusion, Susan Folkman a évoqué l’initiative des NIH qui ont inscrit la "science du comportement" dans leur "Roadmap for Medical Research" [5]. Ce programme favorisera les collaborations entre les centres et instituts des NIH dans cette discipline.

Ce symposium a permis de mettre en lumière le travail nécessaire des NCCAM vis a vis de la médecine complémentaire et alternative. Après dix ans d’activité, les perspectives de recherche restent nombreuses, notamment concernant les produits naturels comme les probiotiques, ou la médecine du corps et de l’esprit (méditation, acupuncture …). Rappelons que les dépenses liées à la médecine complémentaire et alternative augmentent chaque année aux Etats-Unis (Voir BE Etats-Unis 176) [6].

Source :

– "Research Symposium Will Explore the Science of Complementary and Alternative Medicine" – Campus NIH, Bethesda (Maryland) – 08/12/2009 – https://www.nih.gov/news/health/nov2009/nccam-18.htm
– "Why Isn’t NCCAM’s 10th Year Anniversary Symposium Focusing on Real World Outcomes? A Response from Director Josephine Briggs" – John Weeks – 28/08/2009 – https://theintegratorblog.com/site/index.php?option=com_content&task=view&id=588&Itemid=1
– "Le microbiome" – Wikipédia – https://fr.wikipedia.org/wiki/Microbiome
– "Le microbiote " – Wikipédia – https://fr.wikipedia.org/wiki/Microbiote

Pour en savoir plus, contacts :

– [1] La médecine complémentaire et alternative (CAM) recouvre une variété de traitements considérés comme ne faisant pas partie de la médecine conventionnelle. Les pratiques de la CAM peuvent être découpées en cinq domaines principaux :
* Les systèmes traditionnels de médecine: l’acupuncture, l’Ayurveda, la médecine chinoise
* Les interventions entre l’esprit et le corps : la méditation, la relaxation
* Les méthodes manipulatrices et corporelles : le massage, l’ostéopathie
* Les thérapies biologiques: l’homéopathie, la thérapie par les plantes, les suppléments diététiques
* Les thérapies de l’énergie : le toucher thérapeutique, le Reiki, les champs électromagnétiques.
– [2] Le microbiome correspond à l’environnement de la microflore (ou microbiote) mais désigne également la somme des génomes des micro-organismes vivant dans ou sur un organisme.
– [3] Le microbiote intestinal est la nouvelle dénomination de la microflore intestinale, qui correspond à l’ensemble des microorganismes colonisant l’intestin.
– [4] Les probiotiques sont des micro-organismes vivants (bactéries ou levures), ajoutés comme compléments à certains produits alimentaires, comme les yaourts ou les céréales par exemple.
– [5] "NIH Science of Behavior Change" – 15-16 Juin 2009, Bethesda, Maryland – https://nihroadmap.nih.gov/documents/SOBC_Meeting_Summary_2009.pdf
– [6] "Les médecines alternatives, oubliées du débat sur la réforme du système de santé américain ?" – Alexandre Touvat – BE Etats-Unis numéro 176 – 11/09/2009 – Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT – https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/60444.htm
– "Microbiote intestinal et obésité" – Objectif Nutrition – Gérard Corthier – Numéro 89 – Septembre 2008 – https://www.institutdanone.org/comprendre/publications/objectif_nutrition/089/dossier.php
Code brève
ADIT : 61650

Rédacteur :

Alexandre Touvat ([email protected])

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