Rapatriement de la chaîne de production des panneaux photovoltaïques aux US

Les Etats-Unis ont récemment mis en place un effort particulier pour s’affranchir des exportations chinoises dans le domaine photovoltaïque. A cette fin, l'achat de panneaux solaires est encouragé grâce à la politique fédérale de crédit d'impôt Solar Investment Tax Credit et suscite des investissements industriels sur le sol américain.
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Dans un contexte de plus en plus tendu entre la Chine et les Etats-Unis, de nouveaux enjeux de souveraineté technologique, énergétique et industriels ont émergé tels que le développement et la fabrication de panneaux photovoltaïques. Le président Biden a clairement exprimé la vision du gouvernement des Etats-Unis: “[Il faut] relocaliser nos chaînes d’approvisionnement aux Etats-Unis afin de ne pas dépendre d’autres pays, de réduire le coût des énergies propres et de nous aider à lutter contre la crise climatique.”[1]

Le processus de fabrication des panneaux photovoltaïques implique plusieurs étapes. Premièrement, du silicium pur est obtenu en faisant fondre du quartz dans un four à haute température (1). Une fois produit, le silicium est coupé en fines tranches appelées « wafers » (2). Ces wafers sont ensuite polis pour éliminer toutes les imperfections et transformés en cellules solaires en déposant une fine couche de dopants (des impuretés) sur leur surface pour créer un champ électrique interne permanent  qui permet de séparer les paires électrons-trous créées par l’absorption des photons solaires et d’obtenir ainsi un courant  (3). Les cellules solaires sont ensuite recouvertes d’une couche antireflet pour maximiser l’absorption de la lumière solaire et assemblées en panneaux solaires en les connectant entre elles avec des fils métalliques (4).

Fig.1: Chaîne de production de panneaux solaires photovoltaïques (source: Executive summary – Solar PV Global Supply Chains – Analysis – IEA)

Forte d’une politique gouvernementale en faveur du développement de l’industrie des panneaux photovoltaïques, d’importants investissements en R&D et d’un volume de production très important, la Chine est devenue le leader mondial et incontesté de l’ensemble de la chaîne de production de panneaux solaires. Elle représente plus de 75% de la capacité mondiale de chacune des étapes de fabrication d’un panneau solaire et concentre 95% de la production mondiale de wafers. Ce goulot d’étranglement en fait un acteur incontournable pour tous pays souhaitant investir dans l’énergie solaire.

Fig. 2 Capacité de fabrication de panneaux solaires photovoltaïques par pays et par région, 2021 (source: Executive summary – Solar PV Global Supply Chains – Analysis – IEA)

Dans le but de s’émanciper du monopole chinois, les Etats-Unis veulent rapatrier la production et l’assemblage de panneaux solaires sur leur territoire. Cette restructuration répond également à une demande croissante de panneaux solaires de la part du secteur commercial, industriel et résidentiel. Cette demande peut s’expliquer en partie par une politique de sensibilisation des nouvelles énergies propres auprès des consommateurs mais également par le crédit d’impôt Solar Investment Tax Credit (ITC), une incitation fiscale fédérale promulguée par la loi pour encourager le déploiement de l’énergie solaire aux États-Unis. Ce crédit d’impôt fédéral est déduit de l’impôt à payer par les investisseurs résidentiels, commerciaux et publics dans les projets d’énergie solaire. Les systèmes photovoltaïques solaires installés en 2020 et 2021 peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt de 26 %. En août 2022, le Congrès a voté une extension de l’ITC le portant à 30% pour l’installation d’installations photovoltaïques entre 2022-2032 [2]. De plus 10% additionnels sont accordés si tous les composants sont considérés comme issus de la production États-Uniennes.

Les différentes raisons citées plus haut ont suscité une nouvelle vague d’investissements aux Etats-Unis de la part de grandes entreprises du secteur photovoltaïque. Le groupe sud-coréen Q-Cell vient d’annoncer un investissement de plus de 2,3 Md$ dans la construction de nouvelles infrastructures en Géorgie. Cette annonce a été reprise avec enthousiasme par Georgia Institute of Technology dont le corps enseignant compte des experts des technologies photovoltaïques tels que Juan-Pablo Correa-Baena, professeur à School of Materials Science and Engineering [3]. Selon lui,  « La partie la plus importante de cet investissement […] est le fait que Q-cell investit dans le développement de la production de lingots de silicium et le développement de wafers ». En effet, au cours de la dernière décennie, la plupart des lingots et des wafers ont été produits en dehors des États-Unis, « grâce à cet investissement, nous garantissons le contrôle total de la chaîne d’approvisionnement en fabriquant tous les aspects des panneaux solaires dans le pays ». En définitive, l’objectif annoncé est de relancer la production de panneaux solaires sur le sol américain, de rendre l’énergie solaire plus abordable  et de créer des emplois qualifiés aux Etats-Unis. 

La France quant à elle représente moins de 1% de la production mondiale, et reste un acteur annexe dans la compétition internationale. Néanmoins, de manière similaire aux Etats-Unis des actions sont mises en  place pour développer l’industrie du photovoltaïque et stimuler l’installation de panneaux dans les foyers français. Différents avantages et  primes peuvent être octroyés telles que l’obligation d’achat, la prime à l’autoconsommation photovoltaïque et un taux de TVA réduit à 10% [4]. Le gouvernement français a pour objectif d’avoir plus de 100 GW de capacité solaire photovoltaïque installée d’ici 2050, contre 15,8 GW à la fin du troisième trimestre 2022. Pour ce faire,  il faudra notamment rapatrier une partie de la chaîne de production sur le sol français, notamment les premières étapes de fabrication, la purification du silicium et sa découpe en wafer. Des projets à la hauteur de ces ambitions énergétiques commencent à émerger tel que le projet Carbon, une méga usine à 1,3 Md d’euros, à Fos-sur-mer [5].

Ces différentes initiatives pourraient être mises en péril par la décision récente de la Chine de ne plus exporter les technologies et outils nécessaires au développement et à la fabrication de panneaux photovoltaïques afin de conserver sa place de leader mondial [6]. Nous nous pencherons dans les prochains mois sur les alternatives scientifiques qui permettraient de s’affranchir de ces technologies et d’apporter une solution technologique disruptive.

REFERENCES:

[1] South Korea’s Q Cells to spend $2.5B on US solar plant 

[2] U.S. solar tax credits hike factory activity but supply lines limit growth 

[3] $2.3B Qcells Solar Power Investment Holds Major Potential for Georgia (gatech.edu)

[4] Installation de panneaux solaires : vous avez droit à des aides ! | economie.gouv.fr

[5] Solaire : une nouvelle usine de 3.000 salariés à Fos-sur-Mer, le pari fou de Carbon | Les Echos

[6] China bans export of core solar panel technologies – Asia Times

Rédacteur: Yann Ferry, Chargé de mission scientifique au Consulat Général de France à Atlanta, [email protected]

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