L’antenne nord-américaine de la FAO célèbre la Journée mondiale des sols

FAO, World Soil Day

Recommandée par l’Union internationale des sciences du sol (IUSS) dès 2002, la Journée mondiale des sols est officiellement célébrée pour la première fois le 5 décembre 2014, afin d’augmenter la sensibilisation à la gestion durable des ressources présentes dans les sols, et encourager les gouvernements, les organisations, les communautés et les individus du monde entier à s’engager à améliorer de manière proactive la santé des sols. Le thème de cette année, « Maintenons les sols vivants, protégeons la biodiversité des sols », met l’accent sur l’importance de maintenir des écosystèmes sains, ainsi que le bien-être humain, en relevant les défis croissants de la gestion des sols et en luttant contre la perte de biodiversité des sols. A cette occasion, de nombreux évènements sont organisés à travers le monde, recensés par l’onusienne Food and Agriculture Organization (FAO) ici.

Côté nord-américain, la FAO a réuni virtuellement le 2 décembre, en amont du jour J, un panel de scientifiques issus de divers instituts de recherche régionaux. Leurs interventions se sont concentrées sur les organismes peuplant les profondeurs des sols, des bactéries microscopiques aux vers de terre contribuant aux processus indispensables à la vie sur terre. Ils ont rappelé la menace majeure que constitue la perte de biodiversité pour les sols, qui abritent plus d’un quart de la biodiversité terrestre, alors que seulement 1% de cette biodiversité est connue.

Le webinaire a accueilli le Dr. Rattan Lal, Lauréat 2020 du World Food Prize, ainsi que trois autres scientifiques états-uniens et une chercheuse canadienne. Le Dr. Rattan Lal a édité plus de cent livres et a été cité environ 112 000 fois au cours de sa carrière. Il est professeur émérite en sciences du sol et directeur du Centre de Gestion et Séquestration du Carbone à l’Université d’Etat d’Ohio.

Son intervention a permis de montrer le rôle crucial de sols en bonne santé dans l’équilibre planétaire, y compris son impact sur la santé humaine, animale et celle des écosystèmes. Il a notamment souligné les différentes fonctions remplies par les sols (productivité, purification de l’eau, séquestration du carbone, cycle nutritif, etc.) et l’importance de leur matière organique dans la limitation du changement climatique. Selon Rattan Lal, l’agriculture régénérative offre de potentielles solutions pour restaurer les sols, mis en péril par des utilisations inappropriées. Si les décisions nécessaires sont actées, il perçoit un futur prometteur pour l’agriculture, qui doit observer de nombreux changements d’ici 2050 : réduction de l’utilisation de pesticides, de fertilisants, amélioration de l’efficience hydrique, ou bien encore réduction de la surface des terres utilisée pour la culture des céréales, tout en maintenant l’accroissement de la production de denrées agricoles. Finalement, le professeur a pointé du doigt les perspectives liées au droit du sol, actuellement largement perçu comme une commodité à exploiter, alors qu’il s’agirait de le restaurer afin d’assurer la stabilité globale du monde à venir.

En prolongement de l’intervention de Rattan Lal, Ronal Vargas, Secrétaire du Global Soil Partnership, membre du département Land and Water de la FAO, s’est exprimé sur la publication du rapport State of Knowledge of Soil Biodiversity, qui a mobilisé de nombreuses organisations : FAO, Groupe Technique Intergouvernemental sur les Sols, Convention sur la Diversité Biologique, Global Soil Partnership, Commission Européenne, et Global Soil Biodiversity Initiative, dont Diana Wall, aussi participante à la conférence et directrice de l’Ecole de Durabilité Environnementale Globale de l’Université d’Etat du Colorado, est à la tête.

Ce rapport, publié le 4 décembre 2020, constitue une publication inédite, en tant que première compilation globale sur les sols. Il met en lumière la multifonctionnalité des organismes présents dans les sols (45% d’entre eux) et leurs liens avec l’état de santé global de la planète et des hommes, à travers les service écosystémiques essentiels qu’ils offrent : biorémédiation, transformation du carbone, formation des sols, régulation des pathogènes, contrôle de l’érosion, etc.

Au-delà du concept de « solutions basées sur la nature », des actions concrètes sont nécessaires et doivent être mises en oeuvre dès maintenant. Diana Wall et Ronal Vargas ont tous deux appelé les pays à réaliser des études d’ampleur afin de mieux connaitre la nature des sols présents sur leur territoire, et à rendre public les données collectées pour maintenir un niveau satisfaisant global de connaissance des sols, notamment des sous-sols. Une meilleure compréhension des processus ayant lieu dans les sols, y compris de la perte de leur biodiversité, offre de nombreuses pistes de développement allant de la sûreté alimentaire à l’amélioration du microbiome humain. Afin de promouvoir les politiques de restauration des sols, M. Vargas plaide pour la mise en avant de la composante « biodiversité des sols » dans les Objectifs de Développement Durable.

L’initiative SoilBON (Soil Biodiversity Observation Network), présentée par Diana Wall, étudie les impacts du changement climatique sur les espèces présentes dans les sols, et les met en lien avec les effets sur l’agriculture. Selon Mme Wall, ce réseau doit servir de modèle à la multiplication de programmes de suivi-évaluation des services écosystémiques. Il est d’après elle nécessaire de pouvoir établir des modélisations de longs termes selon les habitats, à l’image du travail réalisé par l’initiative Global Soil Biodiversity. Par ailleurs, Michèle Marcotte, directrice en Recherche, Développement et Technologie à Agriculture and Agri-Food Canada (AAFC), a souligné l’effort d’ampleur national entrepris par le Canada pour évaluer l’état de santé de ses sols.

Selon David Knaebel, scientifique du Service de Recherche Agricole (ARS), à la tête du programme Soil Biology,  l’USDA (Ministère de l’Agriculture des Etats-Unis) entreprend d’élever le niveau de connaissance sur les sols notamment par la compréhension des microbiomes qui y sont présents, en vue d’adapter les techniques de gestion des écosystèmes et obtenir les résultats souhaités, comme la production de denrées alimentaires ou le maintien des services écosystémiques. Pour ce faire, de nombreux sites d’échantillonage ont été mis en place à travers le pays, dans le cadre de l’initiative nationale Soil Health Assessment. Les chercheurs mettent en corrélation les abondances de gènes bactériologiques et de population de taxons dans les sols avec des indicateurs de santé et de tolérance des sols. Les réactions des microorganismes aux stress environnementaux tels que la réduction de l’irrigation dans les champs de maïs sont aussi étudiées.

 

Finalement, des perspectives ont été retenues par le panel de scientifiques. Le concept de marché du carbone a été exploré, ainsi que les nouvelles technologies permettant d’évaluer les niveaux de concentration du CO2 telles que la spectrométrie d’émission optique par laser ou les outils Wi-Fi Microsoft mesurant le degré d’humidité des sols. Les options sont nombreuses et existantes, rappellent les scientifiques, et l’action urgente. Il existe de plus aux Etats-Unis un fort intérêt pour le développement d’un marché du carbone des sols ; l’ARS en en train d’évaluer les différents systèmes potentiels, et reconnait la nécessité de la mise en place d’un tel mécanisme à long terme. Reste à savoir si une charte internationale peut être adoptée afin de dessiner une stratégie globale de restauration des sols et de la biodiversité.

 

Rédactrice : Juliette Paemelaere, chargée de mission Coopération Scientifique, INRAE, [email protected]

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