On admet généralement que le réchauffement climatique aura pour conséquence une plus grande productivité végétale dans les régions boréales. Or, une étude basée sur l’analyse de 22 années d’observations satellitaires dresse un bilan contrasté de la réponse de la forêt boréale au changement global, remettant ainsi en cause son potentiel de séquestration de carbone.
Andrew Bunn et Scott Goetz, deux chercheurs du Wood’s Hole Research Center ont exploité trois jeux de données satellitaires acquis entre 1982 et 2003 pour caractériser l’évolution de l’activité photosynthétique des zones de la couronne arctique (à l’exception du Groenland). 23 des 34 millions de kilomètres carrés concernés présentaient des données suffisantes pour effectuer une analyse tendancielle. Sur la période considérée, entre 86 et 88% des surfaces ne montrent aucune tendance à l’augmentation ou à la diminution de la photosynthèse.
En revanche, les zones où une tendance apparaît se divisent en deux catégories nettes. Au nord, la franche herbacée (toundra) a subi un verdissement moyen plus important durant la totalité de la période végétative (de mai à août), tandis que plus au sud, la forêt boréale, après un verdissement plus important au printemps (mai et juin), a accusé un " brunissement " (déclin végétal) pendant le reste de la phase végétative (juillet et août). Selon les auteurs, le bilan végétal ne serait positif que dans la frange herbacée de la toundra.
Deux hypothèses permettraient d’expliquer ce comportement de la forêt boréale. La première invoque un bilan hydrique dégradé pendant l’été, entraînant l’arrêt prématuré de la production végétale. Ce scénario est conforté par des publications récentes. La seconde attribue le brunissement à une plus grande fréquence des feux de forêts, une tendance effectivement observée dans les 20 dernières années.
Ces conclusions, si elles sont confirmées, remettraient en question le rôle majeur attribué aux biomes boréaux dans la séquestration du CO2 atmosphérique excédentaire. Les forêts boréales et les sols sous-jacents couvrent environ 15% de la superficie des terres émergées, mais contiennent 30% du carbone terrestre. Elles représentent 85% de la superficie des forêts tropicales et 145% de la superficie des forêts tempérées qui stockent respectivement 2 fois et 6 fois moins de carbone.
Source :
Bunn, Andrew G., Goetz, Scott, J., Trends in Satellite-Observed Circumpolar Photosynthetic Activity from 1982 to 2003: The Influence of Seasonality, Cover Type, and Vegetation Density
Earth Interactions, vol. 10, no. 12, 1-19 – https://www.whrc.org/resources/published_literature/pdf/BunnetalEarthInt.06.pdf (texte intégral).
Effets de la sécheresse estivale renforcée sur la productivité de la forêt boréale :
Angert, A. et al., Drier summers cancel out the CO2 uptake enhancement induced by warmer springs, Proc. Nat. Ac. Sci., August 2, 2005, vol. 102, no. 31, 10823-10827.
https://www.pnas.org/cgi/reprint/102/31/10823 (texte intégral).
Le carbone dans la forêt boréale : https://www.whrc.org/borealnamerica/index.htm
Pour en savoir plus, contacts :
E-news : https://www.sciencedaily.com/releases/2006/05/060517185314.htm
Code brève
ADIT : 33918
Rédacteur :
Philippe Jamet, AST, [email protected]