Nouvelle Affaire de Science Administrée à la NASA

Le Dr James Hansen, directeur du Goddard Institute for Space Studies de la NASA, pensait conclure son exposé à l’assemblée annuelle de l’American Geophysical Union, le 6 décembre, sur des propos marqués du sceau du bon sens. Mais l’administration dont il dépend ne l’entend pas de cette oreille…
Après avoir présenté un panorama complet des recherches sur le climat et des indices du réchauffement global, le Dr. Hansen avait fait le constat de la nécessité d’actions urgentes. Il avait déploré que des groupes défendant des intérêts particuliers exercent une pression sur les décideurs politiques, les empêchant de prendre des mesures salutaires. Enfin, il avait appelé les scientifiques à éclairer l’opinion publique pour lui donner les moyens de peser sur les politiques publiques.
Dans un entretien au New York Times, ce scientifique de renom, membre de la National Academy of Sciences et collaborateur de la NASA depuis près de 40 ans, affirme subir depuis lors des pressions téléphoniques de la part de sa hiérarchie, lui enjoignant de soumettre désormais à une autorisation préalable ses déclarations, ses interviews et ses publications sur le site Internet du Goddard Institute.
Tout en niant avoir exercé de telles interventions, les autorités de la NASA reconnaissent que les procédures en vigueur à l’agence consistent à examiner a priori les demandes d’interviews. "Ce n’est pas une question de personne ni de sujet, comme le changement global", affirme Dean Acosta, responsable des relations publiques de l’agence spatiale, "c’est une question de coordination". La NASA considère que les déclarations politiques doivent être l’affaire des responsables politiques et des porte-parole autorisés.
Récemment, des mesures similaires ont été prises dans les laboratoires de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), où les scientifiques du climat ne sont plus autorisés à répondre aux journalistes sans une autorisation de leur administration et la présence (physique ou sur la ligne) d’un responsable des relations publiques.
Très en faveur au commencement de l’administration Bush, plusieurs fois invité à briefer le Vice-Président Cheney, James Hansen a vu ses relations se distendre avec cette administration après avoir déclaré en 2004 que les climatologues des agences fédérales étaient muselés et qu’en conséquence il voterait pour le candidat démocrate. Au cours de sa longue carrière, il s’est plusieurs fois heurté à l’administration fédérale, qu’elle soit républicaine ou démocrate. Loin de lui valoir une sombre réputation, cette indépendance d’esprit lui a valu le respect de la communauté scientifique.
Cette affaire a aussitôt provoqué un courrier du président du Comité de la Science à la Chambre des Représentants, Sherwood Boehlert (R-New York) à l’administrateur de la NASA, Michael Griffin, l’enjoignant notamment à produire une déclaration écrite sur la politique de la NASA vis-à-vis de l’expression de ses scientifiques. Le président Boehlert est connu pour ses positions vigoureuses sur le changement climatique et son opposition à toute intervention du politique sur le scientifique.
La lettre lui permet ainsi de réaffirmer que la "science ne peut pas persister longtemps dans une atmosphère d’intimidation. Les personnalités politiques doivent contrôler leurs déclarations publiques afin de s’assurer qu’elles sont conformes avec l’état des connaissances scientifiques ; mais les déclaration des scientifiques ne devraient pas être soumises à un contrôle au regard de l’orthodoxie politique du moment".

Source :

– E-newspaper : https://www.nytimes.com/2006/01/29/science/earth/29climate.html?_r=1&oref=slogin
– La présentation de James Hansen lors du congrès de l’American Geophysical Union, 06/12/2006 – https://www.giss.nasa.gov/~jhansen/keeling/keeling_talk_and_slides.pdf

Rédacteur :

Philippe Jamet, [email protected]

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