Une météorite "under the rocks"

Depuis que l’extinction crétacé-tertiaire (dite K-T, 65 millions d’années) est attribuée à la chute d’une météorite dont la trace serait l’astroblème de Chicxulub (péninsule du Yucatan), nombreux sont les géologues à la recherche du météore qui aurait provoqué l’extinction permo-triassique, voici environ 250 millions d’années.
Une équipe de Ohio State University pense avoir identifié l’objet tant recherché, enfoui sous 1500 mètres de glaces à la périphérie est de l’Antarctique. Le Dr Von Frese et ses collègues ont présenté à l’assemblée de printemps de l’American Geophysical Union (Baltimore, 24-26 mai) une interprétation des données GRACE (Gravity Recovery and Climate Experiment) du secteur Est-Antarctique. Les anomalies locales du champ de gravité terrestre provoquent des fluctuations dans la vitesse orbitale des deux satellites GRACE, détectées par les variations de la distance qui les sépare sur la même orbite. Il est alors possible d’élaborer un modèle de répartition des masses dans les zones internes du globe.
Ces mesures ont ainsi permis d’identifier une remontée locale de matériaux mantelliques au niveau de la terre de Wilkes, un phénomène bien connu à l’aplomb des cratères lunaires, mais beaucoup plus difficile à observer sur terre, astre encore actif contrairement à son satellite. La superposition de cette anomalie à la topographie locale du substratum glaciaire, une dépression en forme de cratère d’environ 500 km de diamètre, suggère que les deux observations sont les traces de la chute d’un même corps céleste d’environ 50 km de diamètre.
La datation de l’événement reste encore peu précise, mais les scientifiques lui attribuent un âge d’environ 250 millions d’années et la mettent en relation avec l’extinction de la fin du Permien et la dislocation du super continent Gondwana, en particulier la dérive de l’Australie. L’échantillonnage des matériaux du cratère (cristaux "choqués") permettrait de confirmer l’hypothèse d’une chute de météore sur l’Antarctique. Les scientifiques d’OSU pensent qu’une partie de ces matériaux est transportée dans l’écoulement de la glace, ce qui permettrait de les collecter le long du rivage.
L’extinction permienne (en réalité deux vagues d’extinction dans le Permien terminal) a balayé plus de la moitié des familles marines et plus de 80% des genres associés. Sur les continents, la vie a frôlé l’extinction complète. L’hypothèse d’une origine météoritique est controversée, en particulier du fait de l’absence d’enrichissements anormaux en éléments traces aux horizons de la limite permo-trias, comme l’iridium et l’osmium dans le cas de la limite K-T. D’autres causes sont avancées, comme les épanchements basaltiques du bouclier sibérien ou une variation brutale du niveau marin. Les différentes hypothèses sont discutées dans un ouvrage récent publié par Douglas Erwin, curateur au département de Paleobiologie du Muséum d’Histoire Naturelle de la Smithsonian.

Source :

– E-news : https://researchnews.osu.edu/archive/erthboom.htm
– Von Frese, R., et al, (2006), Permian-Triassic Mascon in Antarctica, Eos Trans. AGU,
87(36), Jt. Assem. Suppl., Abstract T41A-08 – https://www.agu.org/cgi-bin/SFgate/SFgate?&listenv=table&multiple=1&range=1&directget=1&application=sm06&database=%2Fdata%2Fepubs%2Fwais%2Findexes%2Fsm06%2Fsm06&maxhits=200&=%22T41A-08%22
– Douglas H. Erwin, Extinction: How Life on Earth Nearly Ended 250 Million Years Ago, Princeton University Press, 296 p. 2006 – https://www.pupress.princeton.edu/titles/8011.html
– Les satellites jumeaux GRACE (Gravity Recovery and Climate Experiment)
https://www.csr.utexas.edu/grace

Rédacteur :

Philippe Jamet, AST, [email protected]

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