Vers une meilleure compréhension des mécanismes de résistance des plantes à la sécheresse

Une équipe de biologistes de Californie, dirigée par des chercheurs du Scripps Research Institute et de l’University of California (UC) de San Diego, viennent d’identifier la structure d’une molécule impliquée dans le résistance des plantes à la sécheresse : il s’agit d’une phytohormone, l’acide abscissique (ABA). Selon la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), les principales sécheresses de ces trois dernières années ont, à elles seules, causé plus de 10 milliards de dollars de pertes pour les cultures, en autres dégâts, aux Etats-Unis. Le problème est particulièrement marqué dans les fermes de l’ouest, comme en Californie, région qui connaît actuellement une sécheresse sévère depuis trois ans. L’agriculture est en effet le secteur le plus grand consommateur d’eau au monde, avec une utilisation de près de 90 pour cent de l’eau disponible dans certaines des zones les plus chaudes et arides du globe souvent sujettes à la sécheresse.

Dans ce contexte, des chercheurs ont réussi a obtenir la structure tridimensionnelle de l’acide abscissique qui est celle d’une hormone végétale, liée à sa protéine "cible" appelée PYR1 (Pyrabactin Resistance 1). L’acide abscissique est une molécule clé dans de nombreux processus végétaux, et notamment impliquée dans les stratégies de survie en conditions environnementales défavorables. En effet, en cas de sécheresse, les plantes synthétisent cette hormone qui va déclencher une série de mécanismes de résistance pour leur survie : les graines restent en dormance dans le sol, les feuilles ferment leurs micropores pour éviter toute déperdition d’eau, les plantes ralentissent leur propre croissance et re-programment leur métabolisme en vue d’assurer leur survie.

L’acide abscissique est une hormone connue des biologistes en sciences du végétal depuis le début des années 1960 ; cependant son mécanisme d’action n’était pas complètement élucidé. Les récents travaux de deux groupes de chercheurs indépendants, les équipes d’ Elizabeth Getzoff du Scripps Research Institute et de Julian Schroeder de l’University of California (UC) à San Diego ont permis de mieux comprendre la relation structure-fonction de l’acide abscissique. Ils ont découvert un groupe de gènes, ou cluster, associé à l’hormone. Des mutations simultanées dans quatre des ces gènes mènent à une réponse considérablement affaiblie de l’acide abscissique et réduisent la résistance à la sécheresse. Ils ont ensuite cherché à déterminer la nature exacte de la liaison entre l’acide abscissique et la protéine PYR1. Ces travaux ont pu être initié grâce aux recherches préliminaires de l’équipe de Sean Cutler de l’UC Riverside sur la protéine PYR1.

Tout d’abord, le labo de Getzoff a utilisé une technique de cristallographie aux rayons X. Il s’agit d’une technique délicate qui consiste en la formation d’un cristal de la molécule d’intérêt que l’on va ensuite bombarder de rayons X. On obtient ainsi un modèle de diffraction de ces rayons selon la position des atomes du cristal qui permet de déterminer la structure de la molécule. Pour la présente étude, l’équipe est parvenue à réaliser un cristal de la protéine PYR1 liée à l’acide abscissique et donc à identifier et analyser leur structure.

De son côté, le labo de Schroeder étudiait l’association de ces molécules à l’intérieur de cellules végétales vivantes. Robert Rambo du Lawrence Berkeley National Laboratory a fait des études structurales complémentaires aux rayons-X pour déterminer comment la liaison de l’hormone à la protéine PYR1 provoque le changement de la structure de la protéine en solution.

Ces travaux ont montré que deux copies de la protéine PYR1 s’ajustent parfaitement dans les cellules végétales où elles sont ciblées par l’acide abscissique. Chaque copie de la molécule PYR1 possède un espace interne ouvert comme l’intérieur d’une boîte de conserve, et l’hormone se niche parfaitement dans l’un de ces deux espaces. Ceci induit la fermeture d’une partie de la protéine PYR1 appellée "couvercle". D’autres changements structuraux interviennent également au niveau d’autres parties de la molécule PYR1 et vont initier des interactions avec d’autres protéines déclenchant ainsi des processus végétaux de résistance à la sécheresse.

Ces découvertes sur le lien entre structure et fonction de l’acide abscissique, ouvrent de nouvelles voies de transfert technologique possibles au secteur agricole. L’une d’entre elle, selon Getzoff, serait de concevoir des produits chimiques mimant l’action de l’acide abscissique. De tels produits chimiques seraient ensuite pulvérisés sur les cultures pour les protéger de la sécheresse. Mais l’hormone seule ne pourrait pas être utilisée, la production à l’échelle industrielle d’acide abscissique serait trop onéreuse et la lumière du soleil pourrait la convertir en une forme inactive. Selon les scientifiques, cela risque de prendre plusieurs années avant que de telles substances soient prêtes à une utilisation commerciale généralisée. La compréhension de la structure du site de liaison de l’acide abscissique pourrait aider à recréer les récepteurs eux-même qui pourraient ainsi être liés et activés par des produits chimiques connus, bon marché et sans danger pour l’environnement. Ces travaux pourraient ainsi permettre aux scientifiques d’aider les agriculteurs grâce à la mise en oeuvre de nouvelles approches pour la protection des cultures contre des périodes sèches prolongées, et à augmenter potentiellement leurs rendements, et à réduire les coûts économiques et humains liés.

Ce travail a été soutenu par les National Institutes of Health, la National Science Foundation, le Department of Energy, et le Skaggs Institute for Chemical Biology.

Source :

– Team led by Scripps Research and UC San Diego scientists reveals secrets of drought resistance, 22/10/2009 – EurekAlert! – https://www.eurekalert.org/pub_releases/2009-10/sri-tlb102209.php
– Abscisic acid inhibits type 2C protein phosphatases via the PYR/PYL family of START proteins. Science. 22/05/2009 ;324(5930):1068-71
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19407142?ordinalpos=2&itool=EntrezSystem2.PEntrez.Pubmed.Pubmed_ResultsPanel.Pubmed_DefaultReportPanel.Pubmed_RVDocSum
– Structural Dissection of ABA Receptor Function : https://cutlerlab.blogspot.com/2009/04/sturctural-dissection-of-aba-receptor.html

Pour en savoir plus, contacts :

– La sécheresse aux Etats-Unis : https://www.drought.gov/portal/server.pt/community/drought_gov/202.
– Cutler Lab – UC Riverside : https://cutlerlab.blogspot.com/
– Structural Mechanism of Abscisic Acid Binding and Signaling by Dimeric PYR1, Noriyuki Nishimura, Kenichi Hitomi, Andrew S. Arvai, Robert P. Rambo, Chiharu Hitomi, Sean R. Cutler, Julian I. Schroeder, Elizabeth D. Getzoff, 22/10/2009, Science DOI: 10.1126/science.1181829 – https://www.sciencemag.org/cgi/content/abstract/1181829
Code brève
ADIT : 61018

Rédacteur :

Magali Muller, [email protected] ; Adèle Martial, [email protected]

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