La part du stimulus package consacré à la science américaine n’a pas comme seul effet d’accroître les budgets et de rendre euphoriques les scientifiques américains, elle contribue aussi à créer de nouvelles disciplines.
Comment sont dépensés ces 780 milliards, ou sont-ils géographiquement repartis, qui en bénéficie ? Autant de questions qui ont été largement relayées dans la presse, sous la pression en particulier des républicains, dont John McCain, grand pourfendeur des aides téléguidées par les députés vers leurs circonscriptions respectives. Dans le language image de l’ancient candidat, cette pratique d’estampillage (earmark) de l’argent ramené par un élu à ses électeurs, est qualifié de "pork" ("to bring pork home", comme au bon vieux temps, la femme cultive les "beans", l’homme ramène le "bacon"). L’équipe hi-tech du Président Obama a voulu relever le défi du "traçage" de l’argent du stimulus.
Déjà un site Internet spécial est consacré au suivi du stimulus voté dans la loi "American Recovery and Reinvestment Act" (ARRA), il s’agit de https://www.recovery.gov. Vous constaterez qu’un bureau spécialisé s’occupe particulièrement de rendre des comptes sur ces dépenses, le "Recovery Accountability and Transparency Board". Mais ils vont maintenant plus loin et font appel à la géomatique. Pour les non familiers, ce terme en "tique" recouvre l’ensemble des technologies et méthodes qui permettent de représenter et combiner toute information qui est géographiquement localisée. En gros il s’agit des images de télédétection, du GPS et des bases de données géographiques (cartes numériques, données statistiques, cadastre, etc.). La première compagnie mondiale de géomatique est l’américain ESRI (les logiciels ArcInfo, ArcGIS …) et c’est justement son dirigeant historique, Jack Dangermon, qui vient de s’exprimer dans une interview du Government Technology Magazine.
Il décrit de manière fort pédagogique tout ce qu’est capable de faire cette technologie et fait remarquer que jusqu’à présent elle permettait de cartographier, ou de révéler, de comprendre, ou de simuler des relations spatiales entre phénomènes : dégats d’inondation (Katrina à la Nouvelle Orléans), incendies de Californie, suivi d’épidémie, … Tous phénomènes qui ont un impact financier, mais dont l’origine n’est pas une dépense identifiée (l’eau d’une rivière, le feu, un virus, …). Aujourd’hui, l’argent du stimulus est une origine financièrement identifiée et son impact devrait pouvoir être géographiquement localisé s’il n’est pas négligeable. Ainsi, selon Jack Dangermon, une nouvelle discipline est née : le géo-accounting, qui permettra de savoir où va l’argent dépensé, mais aussi où il va créer de la richesse. Comme des graines dans un champ vont donner naissance ou pas à des épis de blé, chaque dollar semé pourra, ou pas, donner naissance à des emplois, des infrastructures, etc. toute richesse cartographiable et localisable par les futurs électeurs. Mais tout l’intérêt de l’analyse spatiale est qu’on peut aller plus loin que visualiser des points sur une carte. Les relations seront également visibles, comme le développement du réseau électrique intelligent (smart-grid), permettra de voir comment les gisements d’énergie éolienne ou solaire apporteront leur lumière dans les autres états, comment les investissements retisseront le paysage américain. Une nouvelle Amérique se dessinera sous nos yeux.
Nul doute que de telles cartes seront visibles, dans les prochains mois, sur le site recovery.org. A suivre.
Source :
Tracking Stimulus Money with GIS. ESRI president Jack Dangermond on how maps can follow the money. (6 mai 2009) – https://www.govtech.com/gt/video/index.php?id=661222&utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=GTEN_2009_5_7
Pour en savoir plus, contacts :
– American Recovery and Reinvestment Act website : https://www.recovery.gov
– une description de la geomatique : https://en.wikipedia.org/wiki/Geomatics (terme d’origine francaise, repris largement par les nord-americains sous la forme geomatics, puis qui commence a se faire connaître en France).
– ESRI’s Jack Dangermond: GIS Brings Better Government Transparency (1 mai 2009) – https://www.govtech.com/dc/articles/652976
Code brève
ADIT : 59081
Rédacteur :
Robert Jeansoulin ([email protected])