Comme pour le Beaujolais, la deuxième quinzaine de Novembre annonce la livraison annuelle du meilleur cru des ordinateurs nouveaux. Cette année, le classement du calculateur le plus rapide du monde a rendu son verdict : c’est le Jaguar de Oak Ridge. Deux fois second -de peu- derrière le Roadrunner de Los Alamos, le Jaguar prend la tête.
De quelle course s’agit-il ?
De la course au "peta-flops" déjà mentionnée dans ce bulletin [1], qui consiste à déployer un test de calcul, basé majoritairement sur une librairie de fonctions d’algèbre linéaire, sur les ordinateurs des laboratoires qui acceptent de jouer le jeu. Les arbitres de la course sont des chercheurs d’un consortium d’universités et laboratoires [2] qui valident les tests et déterminent la liste en secret jusqu’au jour de livraison, habituellement durant la conférence "Super Computing", dont l’édition 2010 se tient à Portland, Oregon, cette semaine.
La Chine et l’Allemagne ont chacune deux lauréats dans les 20 premiers, le Tianhe-1 ("rivière dans le ciel") chinois, au National Super Computer Center de Tianjin, parvenant même à la cinquième place pour la première fois. Russie, Corée et Arabie Saoudite sont également présentes dans ce top 20. La France n’est pas très loin derrière, avec son meilleur score au rang 28 [3], mais ensuite avec 26 autres ordinateurs dans le top 500, ce qui nous place en 4ème position selon le critère du nombre de systèmes recensés dans le top 500.
Alors, pourquoi un Jaguar "stimulé" ?
L’architecture choisie par ce Cray XT4 est particulièrement modulaire, comme nous l’avions décrit dans un bulletin précédent [4]. Il "suffisait" donc de changer les quelques deux cent vingt mille processeurs de type 4-core, par des 6-core, lorsque ceux-ci sont devenus disponibles ! Bien sûr cela a un coût fort loin d’être négligeable et seul un bonus exceptionnel pouvait permettre cette amélioration substentielle (upgrade) : c’est l’argent du Recovery Act (ou loi ARRA, encore surnommée le "stimulus package", votée en début d’année) qui a abouti à ce succès. Mais il s’agit tout de même de 19.9 millions de dollars et de nombreuses heures de travail, certainement appréciées des techniciens du Tennessee dans la période actuelle.
Source :
– [1] L’unité "peta-flops" signifie 10 puissance 15 opérations sur des nombres réels (flo: float operation) par seconde (ps). Voir "Calcul intensif : la course s’intensifie". https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/56725.htm
– [2] Univ. Manheim, Allemagne; Lawrence Berkeley National Laboratory; Univ. Tennessee, Knoxville USA.
– [3] Il s’agit du Grand Equipement National de Calcul Intensif – Centre Informatique National de l’Enseignement Supérieur, GENCI-CINES (https://www.genci.fr/spip.php?article32), le système IDRIS du CNRS (https://www.idris.fr/ ) arrivant peu après au rang 32.
– [4] Calcul intensif : la course au peta-flops est bien lancée : https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/56652.htm
Rédacteur :
Robert Jeansoulin, [email protected]