Quelles sont les probables évolutions de l’action fédérale américaine en matière d’innovation ? (1ère partie)

L’analyse des évolutions récentes du système de recherche ainsi que l’étude attentive du débat fédéral laissent penser que la nouvelle Administration n’est pas susceptible de se lancer dans de vastes réformes ou de grands plans mobilisateurs dans le domaine de l’innovation. D’abord parce que le contexte économique ne s’y prête pas, l’attention de l’exécutif comme du législatif étant accaparée par la montée du chômage et le rétablissement de la situation économico-financière. Ensuite parce que, depuis environ vingt ans, toutes les réflexions, plans et projets destinés à engager les Etats-Unis sur la voie d’actions mobilisatrices dans le domaine de l’innovation associées à des efforts budgétaires supplémentaires n’ont jamais eu de traduction opérationnelle majeure.

Mais contrairement à ce que soutient le célèbre professeur Porter (Harvard Business School), qui déplore l’absence de stratégie fédérale, ce n’est pas faute de réflexions sur la question. Les Etats-Unis ont produit sur le sujet une volumineuse littérature tant au niveau de l’Administration que des cercles de réflexions et des multiples organisations académiques ou scientifiques. En fait, il faudrait davantage parler d’absence de traduction budgétaire de ces décisions plutôt que de manque de volonté politique au niveau fédéral. Dans tous les cas, le thème de l’innovation et du leadership technologique des Etats-Unis est très présent dans les interventions de la nouvelle Administration.

Au total, le scénario le plus probable au cours des prochains mois est celui du moyen terme entre l’inaction et la mobilisation au moindre coût politique. Ce scénario est susceptible de se dérouler autour de plusieurs familles d’actions. La première concerne les moyens.

Davantage de moyens pour la recherche et l’éducation

Le levier financier apparaît comme celui qui a le plus de chance d’être activé au cours des prochains mois. Le financement fédéral de la recherche américaine, en recul sous l’Administration Bush, est susceptible d’augmenter dans des proportions importantes. Déjà, dans le cadre du plan de relance, ce sont quelque 21,5 milliards supplémentaires qui vont être dirigés vers la R&D (18 milliards) et les infrastructures de recherche (3,5 milliards) au cours de l’année 2009 et jusqu’en septembre 2010 [1]. Les organismes bénéficiaires sont la NSF, le Département de l’énergie (direction de la recherche, DoE/OoS), l’Institut des standards et des technologies (NIST) et la NIH (à hauteur 10,4 milliards).

Ces budgets supplémentaires vont essentiellement à la recherche fondamentale, assez peu à l’innovation. Mais, par expérience, les décideurs savent que la première influence la seconde. Au total, pour 2009, le financement fédéral de la recherche passe donc de 58 à 75 milliards, ce qui constitue une très forte progression. L’impact attendu de ces mesures est le redressement du taux de réussite des projets déposés dans le cadre des appels à propositions, c’est aussi le renforcement de la recherche universitaire, donc des équipes [2].

De son côté la NASA reçoit un supplément budgétaire d’un milliard afin de renforcer son portefeuille de recherche en sciences de la terre et de l’univers et le changement climatique. Des moyens additionnels sont aussi dévolus aux vols habités.

Cette augmentation des budgets coïncide avec une prise de conscience parlementaire que le doublement des budgets des trois principales agences de recherche (NSF, NIST et DoE/OoS) ne constitue qu’une base de travail [3]. L’idée d’une augmentation programmée et régulière des crédits fédéraux à la recherche fait son chemin. Elle a de bonnes chances de se réaliser dans un consensus assez grand, malgré le déficit budgétaire et la très forte progression de la dette publique.

Des sommes plus importantes vont aussi vers l’éducation dans toutes ses composantes, y compris universitaires. Le plan de relance prévoit 100 milliards de crédits supplémentaires pour l’éducation en 2009-2010. Gérés par le Département de l’éducation (ED) qui répartira cette manne dans les 14.000 districts scolaires des 50 états, les crédits en matière d’enseignement supérieur (4.300 universités et collèges) sont destinés à des bourses, des allégements fiscaux (pour les familles des étudiants) et à compenser la baisse des financements des états aux établissements. Une partie du budget va aussi aux infrastructures. Ces mesures produiront sans doute des effets à long terme, non seulement sur le système éducatif national (maintien du volume d’étudiants nationaux) mais aussi sur les relations qu’entretient le ED avec les institutions locales de l’éducation [4].

Au total, le plan de relance de la nouvelle Administration confirme que le sens du vent est en train de changer. L’Administration fédérale souhaite inverser la tendance passée qui a consisté en une stagnation des budgets et une faible volonté d’intervention. (à suivre…)

[1] En fait pendant la durée du plan de relance.

[2] Notamment par le biais du recrutement des post-docs. A ceci s’ajoute un autre phénomène tout à fait conjoncturel : en raison de la récession économique, les étudiants ont tendance à poursuivre leurs études, les chercheurs à rester dans la sphère universitaire plutôt que de partir dans l’industrie ou de créer leur entreprise.

[3] D’après un document interne de l’ambassade sur les auditions conduites à la Chambre des représentants par la commission des appropriations.

[4] D’après un document interne de l’ambassade (18 février 2009).

Rédacteur :

Antoine Mynard, attaché pour la science et la technologie – [email protected]

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