L’”Omnibus Bill” acte le financement fédéral de la R&D pour l’année fiscale 2023
L’élaboration du budget fédéral des Etats-Unis est un processus long et complexe, impliquant de multiples itérations entre la Maison Blanche, les agences fédérales et les deux chambres du Congrès (figure ci-contre).
Concernant le budget de recherche et développement pour l’année fiscale 2023 (qui a démarré au 1er octobre 2022), l’Office of Science and Technology Policy (OSTP) et l’Office of Management and Budget (OEB) ont envoyé conjointement en août 2021 aux responsables des agences fédérales une liste de priorités (thématiques ou transversales) à prendre en compte dans la construction de leur demande budgétaire : préparation aux pandémies et prévention, réponse au changement climatique, technologies critiques et émergentes, innovation favorisant l’équité, sécurité nationale et résilience économique.
A partir des propositions des agences, la Maison Blanche a adressé le 28 mars 2022 au Congrès sa demande budgétaire (budget request). Pour la R&D, elle s’élevait à hauteur de 204,9 milliards de dollars, en hausse de 26% par rapport à 2022. Les priorités sont détaillées dans un chapitre d’un document intitulé “Analytical Perspectives” [1].
Les discussions portent principalement sur la partie “discrétionnaire” du budget, allouée par le Congrès aux agences fédérales pour exécuter des actions spécifiées (par opposition aux dépenses à caractère obligatoire – légal, réglementaire où liées au service de la dette, qui représentent la part la plus importante).
Les Appropriation Acts, qui établissent par secteur les autorisations de programmes et les crédits de paiement des agences fédérales, sont débattus et amendés dans les comités et sous-comités compétents respectifs des deux chambres (Pour la R&D : le Senate Committee on Commerce, Science and Technology, et le House Committee on Science, Space and Technology). Ces comités auditionnent aussi les agences fédérales pour obtenir des précisions ou justifications sur certaines dépenses. Des ajustements ont ensuite lieu entre les deux chambres, pour aboutir à des textes communs présentés à la signature du Président.
Il est rare que ce processus aboutisse avant le démarrage de l’année fiscale concernée. Pour le budget 2023, passée l’échéance du 1er octobre 2022, des autorisations temporaires (Continuing resolutions) ont permis aux agences fédérales de continuer à fonctionner et engager des dépenses jusqu’à fin 2022 ; le Consolidated Appropriations Act, 2023, H.R. 2617”, agglomérant tous les Appropriation Acts sectoriels (et communément désigné par “Omnibus Bill” [2]), a été signé par le Président Biden à la toute fin de la 117e législature, le 29 décembre 2022, pour un montant de 1,7 trillion de dollars.
L’estimation de la part des crédits de R&D dans les financements attribués aux diverses agences (DOD, DOE, NASA,NIH, NSF…) laisse la place à une part d’interprétation : elle est évaluée par l’American Associati
on for the Advancement of Science (AAAS) à 192,2 Md$, en augmentation de 10,2% par rapport à l’année fiscale 2022. Les crédits pour le développement augmentent plus fortement (+18.5%) que ceux pour la recherche fondamentale (+7.2%) tandis que ceux de la recherche appliquée restent inchangés [3]. Une part de cette augmentation correspond à la mise en œuvre des programmes stratégiques d’investissement votés en 2022 tels que le CHIPS and Science Act et l’Inflation Reduction Act.
Diverses astuces ont permis également au Congrès d’apporter à certaines agences des compléments de financement non comptabilisées dans les “Appropriations”. Le journal Science estime ainsi à 9.5 milliards de dollars le budget total de la NSF pour 2023.
Estimation a posteriori des R&D en 2021 intégrant le secteur privé
Le 4 janvier 2023, le National Center For Science and Engineering Statistics (NCSES), affilié à la National Science Foundation (NSF), a publié ses derniers chiffres concernant la R&D des Etats-Unis, définitifs pour l’année 2020, et provisoires pour l’année 2021 [4].
Ces chiffres sont obtenus à partir d’enquête auprès des “financeurs” (funders) et des “acteurs” (performers) de la R&D, incluant les acteurs publics et privés, ce qui explique le délai de consolidation et de publication des données.
L’effort de financement de la R&D des Etats-Unis en 2021 est estimé à 792 milliards de dollars, contre 717 en 2020, ce qui le situe pour la deuxième année consécutive à 3,4% du Produit intérieur Brut (en France, il s’élève à 2,3% ; la moyenne des pays de l’OCDE est à 2,7%).
Le financement de la R&D est majoritairement apporté par les entreprises (74,2%), l’Etat fédéral apportant 19,2%.
Les dépenses de R&D sont exécutées principalement dans les entreprises (77,2%), les universités (10,6%) et les centres et agences fédéraux (8,2%).
Les dépenses peuvent aussi être réparties entre recherche fondamentale (14,9%), recherche appliquée (18,1%) et développement (66,9%).
Il faut noter que si la recherche fondamentale reste principalement exécutée dans les universités (44,4%), la part exécutée dans les entreprises n’a cessé d’augmenter au cours de la dernière décennie et atteint 34,6% en 2021. Les entreprises exécutent par ailleurs 61,1% des dépenses de recherche appliquée et 91,3% des dépenses de développement.
Rédacteur : Joaquim Nassar, Attaché pour la Science et la Technologie, Washington