Le lundi 6 mars se tenait la conférence annuelle State of The Net (SOTN) consacrée notamment aux politiques et réglementations du digital. La conférence n’a pas vocation à être une référence technique ou scientifique en la matière et ne s’adressait donc pas à des chercheurs mais plutôt à des juristes et experts en législation digitale, ainsi les thèmes au programme étaient-ils vus sous un angle relativement large avec une visée plus symbolique qu’informative. Elle reste un bon indicateur des sujets qui animent l’écosystème Washingtonien.
La conférence comptait plusieurs panels avec, en ligne de fond, la démocratisation et l’égalité des moyens d’accès à la technologie à travers le territoire américain, avec une table ronde dédiée à la National AI Research Resource (NAIRR) [1], qui faisait l’objet d’un article le mois dernier [Article]) était présenté par Tess DeBlanc, l’une des rédactrices du rapport. Un autre était dédié, sans grande surprise, à la star du moment, ChatGPT [pour un lien entre chatGPT et la NAIRR, on peut lire cet article plus récent de Politico]. La stratégie cyber fédérale[2] étant paru tout juste avant la conférence, elle faisait naturellement partie intégrante des discussions sur les cyberattaques qui occupaient une partie de la journée. La stratégie semblait accueillie positivement, par exemple par Marshall Erwin, Chief Security Officer de Mozilla, mais aussi entendue par les Techs comme une réaffirmation de la responsabilité qu’ils ont désormais envers leurs utilisateurs.
La guerre en Ukraine est un autre terrain sur lequel s’illustrent les technologies digitales : le rôle de Microsoft pour soutenir les efforts de contrôle du cyberespace des ukrainiens au début de la guerre avait été souligné par l’Ambassadeur Cyber Nate Fick lors d’une intervention au German Marshall Fund en février ; celui de la technologie des satellites LEO (Low Earth Orbit) qui permet la communication dans des lieux reclus et difficilement accessibles a fait l’objet d’un panel pendant la conférence.
Sur le plan de la réglementation, des représentants d’entreprises comme TikTok, par ailleurs un des deux seuls sponsors platinium de l’événement, étaient présents pour aborder les sujets de sécurité des données d’utilisateurs et de désinformation. En particulier, le Project Texas mené par TikTok pour rassurer l’entreprise sous le contrôle de l’administration américaine visait à rassurer les craintes sur la destination et l’utilisation des données américaines sur la plateforme. Sa présentation par Will Farrell, un ancien du Cybersecurity and Infrastructure Security Agency (CISA), mettait en avant des engagements relativement convaincants; pourtant, de l’ensemble des discussions, on retient toujours, des doutes et des avis mitigés du public à l’égard de l’entreprise subsistent. Dans un contexte de pression accrue pour encadrer sinon interdire l’activité de TikTok aux Etats-Unis, se sont tenus plus tard dans le mois une session du congrès américain sur le sujet et une audition mouvementée de son CEO donnant corps à cette méfiance malgré les tentatives de l’entreprise pour donner des garanties.
Plusieurs panels étaient aussi dédiés – et unanimement favorables – à la protection et à la lutte contre l’addiction des enfants au contenu en ligne. Ces débats s’insèrent dans l’adoption récente de diverses lois au niveau étatique après un nombre de procès pour enfreinte au child privacy. Tiktok y occupait encore une place importante, en particulier dans la mesure où le parti démocrate a dénoncé récemment au congrès l’outil de mobilisation de l’électorat jeune qu’il représente. Dayo Simms, présente au SOTN et au privacy counsel de TikTok citait par exemple la limite d’utilisation journalière de 60 minutes pour les enfants mise en place par la plateforme mais dénoncée par le congrès car elle ne serait qu’une recommandation. Enfin, certains intervenants évoquaient aussi la tendance grandissante à la modération du contenu en ligne des médias sociaux et les législations ou projets de loi pour mieux l’encadrer.
L’édition 2023 de SOTN offrait donc un panorama des enjeux technologiques du moment et de leurs aspects régulatoires grandissants en couvrant l’actualité de Tik Tok et des dernières IA génératives autant que la stratégie nationale de cybersécurité et la guerre en Ukraine.
Rédacteur: Antoine Glory, Chargé de mission pour la Science et la Technologie à l’Ambassade de France à Washington, [email protected]