FOXP2, "gène de la parole", livre peu à peu ses secrets

Découvert en 1998 [1], FOXP2 est un gène porté sur le chromosome 7 chez l’homme. Il code pour le facteur de transcription du même nom, agissant sur l’expression de différents gènes impliqués dans diverses étapes du développement et du fonctionnement de l’organisme. FOXP2. a été rapidement décrit comme le "gène de la parole" voire le "gène de la grammaire" après, la mise en évidence du lien direct entre la mutation de ce gène chez certains membres de la "famille KE" et leur inaptitude à communiquer [2].

En effet, cette famille étendue vivant à Londres a attiré l’attention des scientifiques dans le début des années 90. Sur la trentaine de membres qui la composent, répartis sur trois générations, environ la moitié présente de sévères problèmes d’articulation, qui les rend inaptes à communiquer. L’étude de la transmission héréditaire de cette inaptitude a amené les scientifiques à conclure qu’elle était due à une mutation unique d’un gène porté sur un autosome [3]. L’étude des membres de la famille affectés et non-affectés a mis à jour les caractéristiques phénotypiques [4] de la mutation : difficultés de compréhension de phrases incluant des structures grammaticales complexes, mobilité réduite des lèvres et QI plus faible que les personnes non-affectées aussi bien au cours de tests verbaux que non-verbaux. Or, la mutation qui affecte certains membres de la famille KE porte sur une seule base du gène, qui provoque à son tour la modification d’un unique acide aminé dans la protéine.

Le gène FOXP2 est très conservé au cours de l’évolution chez les vertébrés. La différence entre la protéine humaine et celle exprimée chez les chimpanzés est de seulement deux acides aminés. Les conséquences de ces changements mineurs sont, en revanche, très importantes. L’étude réalisée par le groupe du Professeur Geschwind à l’University of California, Los Angeles, montre que le gène FOXP2 humain induit des modifications d’expression génique dans des cultures de cellules nerveuses très différentes de celles induites par la version simienne. Ainsi, le gène FOXP2 humain induit la sur-expression de soixante et un gènes et la sous-expression de cinquante cinq autres, différents de ceux induits par FOXP2 simien.

Des études sont en cours pour tenter de préciser les cibles de la protéine FOXP2 et les effets de ces interactions sur le développement de l’organisme et des facultés de communication. Les souris modifiées génétiquement pour exprimer le gène FOXP2 humain montrent un développement nerveux plus important que leurs congénères. A l’inverse, les souris exprimant le gène humain muté de la "famille KE" sont sujettes à des difficultés d’apprentissage. Une étude similaire a montré des résultats équivalents chez les oiseaux, l’expression réduite de la protéine FOXP2 provoquant un apprentissage incomplet ou faussé des différents types de chants émis. Il est probablement encore trop tôt pour donner une réponse définitive quant au rôle de ce gène dans la capacité de l’être humain à utiliser le langage articulé mais l’analyse fine de ces résultats pourrait aider à mieux comprendre pourquoi, contrairement au cerveau des chimpanzés, le cerveau humain possède toutes les connexions nerveuses indispensables à l’apprentissage de la parole.

[3] Autosome : tout chromosome n’étant pas un chromosome sexuel. Une cellule humaine contient donc 22 paires d’autosomes et une paire de chromosomes sexuels

[4] Phénotype : caractéristiques observables issues de l’expression d’un gène (couleur des yeux par exemple ou, comme ici, difficultés de langage)

Source :

Why can’t chimps speak ? Study links évolution of single gene to human capacity for language, November 11, 2009 – https://newsroom.ucla.edu/portal/ucla/why-can-t-chimps-speak-111961.aspx

Pour en savoir plus, contacts :

– Sur les recherches concernant FOXP2 : https://www.evolutionpages.com/FOXP2_language.htm
– Sur le projet de recherche mené à UCLA : https://www.semel.ucla.edu/research/project/foxp2-genetics-creative-expression-songbirds
– [1] Publication : Fisher et al, Nat Genet 18, 168 -170 (1998)
– [2] Publication : Lai et al, ‘A forkhead-domain gene is mutated in a severe speech and language disorder’, Nature 413, 519 – 523 (2001)
Code brève
ADIT : 61420

Rédacteur :

Thomas Biedermann ([email protected])

Partager

Derniers articles dans la thématique