Crédits : Datamation
Mais tout d’abord : qu’est-ce que le machine learning ?
Le Machine Learning, aussi appelé apprentissage automatique en français, est une forme d’intelligence artificielle permettant aux ordinateurs d’apprendre sans avoir été programmés explicitement à cet effet. Cette technologie permet de développer des programmes informatiques pouvant changer en cas d’exposition à de nouvelles données. En d’autres termes, c’est une méthode d’analyse de données permettant d’automatiser le développement de modèles analytiques.
Le machine learning au service du cancer du pancréas
Le MD Anderson Cancer Center de l’Université du Texas, l’hôpital le mieux classé aux États-Unis pour le traitement du cancer, développe des outils de détection précoce par l’IA pour aider à diagnostiquer les patients atteints de cancer du pancréas et dont le taux de survie à cinq ans n’est que de 10 %.
« Nous travaillons sur des modèles d’IA pour analyser le pancréas à chaque fois que nous le voyons sur un scanner, que le rendez-vous du patient soit lié ou non au pancréas », a déclaré le Dr Eugene Koay, codirecteur du service de radio-oncologie gastro-intestinale au MD Anderson.
En plus de détecter le cancer du pancréas, le machine learning pourrait aider à réduire le temps consacré au « contouring » (zonage) des tumeurs.
Pour préparer une radiothérapie destinée à traiter des cellules cancéreuses, les oncologues ont recours à un processus appelé « contouring » (zonage) pour bien localiser les tumeurs qui seront ciblées par la radiothérapie.
Ce processus prend beaucoup de temps et les oncologues ont souvent un grand nombre de zones de traitement par radiothérapie à créer pour les patients. Le Dr Laurence Court, professeur associé de radiophysique au MD Anderson, espère réduire la charge du zonage manuel des tissus cancéreux grâce à des outils d’IA, permettant ainsi aux hôpitaux de traiter des milliers de patients cancéreux supplémentaires chaque année.
Le zonage est également utilisé pour planifier la radio-chirurgie assistée par IRM, une forme avancée de curiethérapie dans laquelle une dose de radiation est délivrée aux tissus cancéreux par des implants radioactifs. Le Dr Steven Frank, radio-oncologue au MD Anderson, utilise cette thérapie pour traiter le cancer de la prostate.
Le contour précis de la prostate et des organes environnants sur l’IRM garantit que les implants radioactifs soient délivrés aux bonnes zones pour traiter le cancer sans endommager les tissus voisins.
« En adoptant un modèle d’IA qui utilise les progrès des technologies GPU (Graphics Processing Unit ou Unité de Traitement Graphique), les oncologues du MD Anderson ont amélioré la qualité des contours pour la planification du traitement par curiethérapie et l’évaluation de la qualité du traitement », a déclaré le Dr Jeremiah Sanders, un chercheur en physique de l’imagerie médicale et qui développe l’IA translationnelle dans le laboratoire du Dr. Frank.
Les docteurs Sanders et Frank travaillent également sur un modèle à utiliser après une procédure de curiethérapie – une application d’IA qui analyse les études IRM de la prostate pour déterminer la qualité de l’irradiation. Les résultats de ce modèle peuvent aider les cliniciens à déterminer si un traitement supplémentaire est nécessaire et comment prendre en charge les patients après leur traitement.
Le machine learning au service de la prévention des caillots sanguins et des attaques cérébrales
Une méthode fondée sur l’IA pour identifier les patients présentant un risque de fibrillation auriculaire a été mise au point par une équipe dirigée par des chercheurs du Massachusetts General Hospital (MGH), affilié à Harvard, et du Broad Institute du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et d’Harvard.
La fibrillation auriculaire – un rythme cardiaque irrégulier et souvent rapide – est une affection courante qui entraîne souvent la formation de caillots dans le cœur, lesquels peuvent se déplacer vers le cerveau et provoquer un accident vasculaire cérébral.
Les chercheurs ont mis au point une méthode basée sur l’IA pour prédire le risque de fibrillation auriculaire dans les cinq années à venir, à partir des résultats d’électrocardiogrammes chez 45 770 patients recevant des soins primaires au MGH.
Les scientifiques ont ensuite appliqué leur méthode à trois grands ensembles de données provenant d’études portant sur un total de 83 162 personnes. La méthode basée sur l’IA a permis de prédire le risque de fibrillation auriculaire par elle-même et s’est avérée synergique lorsqu’elle a été combinée à des facteurs de risque cliniques connus pour prédire la fibrillation auriculaire. La méthode a également été très prédictive dans des sous-ensembles de patients, comme ceux ayant déjà souffert d’une insuffisance cardiaque ou d’un accident vasculaire cérébral.
L’algorithme pourrait servir d’outil de dépistage précoce pour les patients qui souffrent actuellement de fibrillation auriculaire, qui sont non détectés par les méthodes actuelles. Aussi, cela inciterait les cliniciens à équiper les patients d’un moniteur de rythme cardiaque pouvant permettre de prévenir les accidents vasculaires cérébraux.
Mirai : le nouvel outil de prédiction du cancer du sein
Une équipe du Computer Science and Artificial Intelligence Laboratory (CSAIL) du MIT et du MGH a créé un nouveau modèle de machine learning, appelé Mirai, capable de prédire à partir d’une mammographie si un patient est susceptible de développer un cancer du sein dans un délai de cinq ans.
Entraîné à partir de mammographies et de résultats connus de plus de 60 000 patients du MGH, le modèle a pris en compte et enregistré les motifs du tissu mammaire se répétant et qui correspondent aux précurseurs de tumeurs malignes.
Cet outil a permis de prédire de manière nettement plus fiable que les approches existantes le risque de développer un cancer du sein : il a placé avec précision 31 % de tous les patients atteints de cancer dans la catégorie de risque la plus élevée, contre seulement 18 % pour les modèles traditionnels.
Pour cela, plutôt que d’identifier manuellement des signes d’un futur cancer à partir d’une mammographie, l’équipe du MIT/MGH a formé un modèle de machine learning pour déduire les signes précurseurs directement à partir des données. En utilisant les informations de plus de 90 000 autres mammographies, le modèle a permis de détecter des signaux précurseurs trop subtils pour l’œil humain.
La question du dépistage
Les mammographies soumettant la personne à des rayons X, les questions liées à la fréquence du dépistage, et du moment auquel il doit commencer, se posent.
L’American Cancer Society recommande un dépistage annuel à partir de 45 ans, tandis que l’U.S. Preventative Task Force recommande un dépistage tous les deux ans à partir de 50 ans.
Selon Mme Regina Barzilay, professeure au CSAIL et au département d’ingénierie électrique et d’informatique du MIT, et membre de l’Institut Koch du MIT, il faudrait personnaliser le dépistage en fonction du risque de développer un cancer, plutôt que d’adopter une approche unique. « Par exemple, un médecin pourrait recommander à un groupe de femmes de passer une mammographie tous les deux ans, tandis qu’un autre groupe à risque plus élevé pourrait bénéficier d’un dépistage supplémentaire par IRM. » ajoute-t-elle.
Leur modèle pourrait également permettre un jour aux médecins d’utiliser les mammographies pour déterminer si les patientes présentent un risque plus élevé de développer d’autres problèmes de santé, comme des maladies cardiovasculaires ou d’autres cancers.
Les chercheurs sont impatients d’appliquer les modèles à d’autres maladies, notamment celles pour lesquelles les modèles de risque sont moins efficaces, comme le cancer du pancréas.
Un diagnostic égalitaire
Ce projet vise également à rendre l’évaluation des risques plus précise pour les minorités raciales. En effet, le modèle MIT/MGH est aussi précis pour les femmes blanches que pour les femmes noires, contrairement à d’autres modèles qui étaient beaucoup moins précis pour les autres races. Ceci est particulièrement important car il a été démontré que les femmes noires ont un risque accru (+42 %) de mourir d’un cancer du sein, en raison d’un large éventail de facteurs pouvant inclure des différences dans la détection et l’accès aux soins de santé.
Vers un diagnostic plus large que celui du cancer du sein seul
Leur modèle pourrait également permettre un jour aux médecins d’utiliser les mammographies pour déterminer si les patients présentent un risque plus élevé de développer d’autres problèmes de santé, comme des maladies cardiovasculaires ou d’autres cancers.
Les chercheurs sont impatients d’appliquer les modèles à d’autres maladies comme le cancer du pancréas.
Mais pour que ce modèle ne perpétue pas les disparités existantes en matière de soins lorsqu’il sera déployé à grande échelle, il devra, comme d’autres modèles d’IA, surmonter un certain nombre d’obstacles. Le groupe a déjà testé Mirai sur sept sites de soins de santé différents dans le monde, montrant que le modèle fonctionne de manière similaire sur les données de patients provenant d’un large éventail de cas pour des populations à risque. Mais il devra tout de même passer par l’étape des essais cliniques.
Des startups de diagnostic médical utilisant le machine learning
Des startups ont bien compris la valeur ajoutée du machine learning, et ce en l’employant au sein de leur technologie. C’est notamment le cas de Kiro et d’AgenT, lauréates 2020 du programme NETVA géré par l’Ambassade de France aux Etats-Unis, qui utilisent le machine learning au service de la biologie médicale.
Kiro est la première plateforme de santé numérique pour la biologie clinique en Europe, optimisée par le machine learning.
En s’appuyant sur des des outils numériques et des algorithmes d’apprentissage profond et automatique de pointe, Kiro s’attaque à la complexité des données d’essais en laboratoire pour établir des profils biologiques significatifs, et ce en mettant au point des biomarqueurs numériques basés sur l’intelligence artificielle.
Ainsi, Kiro permet de prédire avec précision l’apparition de maladie rénale chronique au moins un an avant son apparition, mais également de prédire l’évolution vers une forme grave de Covid-19 pour les patients hospitalisés ayant été diagnostiqués.
Quant à AgenT, la startup développe le premier diagnostic sanguin permettant de détecter les patients atteints de la maladie d’Alzheimer jusqu’à 20 ans avant les symptômes irréversibles. Pour développer un tel modèle, AgenT s’est basée sur 232 échantillons de plasma venant de 3 cohortes indépendantes françaises (deux avec la forme sporadique de la maladie d’Alzheimer et une avec des personnes atteintes du syndrome de Down), sur lequel le modèle a montré une sensibilité de 98,14 % et une spécificité de 98,78 % pour détecter les patients atteints de la maladie d’Alzheimer (asymptomatique, prodromique, démence) par rapport aux témoins.
Aujourd’hui, AgenT compte aller plus loin, en testant son modèle à l’échelle internationale avec un test clinique actuellement en cours sur une cohorte internationale de 768 patients.
Aussi, avec l’explosion des technologies de science des données et les grandes quantités de données cliniques désormais disponibles, le machine learning est sur le point de révolutionner la médecine en aidant cliniciens et chercheurs à mener à bien leurs projets au service du diagnostic.
Rédactrice
Céline Duclos, Attachée adjointe pour la Science et la Technologie – Consulat Général de France à Boston, [email protected]
Sources :
https://intelligence-artificielle.com/machine-learning-definition/
https://news.mit.edu/2019/using-ai-predict-breast-cancer-and-personalize-care-0507
https://blogs.nvidia.com/blog/2021/11/09/md-anderson-ai-cancer-care/
https://news.harvard.edu/gazette/story/2021/11/ai-based-method-predicts-risk-of-atrial-fibrillation/