De l’innovation, de la crise et des optimistes invétérés

Comme en Europe, les médias, lorsqu’ils ne sont pas fixés sur les préparatifs de l’investiture de M. Barack Obama, en sont à découvrir et analyser les conséquences de la crise financière sur l’économie. Dans la crise et l’inquiétude actuelles, les bonnes nouvelles sont donc non seulement rares mais aussi très remarquées. C’est le cas de la récente déclaration faite par un groupe de capitaux risqueurs à la revue "GenomeWeb" qui affirment sans détours que "l’argent est là" pour toutes les entreprises d’appareillage médical possédant des produits innovants et une stratégie de marché adaptée. Dit autrement, ces investisseurs sont à la recherche de dossiers et d’opportunité d’affaires.

Les mêmes affirment que les technologies révolutionnaires vont continuer à attirer des capitaux et que la crise économique n’est pas synonyme de marasme des idées et de l’innovation (OVP Venture Partners). Pour aller dans le même sens, une autre société (Mohr Daviddow Ventures) affirme que dans le métier du capital risque, ce sont précisément les comportements et les décisions conservatoires qui procurent le risque, notamment en raison des technologies de rupture qui peuvent donner de la valeur aux entreprises. A l’instar de la réussite de "Applied Biosystems" dans les appareils de séquençage ou de "Affimetrix", ces deux sociétés ayant donné la chance à des capitaux risqueurs d’investir dans des produits radicalement nouveaux. Il en est de même de la plupart des autres sociétés financées par MDV et OVP : "ParAllele Bioscience", "Pacific Biosciences", "RainDance", "Tethys Bioscience", "Navigenics", "Complete Genomics", "NanoString".

Les investisseurs OVP et OMR ne cachent pas que la conjoncture complique et ralentit les affaires. Ils concèdent que la rentabilité du capital investi devient primordiale dans l’examen des offres, toujours plus long, qui concerne des investissements désormais bien inférieurs à ceux réalisés avant la crise. Il en est de même des valorisations de sociétés qui ont beaucoup baissé : les affaires ne se concluent pas parce que les vendeurs ou les vendeurs potentiels n’en acceptent pas le prix offert. Mais, dans tous les cas, les deux investisseurs considèrent la situation comme transitoire et ne peuvent croire que le nombre d’introductions en bourse (IPO) restera étalé en 2009.

Cet optimisme relatif d’OVP et OMR, sous forme de coup de pub, tranche avec les récents résultats de l’enquête conduite par Thomson Reuters et l’Association nationale des capitaux risqueurs (NVCA) sur le nombre de mise sur le marché en 2008. Soyons clairs, la situation est franchement mauvaise pour les 460 membres de la NVCA, un puissant groupe de pression qui indique pourtant avoir contribué à la création de 10,4 millions d’emplois et à la production de 2.300 milliards de dollars de chiffres d’affaires via les innombrables jeunes et innovantes entreprises impliquées dans les hautes technologies (chiffres 2007). L’enquête montre qu’il faut remonter à 1977 pour enregistrer un nombre aussi bas d’introductions en bourse en 2008 (6 seulement !). Concernant les fusions-acquisitions, le chiffre de 260 atteint en 2008 est inférieur au plus bas historique de 2003 (300 !). Inévitablement la NVCA en déduit que le pire est à venir en 2009 en raison de la faiblesse des investissements et du faible volume des levées de fonds qui vont en résulter.

En volume financier, les chiffres n’en sont pas moins inquiétants puisque le total des introductions en bourse se monte à 470 millions, un montant à comparer au chiffre de l’année 1979, 339 millions. Naturellement, sur les 6 sociétés introduites, cinq se négocient désormais à des prix bien inférieurs à leur niveau d’introduction. Dans ces conditions, la NVCA voit mal comment la situation pourrait brutalement s’inverser : 72% de ses membres considèrent, pour faire court, que 2009 est une année à oublier. 45 sociétés ont retiré leur demande d’introduction à l’automne en raison de la conjoncture financière. Et pour les 18 projets d’introduction soutenus par des capitaux risqueurs avant la crise de l’automne 2008, la situation financière et économique de ces nouvelles sociétés est inquiétante.

Devant d’aussi mauvaises nouvelles, la NCVA vient de monter en urgence des groupes de travail pour élaborer de nouvelles méthodes d’introduction en bourse qu’elle souhaite présenter au Congrès et aux industriels le mois prochain, une fois la nouvelle administration installée.

Dans un tel contexte que penser ? C’est bien la question dominante en ce début d’année dans le petit monde de l’innovation américain. Certes la conjoncture est décidément très mauvaise : la bourse va mal, les fonds de pension sont gravement touchés ce qui affecte le volume de capital de risque, les fonds de réserve des universités (les "endowments", -30% au MIT et à Harvard) sont réduits et tout semble figé. Mais la certitude est aussi que le fond est atteint. L’autre certitude est que le système actuel du capital risque aux Etats-Unis ne peut rester en l’état. Non seulement il a besoin de projets -c’est le message de MDV et OVP mais il fera l’objet d’ajustements voire de réformes surtout si la nouvelle administration décide un nouveau plan de relance où l’innovation occupe davantage de place. En effet, les futures décisions de soutien du gouvernement fédéral ne se prendront pas sans contreparties ni "toutes choses étant égales par ailleurs", on vient déjà de le voir dans l’automobile…

Terminons par une note encore plus positive qui concerne les marchés financiers. Selon Tony Stanco, directeur du Conseil des transferts de technologie, "la crise va entraîner un transfert massif de fonds des investisseurs américains des marchés immobiliers et mobiliers vers les entreprises de haute technologie. Les investisseurs réalisent que ces deux marchés ont été, contrairement à ce qu’ils pensaient, plus dangereux et risqués que celui du capital risque". Au total, Tony Stanco anticipe donc un renforcement des capitaux risqueurs (actuellement ils représentent 30 milliards par an) et dans une moindre mesure des "anges" (100 millions par an). Le printemps avant l’heure ? A suivre dans tous les cas…

Source :

– "Despite Economic Climate, VC Cash is Available for LS Tool Firms, Say Experts", Edward Winnick, Genome WebDaily, 08/01/09 – https://www.genomeweb.com/issues/news/151675-1.html
– "Global Economic Crisis Weighs Heavily on Venture-Backed Exits in 2008", Reuters, 05/01/09 –
https://www.reuters.com/article/pressRelease/idUS101482+05-Jan-2009+PRN20090105
– Et la contribution de M. Tordjman, ambassadeur aux pôles de compétitivité

Pour en savoir plus, contacts :

"Venture Capital Firms To Face More Pain In ’09", Scott Austin, Dowjones Business News, 02/01/09 –
https://www.easybourse.com/bourse-actualite/marches/venture-capital-firms-to-face-more-pain-in-0–589946
Code brève
ADIT : 57356

Rédacteur :

Antoine Mynard, [email protected]

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