ClimateGate : il flotte comme une odeur de poudre… (aux yeux !)

Il semble établi que la tempête déclenchée -opportunément diront les mauvaises langues- à quinze jours de l’ouverture de la conférence de Copenhague par la publication de communications électroniques entre climatologues, n’est qu’un épiphénomène sur le plan scientifique. Cependant, l’écho que rencontre cette tempête dans la presse, généraliste et spécialisée, et la caisse de résonance qu’elle a offert aux opposants d’une législation climat au sein du Congrès américain, laissent présager que les dommages collatéraux pourraient être plus durables qu’il n’y paraît au premier abord.

La presse et les blogs montent au créneau

La presse généraliste a pris résolument parti, selon des lignes de clivages habituelles, entre presse conservatrice et presse progressiste. Pour le Wall Street Journal, "le réel problème de ces messages est ce qu’ils disent sur la façon dont le consensus scientifique sur le réchauffement climatique, entouré de tant battage médiatique, a réussi et comment une seule opinion sur le réchauffement et ses causes a été imposée". Les dés seraient donc pipés depuis le début.

La blogosphère n’est pas en reste, certains scientifiques concernés au premier chef dans les échanges de courriers électroniques étant eux-mêmes les rédacteurs des dits blogs. La publication des e-mails jette d’ailleurs une lumière crue sur la dureté des relations au sein de la communauté climatique. La tension, déjà palpable entre les écoles de pensées ces dernières années, augmente donc à nouveau d’un cran. Mais, comme on pouvait le supposer, l’animosité dépasse rapidement le seul univers des médias ou la seule sphère scientifique.

Propos acerbes au Congrès: de la "culture de corruption" au "fascisme scientifique"

A titre d’illustration, l’audition organisée à la Chambre des représentants le 2 décembre a tourné à la bataille rangée entre l’aile républicaine et la majorité démocrate, les premiers se plaignant de n’avoir pas obtenu l’autorisation du Président Markey d’inviter un témoin, les seconds refusant, après une suspension de séance, que les témoins soient tenus de prêter serment (comme la minorité l’exigeait).

Le conseiller scientifique du président Obama, John Holdren, était amené à témoigner aux côtés de Jane Lubchenco, administratrice de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA). Tous deux se sont employés à minimiser la portée des courriers électroniques illégalement publiés la semaine précédente, et à confirmer que le faisceau de preuves d’un changement climatique d’origine anthropique était toujours "sans équivoque".1

Le représentant Sensenbrenner, Vice-Président de la sous-commission et représentant de la minorité Républicaine, faisait la sourde oreille. Ses collègues et lui ont évoqué à plusieurs reprises les relents de "fascisme scientifique" que ces courriers traduiraient et affirmé que les propos tenus révélaient une "culture de la corruption" dans la communauté scientifique. Les termes de "manipulation" et de "secret" contribuaient eux aussi à alourdir l’atmosphère (si l’on peut se permettre ici ce calembour douteux…ndlr).

Des conséquences possibles pour Copenhague, mais surtout pour le débat parlementaire national

Ces échanges très vifs préfigurent peut-être la guerre de tranchée à laquelle pourraient se livrer les deux camps lorsque le débat sur la législation climat reviendra devant le sénat au début de l’année 2010. En effet, avant même cet épisode, l’ampleur de la tâche que représentent, d’une part, la ratification d’un texte sur le système de santé et, d’autre part, les réticences des états du Midwest à s’engager sur un texte qui affecterait un prix au carbone, laissaient à penser qu’un texte sur le climat pourrait être mis en attente pendant plusieurs mois.

En demandant que des enquêtes administratives ou parlementaires poussées, même sans parvenir à influencer les débats à Copenhague ou à orienter l’opinion publique américaine, les parlementaires hostiles à une législation climat pourraient enliser l’examen des projets de lois au Congrès, prévus au premier trimestre 2010. La méthode que semblent privilégier certains parlementaires républicains, qui consiste à engorger la procédure par des requêtes sans cesse répétées d’informations complémentaires, pourrait ainsi atteindre son but et reporter d’un an au minimum (après les législatives de novembre 2010) le passage d’une loi…

Source :

– Audition à la sous-commission "Indépendance énergétique et Réchauffement climatique" de la Chambre des Représentants, 02/12/09
– Nature Editorial: nothing in the e-mails undermines the scientific case that global warming is real […) – Climate Progress (blog spécialisé issu du Center for American Progress) – https://climateprogress.org/2009/12/02/climategate-nature-editorial-e-mails-scientific-case-global-warming-is-real-harassment-denialists-inflict/
– Climate of Denial – Washington Post du 25 novembre 2009 – https://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2009/11/24/AR2009112403549.html

Pour en savoir plus, contacts :

– Site de Union for Concerned Scientists – ONG militant pour l’indépendance des scientifiques vis-à-vis des politiques : https://www.ucsusa.org/global_warming/science_and_impacts/global_warming_contrarians/contrarians-using-hacked-e-mails.html
– Blog défendant la thèse du réchauffement d’origine anthropique, dont la rédaction a participé au "Copenhaguen Diagnosis" : https://www.realclimate.org/
– Blog animé par Steve McIntryre, climato-sceptique notoire et protagoniste de la controverse autour du graphique en forme de crosse de hockey de Michael Mann : https://www.climateaudit.org/
Code brève
ADIT : 61417

Rédacteur :

Marc Magaud ([email protected])

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