A Chicago, le développement d’un réseau quantique en réponse aux besoins croissants en cybersécurité post quantique

 

En 2020, une collaboration entre les laboratoires nationaux d’Argonne et Fermilab, ainsi que d’autres institutions comme l’université de Northwestern ou Caltech, donnaient naissance à l’Illinois Express Quantum Network. Ce réseau quantique composé de fibre optique, reliait Argonne et Fermilab.
Le 16 juin dernier, des chercheurs du Chicago Quantum Exchange (CQE) ont annoncé l’expansion de ce réseau jusqu’à l’université de Chicago dans le sud de la ville. Avec une longueur de 200 kilomètres, ce réseau est l’un des plus importants du pays.1

Topologie du réseau quantique de la métropole de Chicago (lignes pleines). Les lignes pointillées représentent des liens quantiques augmentés simulés (Source: https://iopscience.iop.org/article/10.1088/2058-9565/ac22f6/pdf).

D’après David Awschalom, directeur du CQE et de Q-NEXT, le centre de recherche quantique d’Argonne, ce réseau « offre aux chercheurs des possibilités inédites concernant la transmission d’information quantique dans un environnement réel. » Récemment, les équipes d’Argonne et Fermilab ont annoncé avoir obtenu une synchronisation record au sein de ce réseau.² Un signal classique et un signal quantique, composé de photons, ont été envoyés en même temps à travers le réseau entre les deux laboratoires. Ils ont conservé une synchronisation record de 5 millièmes de nanosecondes. Cette expérience prouve que des signaux classiques et quantiques pourraient coexister, ce qui ouvre le champ d’applications dans un environnement réel, d’autant plus que la taille du réseau le rend maintenant pertinent pour une aire métropolitaine.

Pour l’instant, le réseau quantique de Chicago n’est utilisable que par des chercheurs et des industries. Cependant, il ouvre la voie à de nombreuses applications potentielles, la première étant en cybersécurité, les réseaux quantiques étant considérés comme quasiment impossibles à pirater de par leur nature. Le réseau quantique de Chicago servira donc dans un premier temps à tester des technologies de cybersécurité : ce projet a vu naître une collaboration inédite avec l’entreprise nippone Toshiba, qui produit des clés quantiques. Ces clés permettent d’encrypter l’information de façon beaucoup plus sécurisée qu’avec des clés classiques, puisqu’une tentative d’interception détruirait l’information contenue et serait facilement détectable. Toshiba se sert actuellement de ce réseau pour tester différent paramètres pouvant affecter la circulation de ses clés quantiques, comme les conditions météorologiques ou la température.3

Ce projet fait écho au projet de loi bipartite Quantum Computing Cybersecurity Preparedness Act,4 présenté en avril devant le Congrès et introduit en particulier par le Représentant Ro Khanna (D-CA), et qui vise à se préparer à faire face aux menaces de cybersécurité que le développement de l’informatique quantique pourrait provoquer. En effet, dans un futur proche, les performances des ordinateurs quantiques pourraient rendre le piratage et le vol de données très facile (voir 5 pour plus de détails sur cette problématique). Poursuivant l’effort entrepris par la Maison Blanche5,6 ce projet vise à protéger les informations des agences fédérales face à ce genre de menaces par le développement de technologies de cryptographie post quantiques résistantes à ce type d’attaque.7

Le projet de loi a été validé en juillet par la Chambre des Représentants et est en cours d’examen par le Sénat. S’il est approuvé, l’Office of Management and Budget (OMB) sera chargé d’établir des directives à l’attention des agences fédérales, en vue de la migration de leurs données sur des systèmes de cryptographie post quantique.8  Les clés quantiques telles que celles développées et testées dans le réseau quantique de Chicago pourraient constituer une solution efficace face à ce risque, alternative ou complémentaire des solutions post-quantiques plus traditionnelles (i.e. n’utilisant pas la communication quantique) actuellement préconisées par le NIST.

Rédactrice : Marie Poirot, Chargée de mission scientifique à Chicago

Sources

1 https://www.chicagotribune.com/news/breaking/ct-quantum-computing-20220618-msoridjfjvgtrkumirr7dxv52e-story.html

² https://news.fnal.gov/2022/06/quantum-network-between-two-national-labs-achieves-record-synch/

3 https://www.popsci.com/technology/chicago-quantum-network/

4 https://www.congress.gov/bill/117th-congress/house-bill/7535

https://fscience-old.originis.fr/national-security-memorandum/

https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2022/05/04/fact-sheet-president-biden-announces-two-presidential-directives-advancing-quantum-technologies/

https://thehill.com/policy/cybersecurity/3569425-senators-introduce-bill-to-improve-defenses-against-quantum-computing-data-breaches/

8 https://www.securityweek.com/senators-introduce-bipartisan-quantum-computing-cybersecurity-bill

 

 

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