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Bien que relativement discrète au cours de la campagne présidentielle de Joe Biden et de ses premières semaines à la Maison Blanche, la thématique spatiale a progressivement pris de l’ampleur au sein de la politique du 46ème Président des États-Unis. Aujourd’hui, Joe Biden semble avoir pris la mesure des enjeux majeurs et globaux liés à l’Espace et des bénéfices du spatial au profit de sa politique à l’échelle nationale comme internationale. Joe Biden semble avoir notamment perçu :
- L’intérêt stratégique du secteur spatial pour le leadership américain dans un contexte de compétition internationale accrue, principalement avec la Chine
- Les bénéfices du spatial en matière de communication politique et d’influence diplomatique (cette prise de conscience ayant vraisemblablement été facilitée par des évènements majeurs comme l’atterrissage du rover martien Perseverance le 18 février 2021)
- L’apport du spatial en matière de lutte contre le changement climatique et d’adaptation à celui-ci qui figurent parmi ses priorités
Aussi, Joe Biden s’est-il inscrit dans une certaine continuité avec les politiques, structures et programmes spatiaux mis en place par son prédécesseur (notamment en matière d’exploration et de défense), tout en renforçant la composante spatiale au service du climat. Il confirme une politique spatiale américaine ambitieuse à travers :
- Une requête budgétaire présidentielle pour l’année fiscale 2022 en hausse pour les principales agences compétentes en matière spatiale : 24,8 Md$ pour la NASA (+6,6 %), 2 Md$ pour la branche spatiale de la NOAA (+33 %), 17,5 Md$ pour l’S. Space Force (+13 %)
- Le maintien du National Space Council présidé par la vice-présidente Kamala Harris. Cette structure politique et administrative est jugée propice au dynamisme du secteur spatial
- La nomination des principaux responsables des administrations compétentes en matière spatiale dès les premières semaines de son mandat (notamment le nouvel Administrateur de la NASA, Bill Nelson)
Joe Biden semble ainsi vouloir profiter des avancées et du dynamisme de l’ancienne administration tout en se démarquant de celle-ci en alignant le spatial sur ses propres priorités politiques, notamment la lutte contre le changement climatique. Le leadership et le volontarisme de la nouvelle administration au sujet de l’Espace reste néanmoins à éprouver sur le long terme (travaux du NSpC, continuité des requêtes budgétaires, partenariats internationaux, etc.).
1. Introduction
À l’issue de sa victoire aux élections présidentielles américaines de novembre 2020, le 46ème Président des États-Unis Joe Biden avait annoncé vouloir articuler sa présidence autour de 4 thématiques prioritaires : la lutte contre la Covid-19, la relance économique, l’égalité raciale et le changement climatique. Dans ce cadre global, le spatial n’était pas apparu comme un axe structurant de la future politique du nouveau Président, tranchant avec l’importance accordée et la dynamique insufflée à ce secteur par l’ancien Président Donald Trump.
Le camp démocrate n’était toutefois pas demeuré entièrement silencieux sur ce sujet et avait manifesté, lors de la campagne présidentielle, son soutien global aux activités actuelles de la NASA (sans plus de précisions) et son intention de mettre en avant le rôle que pourrait jouer l’Agence en faveur de la question climatique. De nombreuses zones d’ombre demeuraient toutefois quant au futur des initiatives politiques, diplomatiques et réglementaires entamées par l’ancienne administration. Tout particulièrement, l’avenir du programme Artemis et de l’U.S. Space Force (USSF) demeurait incertain.
Depuis la prise de fonction de la nouvelle administration le 20 janvier 2021, plusieurs annonces notoires ont été faites par l’administration de Joe Biden au sujet de la structuration du paysage spatial sous sa présidence, des personnalités qui définiront et incarneront la politique spatiale américaine et de l’avenir des grands programmes et chantiers spatiaux en cours ou à venir.
Ces diverses annonces traduisent une prise de conscience progressive par l’Exécutif de l’intérêt du spatial dans la protection et la promotion des intérêts américains dans un contexte marqué par un regain de compétition dans l’Espace (2). Aussi, la nouvelle administration ne semble-t-elle pas vouloir défaire les chantiers entamés sous l’ère Trump et semble, au contraire, s’inscrire dans une relative continuité avec l’ancienne administration (3). À noter toutefois que le Président Joe Biden se démarque sensiblement de l’héritage de son prédécesseur en se réappropriant les thématiques spatiales de façon à les faire correspondre à ses propres priorités politiques (4).
2. Le spatial comme instrument de communication politique et d’influence diplomatique
Malgré une campagne et un début de mandat relativement discret, l’Espace s’est progressivement installé dans la communication et la politique du Président Joe Biden. Celui-ci a d’ailleurs procédé dès les premières semaines de son mandat à de nombreuses nominations d’importance dans le secteur spatial (voir Annexe), notamment celle de l’Administrateur de la NASA, Bill Nelson, ancien Sénateur de Floride proche du Président.
Ce regain d’intérêt semble traduire une reconnaissance par l’administration de l’intérêt stratégique du spatial qui connaît à l’heure actuelle un regain de compétition (voire de confrontation). Il faut dire que les 100 premiers jours du mandat de Joe Biden ont été marqués par des évènements et annonces majeurs, notamment dans le domaine de l’exploration : annonce du projet sino-russe de base lunaire internationale, lancement du premier module de la future station spatiale chinoise, annonce d’un projet de station spatiale russe (à l’heure où les États-Unis viennent de recouvrer leur autonomie dans l’accès à la Station Spatiale Internationale) et atterrissage du rover martien Perseverance à quelques semaines de la mise en orbite de la sonde chinoise Tianwen-1 et de l’atterrissage réussi du rover chinois Zhurong sur la surface de Mars. L’atterrissage de Perseverance a d’ailleurs été l’occasion d’un exercice de communication politique important pour Joe Biden qui s’est exprimé 3 reprises sur ce sujet en seulement 3 jours. Le Président américain a ainsi fait de Perseverance un témoin de la maîtrise scientifique et technologique américaine ainsi que des bienfaits de la coopération internationale.
Il se peut que le contexte actuel ait donc incité l’administration à préciser et renforcer sa politique spatiale, quitte à se rapprocher des priorités de l’administration précédente qui avait fait du leadership américain dans l’Espace une priorité majeure.
3. Le spatial comme point de convergence entre les administrations Trump et Biden
Les décisions prises par Joe Biden en matière spatiale semblent traduire une relative continuité entre son administration et celle de Donald Trump. À noter d’ailleurs que la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki, avait elle-même indiqué que le spatial faisait partie des domaines de convergence entre les deux Présidents.
3.1. Continuité des programmes d’exploration et de défense
Les priorités définies par l’ancienne administration n’ont pas été remises en cause par l’Exécutif qui, au contraire, a fait part de sa volonté de poursuivre certains chantiers entamés sous la présidence de Donald Trump. Tout particulièrement, l’exploration (notamment le programme Artemis) et la défense spatiale, fers de lance de la stratégie spatiale de Donald Trump, ont reçu un soutien de l’administration :
- Exploration : l’administration a manifesté son soutien au programme lunaire Artemis en février 2021 et a demandé un budget 2022 en augmentation pour l’exploration humaine de la Lune et des autres corps célestes. Avec 6,9 Md$ demandés (+ 5 % par rapport au budget 2021), l’Exécutif se place dans le sillage de l’administration Trump (sans atteindre le niveau des montants demandés par ce dernier). À noter que le nouvel Administrateur de la NASA, Bill Nelson, a également demandé aux appropriateurs du Congrès 5,4 Md$ supplémentaires pour les alunisseurs du programme Artemis au titre de la « Jobs and Infrastructures Bill». Bill Nelson estime que le soutien financier du Congrès est indispensable pour maintenir le leadership américain en exploration à l’heure où la Chine devient un « aggressive competitor ». Avec ces financements consolidés, l’administration pourrait donc espérer capitaliser sur les avancées réalisées sous la présidence Trump et espérer maintenir l’objectif d’un alunissage habité en 2024 bien que cette date n’ait reçu qu’un soutien prudent de l’Exécutif. Notons enfin que l’intérêt du nouveau Président pour le programme Artemis s’est également traduit par la signature d’un accord avec son homologue Sud-Coréen contenant, entre autres, l’engagement de Séoul à signer les Accords Artemis. À noter qu’outre l’exploration habitée, la requête budgétaire entend également soutenir de nombreux programmes d’exploration robotique comme Mars Sample Return, Europa Clipper, Dragonfly et le Nancy Grace Roman Space Telescope. Deux nouvelles missions vers Vénus (DAVINCI+ et VERITAS) ont par ailleurs été décidées dans le cadre du programme Discovery.
- Défense : l’administration a, à plusieurs reprises, insisté sur la nécessité de maintenir le leadership américain en matière de défense et de sécurité spatiales et de contribuer à la rédaction de nouveaux standards et normes de comportement dans l’Espace. De plus, après un début de mandat relativement silencieux voire controversé au sujet de l’S. Space Force (USSF), l’Exécutif a très largement soutenu la 6ème branche armée américaine en demandant à son sujet une enveloppe budgétaire de 17,5 Md$ pour 2022. Ce montant, qui ne représente « que » 2,5 % du budget total du Département de la Défense (DoD), constitue en revanche une augmentation notoire de plus de 2 Md$ (ou + 13 %) par rapport au budget 2021 consacré à l’USSF dont la création remonte à 18 mois seulement. À l’image de l’ancienne administration, la nouvelle administration justifie ses dépenses croissantes dans la défense spatiale par la compétition accrue qui s’exprime dans l’Espace et notamment par les menaces exercées par la Chine et la Russie contre les capacités et les intérêts américains
3.2. Maintien du National Space Council
En dépit de quelques hésitations initiales, la nouvelle administration a décidé fin mars de conserver le National Space Council (NSpC). Créé par la Loi d’autorisation de la NASA de 1989 sous l’administration de George H. W. Bush, le NSpC pourrait être considéré comme un « Ministère de l’Espace ». Il a pour objectif de réunir, sous l’égide du Vice-Président des États-Unis, les différentes administrations fédérales compétentes en matière spatiale afin qu’elles échangent, coopèrent et agissent de concert pour la définition et l’implémentation de la stratégie spatiale civile et militaire américaine.
Chaque administration a la possibilité de financer ou non le NSpC. C’est ainsi qu’à l’issue du mandat présidentiel de George H. W. Bush en 1993, le NSpC avait été mis en sommeil avant d’être restauré le 30 juin 2017 par Donald Trump. Sous l’administration Trump, le NSpC a été très actif. Celui-ci s’est réuni à 8 reprises et plusieurs décrets présentiels majeurs ont été promulgués sur la base de ses réflexions[1]. Ces derniers ont d’ailleurs été loués par l’industrie spatiale qui a largement bénéficié des travaux du NSpC[2] et qui a reconnu l’intérêt d’une structure politique duale pour se saisir des problématiques spatiales.
Malgré la décision de l’administration Biden de conserver le NSpC, la Vice-Présidente Kamala Harris, qui assumera la présidence du NSpC conformément à la législation américaine, entend assurer un leadership en ligne avec les nouvelles priorités de l’administration Biden, notamment en ce qui concerne le climat. Reste encore à apprécier quel leadership sera effectivement exercé par la Vice-Présidente et quelle sera la substance des travaux du nouveau NSpC. L’identité du futur Secrétaire exécutif du NSpC – dont la sélection est en cours – sera en ce sens déterminante. Scott Pace, qui avait endossé ce rôle sous l’administration Trump, avait joué un rôle moteur au sein du NSpC.
4. Le spatial comme outil au service de la priorité climatique du Président Biden
Dès la campagne présidentielle américaine, Joe Biden avait fait part de sa volonté de faire du spatial un outil au service de son effort global en matière climatique. Depuis sa prise de fonction en janvier 2021, le Président est venu confirmer cette orientation en ajoutant une « coloration verte » au paysage spatial à travers plusieurs décisions relatives :
- À l’organisation du secteur spatial: l’administration a fait du climat l’une des problématiques prioritaires des futurs travaux du NSpC et a choisi d’intégrer la NASA au sein la National Climate Task Force mise en place en début d’année 2021. Dirigée par Gina McCarthy, Conseillère climat du Président pour les affaires nationales (John Kerry étant Conseiller climat à l’international), la National Climate Task Force a pour objectif de réunir l’ensemble des agences fédérales compétentes pour définir une politique gouvernementale concertée afin de mieux lutter contre le changement climatique. La NASA est y est représentée par Gavin Schmidt, ancien directeur du Goddard Institute for Space Studies (New York), qui a été nommé Conseiller Climat au sein de l’Agence à titre temporaire. Ce poste, qui a été créé en février 2021, vise à un établir un point de liaison entre la NASA et la Maison Blanche sur les questions climatiques. À noter toutefois que ses responsabilités demeurent en cours de consolidation (son intégration au sein du siège de la NASA n’est pas encore effective) et que sa mission se cantonne à une action politique, l’exécution des programmes et du budget demeurant du ressort de la Directrice de la Division Sciences de la Terre de la NASA, Karen St Germain.
- Aux nominations aux postes clefs: le Président a procédé à la nomination rapide de l’Administrateur de la NOAA (voir Annexe), agence qui pourrait être amenée à voir son rôle renforcé avec la priorité accordée par le Président à l’environnement
- Au budget 2022: dans sa requête budgétaire, le Président a demandé :
- Un budget de 2,25 Md$ pour les sciences de la Terre de la NASA (+ 12,5 % par rapport au budget 2021). Dans ce cadre, la NASA a annoncé début juin la mise en place du Earth System Observatory (ESO). Cette appellation regroupe les 4 grandes missions répondant aux 5 Designated Observables du Decadal Survey Earth Science (A-CCP, SBG, Mass Change, SDC), avec l’ambition de produire un modèle global 3D de la Terre, destiné à comprendre de façon plus précise et avec plus de confiance le changement climatique et de mettre à disposition gratuite des données d’observation à l’ensemble des utilisateurs (privés, publics et internationaux). À noter que l’ESO n’a pas de budget dédié ni de ligne programmatique, et ressemble plus à un effet de communication de la NASA qui cherche à passer un message de cohérence d’ensemble de ces missions
- Un budget de 2 Md$ pour les activités spatiales de la NOAA gérées par le bureau NESDIS (National Environmental Satellite, Data and Information Services) (+ 33 % par rapport au budget 2021), une augmentation exceptionnelle qui traduit en partie l’intérêt de l’Exécutif pour l’observation de la Terre. Cette hausse a effectivement vocation à financer les services spatiaux existants de la NOAA, mais également la fourniture de nouvelles données sur le climat, l’atmosphère, l’océanographie et la météorologie. La NOAA prévoit de mettre ses données et services au profit des décideurs politiques
- Un budget supplémentaire de 4 Md$ dédiés au financement de recherches inter-agences (faisant notamment intervenir la NASA) pour mieux comprendre et s’adapter au changement climatique
Outre la seule question du climat, la Maison Blanche a souhaité plus largement remettre les sciences spatiales sur le devant de la scène. La requête budgétaire présidentielle souhaite allouer environ 7,3 Md$ aux activités scientifiques de la NASA, soit un budget en augmentation de 8,6 % par rapport au budget accordé en 2021 et soit la plus grande enveloppe budgétaire jamais demandée dans ce domaine. À noter que l’ensemble des lignes budgétaires scientifiques sont en augmentation, avec une attention plus particulière portée aux sciences de la Terre (+12,5 %) et planétaires (18,5 %).
5. Conclusion
Sans se fondre parfaitement dans l’héritage de Donald Trump, Joe Biden semble se placer dans une certaine continuité vis-à-vis de son prédécesseur. La dynamique insufflée et les progrès déjà réalisés par l’ancienne administration pourraient effectivement être bénéfiques pour l’administration actuelle dans un contexte de compétition internationale accrue, notamment avec la Chine.
Le 46ème Président des États-Unis semble néanmoins vouloir se démarquer de son prédécesseur en se réappropriant le secteur spatial de façon à le faire correspondre à ses propres priorités politiques, notamment la lutte contre le changement climatique.
Annexe : Principales personnalités du spatial sous la présidence de Joe Biden
Les personnalités nommées par la Maison Blanche peuvent également témoigner des ambitions et des orientations de l’Exécutif au sujet de l’Espace. À noter par ailleurs que l’identité des élus composant les diverses Commissions et Sous-Commissions du Congrès compétentes en matière spatiale ne seront pas sans effet sur la politique spatiale américaine.
1. Nominations au sein des administrations fédérales civiles et militaires
- NASA
- Administrateur : Bill Nelson
Le 29 avril dernier, le Sénat a confirmé à l’unanimité la nomination de l’ancien Sénateur de Floride Bill Nelson en tant qu’Administrateur de la NASA. Le résultat de ce vote n’est pas étonnant au vu des commentaires très positifs formulés par les sénateurs lors de son audition de confirmation qui s’était tenue une semaine plus tôt. Bill Nelson a notamment été loué pour son expertise dans le secteur spatial. De même, sa proximité avec le Président Joe Biden et son expérience dans le domaine politique ont été perçues dès sa nomination par le Président comme des atouts de tailles pour défendre les intérêts de l’Agence.
En effet, Bill Nelson a poursuivi une longue carrière politique au Congrès. Il a tout d’abord servi entre 1979 et 1991 à la Chambre des Représentants, notamment en tant que Président de la Sous-Commission responsable de la supervision des activités de la NASA. Bill Nelson a ensuite été élu sénateur de Floride (où sont situés le Kennedy Space Center de la NASA et la Patrick Space Force Base de l’U.S. Space Force) à 3 reprises entre 2001 et 2019. En tant que sénateur, Bill Nelson a eu l’occasion de travailler aux côtés de l’actuel Président Joe Biden avec lequel il entretient une relation privilégiée.
En matière spatiale, Bill Nelson s’est notamment fait connaitre en tant que principal architecte, avec la Sénatrice Kay Bailey Hutchison (R-TX), de la loi d’autorisation 2010 de la NASA. Ce texte de loi a soulevé un certain nombre de controverses et de critiques à l’égard de Bill Nelson qui fut perçu, selon les interprétations, comme un défenseur ou un pourfendeur de la commercialisation du secteur spatial. En réponse à l’arrêt du programme Constellation par l’administration Obama au profit du développement de systèmes de transport privés en orbite basse, la loi de 2010 a effectivement tenté de chercher un compromis en favorisant l’essor des services de transport commerciaux tout en poursuivant le développement du Space Launch System et du vaisseau Orion sous l’égide de la NASA.
Depuis sa nomination, Bill Nelson s’est exprimé une première fois sur sa vision du spatial américain lors de son audition du 19 mai 2021 devant les appropriateurs de la Chambre des Répresentants. Lors de cet exercice éminemment politique, le nouvel Administrateur de la NASA a particulièrement insisté sur la recrudescence de la compétition internationale en matière d’exploration, notamment avec la Chine. Le 2 juin 2021, Bill Nelson a ensuite réalisé son premier « State of NASA » à l’occasion duquel il a décrit les principales lignes directrices de la NASA sous sa direction : continuité du programme Artemis (pour faire face à la Chine), retour des Sciences au premier plan (avec l’annonce de 2 nouvelles missions du programme Discovery vers Vénus DAVINCI+ et VERITAS) et mise en avant de l’Espace au profit du climat (avec le lancement de l’Earth System Observatory).
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- Administratrice adjointe : Pam Melroy
Le 17 juin 2021, l’ancienne astronaute Pam Melroy a été confirmée par le Sénat pour endosser le rôle d’Administratrice adjointe de la NASA suite à sa nomination le 16 avril 2021 par la Maison Blanche. Pam Melroy, qui avait été pressentie initialement parmi d’autres personnalités féminines pour succéder à Jim Bridenstine, semblait l’une des figures les plus légitimes pour rejoindre ce poste.
Après une carrière au sein de l’U.S. Air Force (USAF) en tant que pilote, Pam Melroy a développé une grande expertise dans le domaine spatial en volant à plusieurs reprises sur la navette spatiale (dont une fois en tant que Commandante) et en occupant par la suite plusieurs postes à hautes responsabilités aussi bien dans l’industrie spatiale qu’en administration.
Cette nomination a été très bien accueillie par le secteur spatial – y compris Bill Nelson et son prédécesseur Jim Bridenstine. Tous ont souligné l’expérience acquise par Pam Melroy au cours de sa carrière. Cette expérience pourrait permettre à Bill Nelson de former un duo équilibré à la tête de la NASA entre sensibilité technique et politique.
- Département du Commerce (DoC)
- Secrétaire d’État au Commerce
Le Président Joe Biden a choisi Gina Raimondo, précédemment Gouverneur de l’État de Rhode Island, pour prendre la tête du Département du Commerce (DoC). Cette dernière ne semble pas détenir d’expérience particulière dans le domaine spatial.
Le DoC a toutefois acquis une place centrale en matière spatiale sous la présidence de Donald Trump. Son rôle a notamment été réaffirmé sous l’effet des SPD-2 et 3 qui prévoient respectivement de rationaliser le cadre réglementaire applicable aux activités spatiales commerciales et de transférer au DoC, et notamment à son Office of Space Commerce (OSC), de nouvelles responsabilités en matière de surveillance et de gestion du trafic spatial civil et commercial.
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- Directeur de Office of Space Commerce
L’OSC, qui est rattaché à la NOAA, a été fusionné avec le Commercial Remote Sensing Regulatory Affairs (CRSRA) de la NOAA et s’est vu attribuer un budget combiné de 10 M$ pour 2021 (contre seulement 4,1 M$ combinés en 2020). Malgré ces avancées, le DoC n’a pas encore exprimé de stratégie vis-à-vis de ce bureau depuis la transition d’administration et n’a pas choisi de successeur à Kevin O’Connell qui en assurait jusqu’alors la direction.
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- Administrateur de la NOAA
Le 17 juin 2021, le Sénat a confirmé Rick Spinard en tant qu’Administrateur de la NOAA.
Rick Spinard, océanographe et professeur à l’Université d’État d’Oregon, avait déjà travaillé au sein de l’Agence où il avait endossé le rôle de Chef du Bureau de Recherche en Océanographie et Atmosphère entre 2003 et 2010.
- Département de la Défense (DoD)
Le 22 janvier 2021, le Sénat a confirmé la nomination du Général Lloyd Austin au poste de Secrétaire à la Défense. Au terme d’une carrière au sein de l’U.S. Army où il a notamment endossé la responsabilité de Commandant de l’U.S. Central Command, le Général Lloyd Austin a rejoint le secteur privé.
Lors de son audition de confirmation devant le Sénat, le Général Lloyd Austin semble s’être placé en continuité avec l’administration précédente. En effet, sans révéler explicitement son opinion sur l’établissement de l’USSF et de l’USSPACECOM, il a reconnu qu’une réorganisation du secteur spatial militaire américain avait été plébiscitée depuis plusieurs années. Il a par ailleurs insisté sur le regain de compétition internationale dans l’Espace et sur les risques que représenteraient les capacités spatiales russes et chinoises. Il a enfin pointé du doigt la nécessité de développer de nouveaux standards et normes de comportement dans l’Espace mais aussi celle de se saisir des enjeux liés à la croissance des activités spatiales commerciales.
- Remarques complémentaires sur le calendrier des nominations
Au-delà de l’identité des personnalités choisies par l’Exécutif pour définir et incarner la politique spatiale américaine, le calendrier même des nominations semble souligner l’intérêt porté par l’Exécutif au spatial.
À la différence de son prédécesseur – qui avait toutefois fait du spatial une priorité –, Joe Biden a procédé relativement rapidement à la nomination du nouvel Administrateur de la NASA. Là où Jim Bridenstine avait été désigné par Donald Trump en septembre 2017 (soit 9 mois après sa prise de fonctions à la Maison Blanche), Bill Nelson a été nommé par Joe Biden dès mars 2021, soit 3 mois seulement après son arrivée au pouvoir.
Si cette nomination rapide peut s’expliquer en partie par la proximité entre les 2 hommes, elle semble conforter l’idée selon laquelle le nouvel Exécutif souhaite s’investir dans la politique spatiale.
La nomination de l’Administrateur de la NOAA est également intervenue de façon relativement rapide puisque l’administration Biden a choisi dès le mois d’avril 2021 de placer Rick Spinard à la tête de la NOAA là où l’administration Trump avait sélectionné Barry Lee Myers au mois d’octobre 2017. Cette rapidité de sélection pourrait traduire l’importance accordée par l’administration Biden à la question climatique et, par conséquent, au rôle que devra jouer le spatial dans ce domaine.
À noter toutefois que d’autres postes clefs n’ont pas encore été pourvus et que la rapidité avec laquelle les Administrateurs de la NASA et de la NOAA ont été nommés ne s’applique pas à l’ensemble des représentants de Départements et d’Agences compétents en matière spatiale. À titre d’exemple, l’administration tarde à désigner le Directeur de l’OSC du DoC. Cela peut vraisemblablement s’expliquer par les controverses et incertitudes qui demeurent au sujet du transfert de compétences depuis le DoD vers le DoC au sujet de la surveillance et de la gestion du trafic spatial civil et commercial.
2. Nominations au sein du Congrès
Suite aux élections de novembre 2020 ayant conduit non seulement à l’investiture du nouveau Président Joe Biden mais aussi au renouvellement de la totalité des élus de la Chambre des Représentants et d’une partie du Sénat (33 sièges sur 100), la composition et le contrôle du Congrès ont été modifiés. Le 117ème Congrès des États-Unis est désormais placé sous le contrôle total des Démocrates, ceux-ci détenant la majorité aussi bien au sein de la Chambre des Représentants qu’au sein du Sénat.
Ces élections (mais aussi quelques départs à la retraite) ont également eu pour effet de conduire au renouvellement de divers membres des Commissions et Sous-Commissions des 2 chambres et notamment au renouvellement de certains de leurs Présidents et Ranking Members (les plus anciens élus du parti minoritaire présents dans les Commissions ou Sous-Commissions). Les Commissions et Sous-Commissions du Sénat et de la Chambre des Représentants compétentes en matière spatiale n’ont pas fait exception. Si la plupart des personnalités nommées à la tête de celles-ci étaient déjà connues (les Présidents et Ranking Members ayant le plus souvent été simplement intervertis avec le changement de majorité), de nouveaux noms ont également ont fait leur apparition.
- Nominations notables au sein du Sénat
- Commission des Forces Armées : Jack Reed (D-RI) et Jim Inhofe (R-OK) sont respectivement Président et Ranking Member
- Sous-Commission des Forces Stratégiques (qui supervise les programmes spatiaux du Département de la Défense) : Angus King (Indépendant-ME) devient Président de la Sous-Commission. Le titre de Ranking Memberrevient à Deb Fischer (R-NE). À noter également parmi les membres de la Sous-Commission l’ancien astronaute de la NASA et pilote de l’S. Navy Mark Kelly (D-AZ)
- Commission Commerce-Science-Transports : Roger Wicker (R-MS) et Maria Cantwell (D-WA) intervertissent leur rôle. La seconde devient ainsi la première femme à diriger ladite Commission. Roger Wicker et Maria Cantwell avaient notamment introduit le projet de loi d’autorisation 2020 du Sénat pour la NASA, conjointement avec Ted Cruz (R-TX) et Kyrsten Sinema (D-AZ). En mai 2021, ils ont introduit un nouveau projet de loi d’autorisation (après l’extinction du projet de 2020 suite à la dissolution du 116ème Congrès)
- Sous-Commission Aviation-Espace (qui surpervise la NASA, les activités spatiales des Départements des Transports et du Commerce ainsi que le National Space Council) : Ted Cruz (R-TX) et Kyrsten Sinema (D-AZ) restent respectivement Président et Ranking Memberde la Sous-Commission
- Commissions des Appropriations : Patrick Leahy (D-VT) et Richard Shelby (R-AL) deviennent respectivement Président et Ranking Member de la Commission
- Sous-Commission Commerce-Justice-Science : Jeanne Shaheen (D-NH) et Jerry Moran (R-KS) sont respectivement Président et Ranking Memberde la Sous-Commission
- Sous-Commission Défense: cette Sous-Commission est l’une des rares à accueillir de nouvelles personnalités. John Tester (D-MT) devient Président, reprenant le titre de Richard Shelby (R-AL) qui devient désormais Ranking Member. Ce dernier est un fervent défenseur des activités spatiales civiles et militaires développées en Alabama. Il a toutefois annoncé qu’il ne concourrait pas à sa réélection en 2022
- Commission des Forces Armées : Jack Reed (D-RI) et Jim Inhofe (R-OK) sont respectivement Président et Ranking Member
- Nominations notables au sein de la Chambre des Représentants
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- Commission des Forces Armées: Adam Smith (D-WA) reste Président de la Commission. En revanche, suite au départ à la retraite de Mac Thornberry, le titre de Ranking Member est attribué à Mike Rogers (R-AL) qui avait notamment soutenu, avec Jim Cooper (D-TN), la création de l’U.S. Space Force (USSF)
- Sous-Commission des Forces Stratégiques : Jim Cooper (D-TN) est quant à lui devenu Président de la Sous-Commission. Le Ranking Member de celle-ci demeure Michael Turner (R-OH)
- Commission Science-Espace-Technologie : Eddie Bernice Johnson (D-TX) reste Présidente de la Commission et Frank Lucas (R-OK) reste Ranking Member. Ces derniers avaient introduit en 2020, dans le cadre d’un groupe partisan, le projet de loi d’autorisation de la NASA. Tout comme le projet du Sénat, celui-ci est devenu caduque avec la constitution du nouveau Congrès
- Sous-Commission Espace-Aéronautique : le Ranking Member reste Brian Babin (R-TX). En revanche, Don Beyer (D-VA) remplace Kendra Horn au poste de Président après la perte par cette dernière de son siège en Oklahoma. À noter que Don Beyer est représentant de Virginie, un État qui abrite notamment le Langley Research Center de la NASA, et deux spatioports (le Wallops Flight Facility de la NASA et la base privée Mid-Atlantic Regional Spaceport), ainsi que le Virginia Commercial Space Flight Authority
- Commission des Appropriations : Rosa DeLauro (D-CT) devient Présidente de la Commission et Kay Granger (R-TX) reste Ranking Member
- Sous-Commission Commerce-Justice-Science : suite au départ à la retraite de José Serrano, Matt Cartwright (D-PA) prend la tête de la Présidence de la Sous-Commission. Celui-ci s’était prononcé en faveur du programme Artemis, malgré ses réserves vis-à-vis de la politique de l’ancien Président Donald Trump. Robert Aderholt (R-AL) demeure Ranking Member
- Sous-Commission Défense : suite au départ à la retraite de Pete Visclosky, Betty McCollum (D-MN) devient Présidente de la Sous-Commission. Ken Calvert (R-CA) garde son titre de Ranking Member
- Commission des Forces Armées: Adam Smith (D-WA) reste Président de la Commission. En revanche, suite au départ à la retraite de Mac Thornberry, le titre de Ranking Member est attribué à Mike Rogers (R-AL) qui avait notamment soutenu, avec Jim Cooper (D-TN), la création de l’U.S. Space Force (USSF)
[1] Notamment les 7 Space Policy Directives (SPDs) et la nouvelle National Space Policy.
[2] Notamment via la SPD-2 (2018) qui vise à rationaliser la réglementation spatiale pour soutenir le développement du spatial commercial.