Un composé découvert chez une éponge de mer est capable de rendre sensibles aux antibiotiques des bactéries qui étaient devenues résistantes, selon une étude de Peter Moeller, présentée lors du Meeting annuel 2009 de l’American Association for the Advancement of Science (AAAS). Ce chercheur travaille dans le Laboratoire Marin Hollings de Charleston (Caroline du Sud), qui fait partie de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA).
Peter Moeller et son équipe ont étudié Agelas conifera, une éponge des récifs coralliens de la Mer des Caraïbes. Elle a la particularité de prospérer dans un environnement corallien en déclin, menacé par les bactéries, les toxines, le réchauffement climatique et les gaz à effet de serre. Dans le cadre de cette étude, son secret de survie a intéressé les chercheurs, car il est peut être la clef d’un nouveau traitement anti-bactérien.
Les chercheurs ont isolé à partir de cette éponge une molécule appelée ageliferine et ont étudié les propriétés antibactériennes de ce composé. En laboratoire, les fragments d’ageliferine ont permis de reprogrammer une bactérie résistante aux antibiotiques à devenir de nouveau sensible. Les tests sont efficaces sur des bactéries très résistantes, responsables de pathologies sévères (otite, coqueluche, septicémie, empoisonnement par la nourriture), ainsi que sur le staphylocoque doré et le bacille pyocyanique responsables de pathologies en milieu hospitalier [1].
Les effets de l’ageliferine sur les biofilms ont également été étudiés. Les biofilms sont des communautés de bactéries résistantes aux antibiotiques, et sont la cause de 60 à 80% de toutes les infections humaines, selon Peter Moeller. Les résultats montrent que les biofilms sont dissous quand ils sont traités par des fragments de la molécule ageliferine. De plus, ces fragments bloquent l’apparition de nouveaux biofilms. L’ageliferine est donc capable de reprogrammer les bactéries résistantes aux antibiotiques à ne pas former de biofilms.
Les scientifiques ont montré que le traitement est efficace à longue durée, car des bactéries traitées continuellement pendant trois mois, restent sensibles aux antibiotiques. Les bactéries s’adaptent constamment aux nouveaux antibiotiques, et développent des résistances. Au contraire, l’ageliferine n’est pas reconnue comme toxique par la bactérie, qui ne développe donc pas de mécanisme de résistance vis-à-vis de cette molécule. "Le potentiel de cette découverte est exceptionnel. Il révolutionne notre approche du traitement des infections", commente Carolyn Sotka de l’Initiative Océans et Santé Humaine de la NOAA, à Charleston.
Comme les composants de l’éponge ne sont pas toxiques, l’équipe de chercheurs travaille actuellement avec des compagnies qui fabriquent du matériel médical, pour incorporer ces éléments dans les matériaux plastiques utilisés dans les équipements comme par exemple les stents, et éliminer le risque d’infections bactériennes chez ces patients affaiblis.
Les chercheurs souhaitent associer ces composés aux antibiotiques qui ont perdu leur potentiel bactéricide et bactériostatique. La recherche dans cette direction n’en est qu’à ses débuts. Les chercheurs ne connaissent pas encore le mode de fonctionnement des composants dérivés de l’ageliferine. Il faudra donc attendre un peu avant de voir les premiers essais cliniques.
[1] La résistance aux antibiotiques des bactéries est un problème croissant dans les hôpitaux et une question de santé mondiale. La bactérie Staphylococcus aureus résistante à la méticilline (SARM) est l’une des souches multirésistantes les plus répandues en milieu hospitalier et est responsable de nombreuses infections nosocomiales. Les antibiotiques, comme les pénicillines sont inefficaces sur elle. On compte 19000 décès par an aux Etats-Unis, dus à des infections contractées à l’hôpital.
Source :
– "Sponge’s secret weapon restores antibiotics’ power; Bacteria treated with compound lose their resistance" – Sciencenews – Laura Sanders – 14/02/2009 – https://www.sciencenews.org/view/generic/id/40894
– "Sea sponge shows promise as superbug antidote" – Reuters UK – Julie Steenhuysen – 14/02/2009 – https://uk.reuters.com/article/rbssHealthcareNews/idUKN1310939420090214
– "Taking on killer infections" – The Post and Courier, Charleston.net – Bo Petersen – 14/02/2009 – https://www.charleston.net/news/2009/feb/14/taking_on_killer_infections71749/
Pour en savoir plus, contacts :
– Entrevue de Peter Moeller, du Laboratoire Marin Hollings de la NOAA – 13/02/2009 – Meeting annuel de l’AAAS – https://www.eurekalert.org/multimedia/pub/12399.php
– Site du Laboratoire Marin Hollings : https://www.hml.noaa.gov/
– Site de l’Initiative Océans et Santé Humaine "Oceans and Human Health Initiative" de la NOAA : https://www.eol.ucar.edu/projects/ohhi/
– Site de la "National Oceanic and Atmospheric Administration" (NOAA) : https://www.noaa.gov
– "Un extrait d’éponge marine présente un potentiel pour le traitement de la malaria cérébrale et du cancer" – BE Portugal numéro 39 (19/02/2009) – Céline Martins – Ambassade de France au Portugal / ADIT – https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/57849.htm
Code brève
ADIT : 57994
Rédacteur :
Alexandre Touvat ([email protected])