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Résumé
Secteur stratégique de haute technologie par excellence, le spatial a pendant longtemps été le domaine réservé de la puissance publique. Nous assistons toutefois, depuis une décennie, à l’émergence du phénomène « New Space », qui se traduit par la multiplication des acteurs commerciaux du spatial, la croissance des investissements privés dans ce secteur, ou encore l’apparition de nouvelles méthodes économiques et industrielles.
L’essor du New Space trouve ses origines aux Etats-Unis qui ont mis en place, depuis plus d’une décennie, une véritable stratégie industrielle portée par les pouvoirs publics tournée vers le développement de cet écosystème privé (dans l’optique notamment de diminuer les coûts globaux des programmes spatiaux). En effet, loin d’être le seul fait de l’incursion de nouveaux entrepreneurs et investisseurs privés, la croissance du New Space américain a été soutenue et continue de l’être fortement par la puissance publique, grâce à différents leviers : définition d’une stratégie spatiale et structuration d’une politique affirmée (mise en place du National Space Council, adoption de décrets présidentiels dédiés), investissements fléchés pour stimuler la R&D, transferts de technologies et de ressources humaines facilités, recours de plus en plus fréquent à des contrats de service plutôt que d’infrastructure, adoption d’un cadre réglementaire adapté.
L’application de ces différents mécanismes a permis à l’administration américaine de faire émerger de nouveaux marchés tout en offrant aux entreprises l’opportunité de démontrer leurs technologies, de gagner la confiance de nouveaux investisseurs ou clients, et, de ce fait, de devenir plus compétitives sur la scène internationale, voire de conquérir des marchés sur lesquels les Etats-Unis avaient encore du retard (comme celui des lanceurs).
Remarque préliminaire
L’objectif de cette note est d’analyser de façon factuelle les ingrédients et recettes ayant permis aux États-Unis de faire émerger, croître et pérenniser leur écosystème spatial privé. Cette analyse réalisée par le bureau spatial de l’Ambassade de France à Washington a vocation à nourrir les réflexions en cours en France et en Europe pour accompagner l’essor et la compétitivité de notre industrie spatiale foisonnante. La France et l’Europe disposent d’atouts majeurs pour construire et pérenniser un marché spatial robuste et compétitif : une expertise historique sur l’ensemble des segments du secteur spatial (lanceur, exploration robotique et habitée, observation, navigation, télécommunications,…), un vaste marché intérieur et relativement ouvert, un soutien institutionnel. Malgré ces atouts et des avancées certaines, plusieurs pistes restent à consolider. Sans suggérer de solutions a priori, et tout en considérant les différences structurelles et culturelles qui peuvent exister entre les États-Unis et l’Europe, il pourrait être intéressant de considérer certains éléments ayant contribué au succès du New Space américain comme l’affirmation d’une stratégie spatiale nationale, le recours croissant aux contrats de service, la mise en place de nouveaux modes d’acquisition, l’adoption d’une préférence nationale, ou encore la révision du cadre réglementaire.
1 Historique et contexte
1.1 L’avènement du New Space
Secteur stratégique de haute technologie par excellence, le spatial a pendant longtemps été le domaine réservé de la puissance publique. Jusqu’à récemment, le spatial était ainsi l’apanage de quelques nations développant principalement, via leurs agences spatiales, des programmes à visée militaire ou scientifique financés quasi-exclusivement sur fonds publics.
Les enjeux de souveraineté attachés à l’Espace, les coûts d’entrée des programmes et l’absence d’un réel marché commercial (à l’exception du développement commercial des télécommunications par satellites géostationnaires dans les années 70), ont effectivement tenu à distance les acteurs privés durant de nombreuses décennies, hormis une poignée d’industriels historiques présentant une taille critique (et souvent issus de la défense). Le rôle de ces acteurs privés restait toutefois limité à la fourniture d’infrastructures et équipements pour les agences publiques notamment dans les lanceurs et les satellites.
Le spatial assiste toutefois, depuis une décennie, à l’émergence d’un phénomène communément désigné sous l’appellation de « New Space » et qui bouleverse aujourd’hui cet état de fait à l’échelle globale. Il se matérialise par une croissance exponentielle du secteur commercial à la fois sur le segment upstream du spatial (les infrastructures comme les lanceurs, les satellites, etc.) et sur son segment downstream (l’utilisation des données spatiales et les applications). Le New Space est ainsi caractérisé par :
- Des nouveaux acteurs issus du secteur privé, ne provenant pas la plupart du temps du spatial traditionnel
- Des nouvelles technologies avec l’explosion du numérique, la miniaturisation, l’intelligence artificielle, le big data, le cloud computing,…
- Des nouveaux processus économiques et financiers (investissements privés, entrées en bourse,…)
- Des nouveaux processus industriels (architectures « cost driven», usines à satellite, production « à la chaine », réutilisation, fabrication additive…)
- De nouveaux « business models», souvent inspirés du monde des services et du numérique
- Des nouveaux services avec une extension du champ d’applicationdes technologies et des solutions basées sur les données spatiales (mobilité, santé, environnement,..)
1.2 Les facteurs d’émergence du New Space aux États-Unis
Le New Space semble trouver son origine aux États-Unis, grâce à la concordance de trois facteurs principaux :
- une volonté politique affirmée et un soutien concret des pouvoirs publics américains pour développer le secteur spatial commercial : si l’essor du spatial commercial s’explique en partie par des motifs technologiques et l’apparition de nouvelles méthodes issues du privé (voir infra), l’émergence et le développement de l’écosystème New Space aux États-Unis reste en grande majorité le résultat d’une stratégie et d’une politique industrielle novatrice entamée dès le milieu des années 2000. En redéfinissant les liens traditionnels entre les sphères publique et privée à travers de nouvelles politiques d’acquisition, l’évolution des contrats d’infrastructure vers des contrats de services, un soutien financier important (avec des prises de risques associées) et plus globalement un accompagnement des entreprises du spatial dans les principales étapes de leur développement, les institutions fédérales américaines (NASA et DoD en tête) ont ainsi permis le développement d’un marché institutionnel conséquent et l’éclosion d’un nouvel écosystème privé concurrentiel.
- des révolutions technologiques comme le numérique et la miniaturisation: celles-ci ont permis non seulement l’optimisation des masses mises en orbite (et donc la réduction des coûts dans le secteur spatial) avec l’émergence des smallsats, mais également l’arrivée à maturité de nouvelles applications basées sur les données spatiales (en observation de la Terre, navigation et télécommunications notamment). Le spatial devient pourvoyeur de données permettant non seulement aux acteurs étatiques de développer des applications au profit de leurs politiques publiques (par exemple en matière de transports, sécurité, environnement, santé…), mais également au secteur privé de développer de nouveaux services et business model.
- des acteurs privés porteurs de nouveaux modèles économiques et industriels: caractérisée historiquement par la production de pièces quasi-uniques, hautement sophistiquées et donc très onéreuses, l’industrie spatiale a été bouleversée par l’arrivée de nouveaux acteurs (SpaceX, Blue Origin, OneWeb,…) et l’introduction de nouvelles méthodes : rationalisation des chaînes de production, production en masse, réutilisation, etc. Ces méthodes ont permis un abaissement significatif des coûts de production apportant de nouvelles perspectives commerciales. Cette diminution a été particulièrement perceptible dans le domaine des lanceurs avec l’émergence des lanceurs réutilisables, des micro-lanceurs (eux-mêmes renforcés par la miniaturisation des charges utiles) ou encore le développement des vols rideshare (« co-voiturage » de l’Espace).
Ces facteurs, loin d’être indépendants les uns des autres, fonctionnent ensemble et permettent de créer une boucle vertueuse. En effet, l’apparition de nouveaux acteurs (grâce notamment au soutien du secteur public) permet de faire jouer la concurrence, induisant une forte réduction des coûts des infrastructures et de l’accès à l’Espace (favorisée également par la transformation numérique et la miniaturisation). Cette réduction des coûts favorise alors l’entrée de nouveaux acteurs, bouclant la boucle du cercle vertueux.
1.3 L’essor du New Space, une croissance forte et continue
Bien que l’analyse quantitative du phénomène New Space demeure un exercice difficile, quelques études nous permettent de dresser des grandes tendances.
Parmi les métriques les plus pertinentes, figure par exemple la croissance du nombre d’entreprises du domaine spatial. Les méthodes utilisées par les cabinets de conseil divergent mais illustrent globalement un paysage spatial caractérisé par un nombre foisonnant d’acteurs, bien loin des premiers âges du spatial où n’étaient impliqués que quelques industriels de premier plan. Elles illustrent également l’attractivité et le dynamisme des États-Unis avec un écart de facteur supérieur à 10 entre le nombre d’entreprises installées aux États-Unis et celles installées en France et en Allemagne :
- Dans une étude commanditée par le https://fscience-old.originis.fr/wp-content/uploads/2023/06/GLOC_Oslo_Norway_S2_27juillet2022_web-2-1.jpg en 2021, le cabinet de conseil français ALCIMED a recensé 330 entreprises du New Space aux États-Unis en 2021 contre respectivement 31 et 23 pour la France et l’Allemagne[1].
- Le cabinet Spacetech Analytics avait quant à lui dénombré plus de 12 000 « Space Tech Companies» dans le monde en 2021.[2] Les États-Unis représentaient 56,4 % de cet écosystème en 2021 (6 477 entreprises) arrivant ainsi en première position, avant le Royaume-Uni (742), le Canada (609), la Chine (535), l’Allemagne (465), l’Inde (412) et la France (365).
Le dynamisme économique généré par l’industrie spatiale est également un marqueur intéressant de l’essor du New Space. Selon le dernier rapport du Bureau of Economic Analysis du Département du Commerce, l’industrie spatiale américaine soutiendrait environ 354 000 emplois aux États-Unis et aurait été à l’origine d’une production brute de 156 Md$ en 2019. Au-delà des États-Unis, l’essor de l’économie spatiale semble bien emmanché, Morgan Stansley estimant par exemple que l’industrie spatiale globale pourrait générer au-delà de 1 000 milliards de dollars d’ici 2040 (voire 2030 selon Bank of America).
L’évolution du nombre de satellites en orbite est également une donnée parlante. Selon un rapport du cabinet de conseil Euroconsult, 3 816 satellites auraient été lancés entre 2011 et 2020, et plus de 17 000 satellites devraient l’être entre 2021 et 2031 à raison de 1 700 par an. Le secteur est effectivement marqué non seulement par l’augmentation du nombre de pays détenant des satellites en orbite (autour de 80 contre 6 en 1965), mais aussi par le développement des méga-constellations de satellites privées. Celles-ci devraient d’ailleurs compter, selon Euroconsult, pour 46 % de la masse lancée en orbite entre 2021 et 2031 (contre 14 % entre 2011 et 2020). A elle seule, l’entreprise SpaceX compte déjà plus de 2 000 satellites en orbite pour sa méga-constellation Starlink (qui devrait atteindre 12 000 satellites en totalité selon les termes de sa licence FCC). SpaceX n’est pas la seule entreprise à s’être positionnée sur le segment des constellations. Rien qu’aux États-Unis, on recense autour d’une centaine de projets de constellations privées, à des stades plus ou moins avancés de leur développement et couvrant un vaste champ d’applications (télécommunications haut débit, IoT, imagerie optique et radar, météorologie, etc.).
Dans un contexte de globalisation du secteur spatial, les bouleversements engendrés par l’essor du New Space ont un impact sur le marché mondial. Il importe donc que les acteurs français – et plus globalement européens – du domaine puissent s’insérer et pérenniser leurs activités dans ce nouvel écosystème.
2 Le rôle majeur du secteur public américain
“Be on the market as anchor customer, buying services”
Dans les années 1960, boosté par la course à l’Espace avec l’Union soviétique, la part du budget spatial et notamment de la NASA culminait à plus de 4% du budget fédéral américain. Avec l’arrêt du programme Apollo en 1972 puis la fin de la guerre froide suite à la chute du bloc soviétique au tout début des années 1990, les budgets publics américains accordés à l’Espace n’ont cessé de baisser pour se stabiliser autour de 0,5 % du budget fédéral total à partir de 2011 avec la fin du programme de la navette spatiale. Dans ce contexte, l’administration américaine a perçu la nécessité de constituer une nouvelle industrie spatiale sur son sol dès le début des années 2000 afin, non seulement de diminuer les coûts, mais également de conserver son leadership dans le domaine spatial.
Cette nouvelle industrie lui permet effectivement de stimuler la croissance, les emplois et l’innovation, mais représente également une arme de guerre économique capable de capter, par leur compétitivité, différents marchés gouvernementaux et commerciaux où les États-Unis n’étaient, jusqu’alors, pas en position hégémonique. On pensera par exemple au domaine des lanceurs dans lequel des pays comme la Russie et l’Europe ont longtemps tenu une position de leaders mondiaux.
En s’appuyant sur ses agences fédérales, l’administration américaine a ainsi mis en place à partir du milieu des années 2000 une véritable politique industrielle dans le secteur spatial. Celle-ci a permis la constitution et le soutien d’un marché du spatial durable et pérenne qui offre au secteur privé des perspectives commerciales (business models) indispensables pour attirer les investisseurs privés. Cette politique industrielle repose sur :
- La définition d’une stratégie et d’un cadre politique assumés au service de l’émergence de nouveaux acteurs et du développement d’un réel marché commercial.
- Des engagements financiers conséquents et des prises de risques des institutions (le plus emblématique restant sans conteste les contrats de la NASA à SpaceX dès 2008) soutenant les nouveaux acteurs porteurs de nouveaux modèles industriels et de ruptures technologiques
- L’évolution des liens traditionnels entre les sphères publique et privée au travers de nouvelles politiques d’acquisitions favorisant la concurrence (et donc l’innovation et la baisse des coûts) tout en offrant de réelles perspectives commerciales :
- Evolution des contrats d’infrastructure vers des contrats de services autant dans l’upstream que le downstream (achat de données). Cette approche apporte aux entreprises une visibilité de marché et renforce la confiance des investisseurs privés, permettant de traverser le fameux « Canyon de la mort » entre les phases de développement et la rentabilité commerciale des entreprises
- Processus d’acquisition mettant en concurrence plusieurs fournisseurs sur des phases de développements préliminaires de quelques mois (à l’inverse d’un processus d’appel d’offres plus long aboutissant à un « champion » ayant le monopole dès le début du programme)
- La constitution d’un cadre favorable au développement des entreprises du spatial grâce :
- A la définition d’un cadre juridique à la fois sécurisant et souple
- A l’émergence de bassins industriels dynamiques et attractifs pour les entreprises
La puissance publique américaine joue donc un rôle majeur dans l’éclosion et le développement du New Space.
2.1 Une stratégie et une politique spatiales nationales affirmées et structurées
En dépit de la présence de nouveaux acteurs privés, c’est encore aujourd’hui à la puissance publique que revient la responsabilité de définir les priorités à venir du secteur spatial. Certains industriels et investisseurs estiment d’ailleurs qu’une administration ambitieuse constitue l’une des clefs de voûte du développement de nouvelles activités spatiales commerciales. Ceux-ci voient effectivement dans la définition d’une stratégie publique claire et durable des perspectives de marché à investir.
2.1.1 La National Space Policy américaine
Les États-Unis ont relativement bien perçu le rôle de l’administration sur ce point et s’attachent, depuis longtemps, à fixer une feuille de route au secteur spatial prenant la forme d’une Politique Spatiale Nationale. Ce texte est publié depuis plusieurs décennies par chaque Président en début ou fin de mandat afin de définir les grands engagements et orientations de la politique spatiale américaine. La National Space Policy avait été mise à jour et publiée le 9 décembre 2020 par l’Administration Trump à la fin de son mandat. Si l’Administration Biden n’a pas encore indiqué travailler sur une mise à jour, elle a cependant publié son « United States Space Priorities Framework » le 1er décembre 2021, reprenant les grands axes de la stratégie spatiale de l’Exécutif.
2.1.2 Le National Space Council et les Space Policy Directives
Réinstauré par Donald Trump dès le début de son mandat en 2017, le National Space Council (NSpC) est un organe de dialogue inter-agences ayant pour objectif de définir et coordonner la politique spatiale américaine.
Véritable « ministère de l’Espace » présidé directement par le Vice-Président des États-Unis (Mike Pence jusqu’à fin 2020, et Kamala Harris désormais) et réunissant la plupart des responsables des Départements fédéraux, cet organe de l’Exécutif a permis au cours des cinq dernières années d’insuffler une politique spatiale claire et structurée aux États-Unis, entrainant dans son sillage les politiques spatiales des autres nations.
Les travaux de ce conseil ont notamment conduit à l’adoption de 7 décrets présidentiels majeurs, les Space Policy Directives (SDP) ayant contribué à fixer les priorités et objectifs de l’administration en matière spatiale :
- SPD-1 (2017) : Lancement du programme Artemis avec retour des astronautes sur la Lune
- SPD-2 (2018) : Simplification de la réglementation relative aux activités spatiales commerciales pour faciliter l’éclosion sur secteur privé
- SPD-3 (2018) : Surveillance et gestion du trafic spatial civil et commercial
- SPD-4 (2019) : Mise en place de l’S. Space Force (USSF)
- SPD-5 (2020) : Cyber-sécurité des systèmes spatiaux
- SPD-6 (2020) : Utilisation de l’énergie nucléaire dans l’Espace
- SPD-7 (2021) : Systèmes de positionnement, de navigation et de synchronisation
Sous l’autorité hiérarchique du Vice-Président des États-Unis, ces priorités ont pu être dérivées de façon cohérente, unanime et transverse dans tous Départements fédéraux impliqués de près ou de loin dans les affaires spatiales (Départements de la Défense, du Commerce, de l’Energie, du Renseignement, du Transport, et bien sûr la NASA). Ces décrets ont très largement structuré le paysage spatial américain sur les dernières années, permettant à de nombreuses entreprises de profiter de nouvelles opportunités pour soutenir les ambitions de l’administration.
Les avancées qui ont été rendues possibles grâce au NSpC ont incité l’administration de Joe Biden à conserver cette structure de dialogue (un souhait formulé par la plupart des industriels américains au changement d’administration). C’est donc désormais la Vice-Présidente Kamala Harris qui préside le NSpC dont la première réunion a lieu le 1er décembre 2021. A cette occasion, la VP Harris a La VP a fixé trois priorités : élaboration de normes de comportement, renforcement de la place du spatial dans la lutte contre le changement climatique et développement de la formation dans les STEM.
2.1.3 Un contexte géopolitique favorable à un soutien politique bipartisan
Secteur éminemment stratégique, le domaine spatial fait naturellement partie des domaines bipartisans aux États-Unis. C’est ainsi que la plupart des documents stratégiques comme la National Space Policy sont globalement des textes stables au sein desquels on ne constate que rarement des ruptures radicales entre administration.
Par ailleurs, le contexte actuel marqué par une rivalité accrue avec la Chine et la Russie conforte les deux principaux partis politiques américains à s’accorder sur la plupart des objectifs à atteindre en matière spatiale. C’est ainsi que l’administration Biden a globalement poursuivi la plupart des grands projets et mesures adoptés sous l’administration Trump.
L’administration Biden a ainsi repris le programme Artemis (bien que la date d’alunissage ait été repoussée à 2025) et conservé l’U.S. Space Force (USSF), deux piliers phares de la politique spatiale de Donald Trump. Le soutien à l’écosystème commercial, perçu comme un élément moteur de la compétitivité et de l’hégémonie spatiale américaine sur une scène spatiale internationale de plus en plus concurrentielle, est également un axe de rapprochement entre les deux administrations. Plus globalement, les SPDs n’ont pas été remises en cause par la nouvelle administration qui malgré la mise en avant de nouvelles priorités (comme la lutte contre le changement climatique), a conservé les orientations émises sous le mandat précédent.
La définition de ces stratégies bipartisanes représente donc un gage de stabilité pour les entreprises qui peuvent alors adosser leurs activités à des programmes publics durables. Notons par ailleurs que la SPD-2 a été rédigée spécifiquement dans le but de faciliter le développement du secteur privé via une simplification des contraintes réglementaires et des processus administratifs.
2.2 Des investissements publics américains conséquents
Malgré une réduction croissante des coûts, le spatial demeure un secteur de haute technologie nécessitant un capital d’entrée relativement important. Si le volume et la diversité des investissements privés croissent depuis quelques années (cf. chapitre 3.2), la principale source de financements du secteur spatial américain demeure la puissance publique. Ainsi en 2021, 90% du budget spatial américain provenait du financement fédéral voté par le Congrès.
2.2.1 Les budgets fédéraux alloués au spatial
Avec un budget d’environ 55 Md$ sur l’année 2021, les États-Unis représentent près de 60 % du budget spatial mondial, loin devant la Chine (10,2 Md$), le Japon (4,2 Md$), la France (4 Md$) ou encore la Russie (3,6 Md$) selon chiffres estimés par le cabinet Euroconsult. Washington demeure donc, à l’échelle internationale, la première puissance spatiale sur le plan financier.
A l’échelle nationale, la période post-Guerre Froide avait eu pour effet de contraindre les budgets spatiaux et leur part dans le budget fédéral américain. On assiste toutefois actuellement à des augmentations progressives des budgets octroyés aux institutions compétentes dans ce domaine.
2.2.1.1 Budget FY2022 de la NASA
En 2022, la NASA a obtenu un budget de 24,04 Md$, soit son budget le plus haut depuis 1991 et la chute de l’URSS. L’ensemble des activités de la NASA en sciences (7,6 Md$ soit +4,3 % par rapport à 2021), en exploration (6,8 Md$ soit +3,6 % par rapport à 2021), en technologies spatiales (1,1 Md$ soit un budget identique à 2021) ou encore en orbite basse (4 Md$ soit +1,3 % par rapport à 2021) sont en augmentation par rapport à 2021, traduisant un réel appui de la part du Congrès.
Celui-ci a particulièrement soutenu l’exploration, qu’elle soit robotique ou habitée, en orbite basse ou au-delà, avec un budget record pour les sciences planétaires. Le Congrès accorde également pour la première fois les fonds demandés pour les alunisseurs du programme Artemis et pour le développement des stations commerciales post-ISS.
2.2.1.2 Budget FY2022 de l’USSF
En 2022, l’USSF a reçu un budget d’environ 18 Md$, le plus important depuis son instauration en 2019 et une augmentation exceptionnelle de 17% par rapport à 2021 (ainsi qu’une augmentation de 600 M$ par rapport à la requête budgétaire présidentielle). Cette augmentation permettra notamment à l’USSF de soutenir le recours aux petits lanceurs, développer un nouveau satellite GPS et de poursuivre le développement d’une nouvelle architecture de détection de missiles.
2.2.1.3 Budget FY2022 du NESDIS
Le NESDIS, branche spatiale de la NOAA, a quant à lui reçu un budget de 1,62 Md$ soit une hausse de 6,8% par rapport au budget 2021 (qui s’établissait à 1,51 Md$). Ce budget en augmentation devrait permettre au NESDIS de financer le renouvellement de ses capacités spatiales en météorologie atmosphérique et spatiale. Le Congrès a également attribué 16 M$ à l’Office of Space Commerce (OSC) du NESDIS en charge du volet civil de la connaissance de l’environnement spatial depuis la publication de la SPD-3 en 2018. Ce budget en nette augmentation (+ 60% par rapport à la requête présidentielle et au budget 2021) doit permettre à l’OSC de développer son système de suivi de satellites et d’alerte en cas de risque de collision.
2.2.2 Des investissements importants en R&D à destination du secteur privé
Les fonds reçus par les administrations spatiales américaines sont en partie réinjectés dans l’industrie américaine (80% du budget de la NASA selon l’Administration), le plus souvent sous la forme de contrats « d’infrastructures » (par lesquels l’administration commande à l’industrie des équipements dont elle acquière la propriété) ou « de services » (de plus en plus fréquents et par lesquels l’administration loue des services à des industriels sans posséder ses propres infrastructures).
Au-delà de ces contrats, qui seront détaillés dans la partie suivante, l’administration fédérale soutient également le développement de ses entreprises par le biais d’investissements prenant différentes formes : programmes de financement de recherche et développement ou investissements au capital de certaines entreprises.
2.2.2.1 Programmes de R&D SBIR et STTR
Les programmes de recherche et développement Small Business Innovate Reasearch (SBIR) et Small Business Technology Transfer (STTR) ont pour objectif de financer la recherche et le développement des jeunes pousses américaines prometteuses et répondant aux besoins de R&D du gouvernement. Ces programmes sont fondés sur un système de concours en plusieurs phases où les entreprises sont en concurrence pour l’obtention de financements publics avant de commercialiser leurs produits/services sur le marché.
La principale différence entre les programmes SBIR et STTR réside dans la nécessité pour les entreprises engagées dans le processus STTR de collaborer avec des instituts de recherche durant les premières phases de la compétition.
Plusieurs administrations engagées sur les problématiques spatiales participent à ces programmes, comme la NASA ou encore le Département de la Défense.
2.2.2.2 Programmes d’accélérateurs des agences fédérales
À l’échelle fédérale, l’administration déploie également d’importants efforts pour soutenir la croissance de nouvelles entreprises du spatial : mise en place d’accélérateurs de projets, mise à disposition d’infrastructures, ou encore transferts de technologies ou de personnel.
Diverses administrations spatiales ont mis en place des programmes d’accélération de projets ou d’entreprises. C’est le cas par exemple de :
- USSF/USAF
- Catalyst Accelerator: programme d’accélération de trois mois en semi-présidentiel ayant pour objectif d’offrir aux startups sélectionnées un environnement de travail collaboratif et un moyen d’entrer en contact avec de potentiels acheteurs publics
- Soft Landing program: programme qui tend à offrir aux entreprises sélectionnées un cadre de travail optimal pour leur permettre de développer leurs idées et d’entrer en contact avec le gouvernement fédéral
- JPL
- JPL Innovation Foundry: programme qui rassemble des experts internes et externes au JPL pour faire mûrir des missions depuis leur conception jusqu’à leur lancement
- NASA
- iTech Program: programme par lequel la NASA promeut auprès de potentiels partenaires et investisseurs des entreprises prometteuses sur lesquelles elle souhaiterait capitaliser pour servir ses propres missions
- NASA Startup Studio: d’une durée de 8 semaines, ce programme offre aux entrepreneurs la possibilité d’imaginer de nouvelles solutions commerciales autour de technologies développées par la NASA et prêtes à être commercialisées
2.2.2.3 Transferts de technologies et de ressources humaines
Notons que la NASA favorise également le transfert de technologies à destination du secteur privé à travers le programme Tech Transfer Program de sa Direction dédiée aux technologies spatiales. Au terme de ce programme, la NASA attribue au secteur privé différents types de licences qui permettent aux entreprises de choisir parmi un portefeuille de plus de 1 200 technologies brevetées par la NASA.
Plusieurs entreprises majeures du New Space ont bénéficié de transferts de technologies de la NASA. C’est le cas de SpaceX qui avait récupéré les données produites dans le cadre du programme Delta Clipper Experimental mené conjointement par la NASA et le DoD pour étudier le développement de lanceurs réutilisables s’appuyant sur la méthode du toss back (utilisée par SpaceX). De même, les moteurs Merlin qui équipent le lanceur Falcon 9 sont dérivés du moteur Fastrac. Développé dans le cadre du programme Low Cost Booster Technology, celui-ci consistait en un démonstrateur de moteur pour lanceur réutilisable qui devait être testé sur l’avion X43 mais dont le développement a été suspendu en 2001.
Au-delà des transferts de technologies, on note également aux États-Unis une certaine fluidité des mouvements entre le secteur privé et le secteur public, permettant aux deux sphères de mieux partager leur vision, leurs objectifs et leurs méthodes. C’est le cas dans le spatial, où on constate des transferts réguliers de personnel entre les acteurs publics et privés. De tels transferts ne sont pas uniquement bénéfiques d’un point de vue du partage du savoir, mais également pour permettre à la société de mieux adapter ses solutions aux besoins du secteur public dans le cadre d’appels d’offres. Par exemple, SpaceX avait recruté en février 2020 Bill Gersteinmaier, ancien Administrateur de la NASA. Ses connaissances de l’Agence ont sûrement permis à la société de mieux comprendre les besoins de la NASA dans le cadre du contrat HLS.
2.2.3 Quelques prises de participation au capital
Bien que rares, certaines administrations fédérales investissent directement dans le capital d’entreprises américaines du spatial.
Dans le domaine du renseignement, la CIA a fondé en 1999 le venture capital In-Q-Tel (IQT) afin de financer, sur fonds publics, des entreprises développant des solutions utiles à la communauté du renseignement américain. Parmi ces sociétés, IQT finance notamment 14 entreprises du spatial dont Swarm Technologies, Rocket Lab, ou encore Capella Space. Le fonds a d’ailleurs été identifié par le cabinet Bryce Space and Technology comme l’un des ventures capitaux les plus actifs dans le spatial sur les années 2000 et 2020.
De son côté la NASA, avait tenté en 2006 de se doter d’un venture capital similaire à celui de la CIA. Baptisé Red Planet Capital (RPC), ce venture capital devait recevoir initialement 75 M$ de la NASA sur 5 ans. Il n’a toutefois réalisé qu’un seul investissement, l’Office of Management and Budget (OMB) ayant décidé en 2007 de cesser le versement de fonds.
À noter que la création de ce fonds avait été décidée sous la direction de l’ancien Administrateur de la NASA, Michael Griffin, qui avait précédemment été Président et Chef des opérations d’IQT.
À noter enfin que la NASA tout comme l’USSF cherchent actuellement à se rapprocher des fonds d’investissements afin de comprendre la façon dont ils analysent le potentiel des jeunes entreprises dans lesquelles ils investissent. En 2020, l’Office of the Chief Technologist de la NASA a ainsi conduit une étude au sujet des sociétés de capital-risque afin de 1) comprendre leurs méthodes et 2) tirer parti de leurs investissements pour faire mûrir des technologies utiles à ses besoins.
De son côté, l’USSF a signé en octobre 2021, par l’intermédiaire de la SpaceWERX (organe de l’USSF chargé de mettre l’innovation du secteur privé à profit de ses activités), un accord de coopération avec la société de capital-risque Embedded Ventures afin de mieux appréhender la façon dont elle évalue le potentiel des sociétés du New Space.
2.3 Un marché institutionnel structurant
Le soutien de l’administration à l’écosystème spatial passe avant tout par l’attribution de contrats. Le modèle adopté par l’administration américaine (commande publique fiable et ouverte à la prise risque de risque, politique protectionniste, recours croissant aux contrats de services, mise en concurrence) permet aux sociétés naissantes d’éprouver leurs solutions avant de se tourner vers une clientèle commerciale. Si la robustesse de l’ensemble de ces nouveaux entrants et de leur business model n’a pas encore été démontrée, la montée en puissance de diverses entreprises du New Space américain tend à légitimer la pertinence de cette approche.
2.3.1 Une commande publique fiable et ouverte à la prise de risques
Les gouvernements ont toujours été au centre de l’écosystème spatial, à travers une commande publique régulière tout au long de la vie des entreprises. Encore aujourd’hui, la commande publique est essentielle au développement du New Space. L’association européenne ASD Eurospace estime que sur l’année 2020, 80 % des satellites acquis l’étaient pour le compte de programmes gouvernementaux. Et pour cause, la puissance publique constitue un client et un débiteur fiable (besoins et ressources pérennes).
Les États-Unis ont parfaitement perçu les bénéfices partagés d’une relation étroite entre le secteur privé et le secteur public dans le domaine du spatial :
- Les nouveaux acteurs du New Space ont intérêt à se rapprocher de la puissance publique pour bénéficier d’une clientèle et d’un business model stables leur permettant de faire mûrir leurs technologies avant de toucher d’autres clients.
- Les acteurs gouvernementaux, le plus souvent contraints par des logiques de restrictions budgétaires, ont intérêt à se rapprocher des acteurs du New Space pour bénéficier de prix attractifs et faire jouer la concurrence.
Aussi, dès la fin de la décennie 2000 et à plus forte raison au cours de la décennie 2010, les agences et départements fédéraux des États-Unis ont identifié de jeunes pousses prometteuses à qui ils ont attribué des contrats ayant incontestablement contribué à leur essor. En misant parfois sur de très jeunes sociétés, l’administration américaine a su faire preuve de prises de risques importantes qui se sont toutefois révélées positives sur le long terme. L’exemple le plus parlant de ce contrat est probablement le soutien accordé par la NASA à la société SpaceX.
Fondée en 2002 par le milliardaire Elon Musk, la société SpaceX n’est pas immédiatement devenue le mastodonte de l’industrie spatiale qu’elle est aujourd’hui. Les débuts de SpaceX ont au contraire été marqués par plusieurs années d’incertitude et parfois d’échecs. L’entreprise a toutefois été largement soutenue par la puissance publique qui semble ainsi avoir parié sur le succès de SpaceX. En 2006, alors que SpaceX n’a encore réalisé aucun lancement, l’entreprise reçoit son premier contrat de la NASA, le contrat COTS (Commercial Orbital Transportation Services) de démonstration de technologies de transport d’astronautes et de marchandises vers la Station spatiale internationale (ISS). Après plusieurs échecs de lancement ayant presque eu raison de la survie de l’entreprise, SpaceX réalise le premier vol de son lanceur Falcon 9 en septembre 2008. Peu de temps après, elle se voit accorder un contrat Commercial Resupply Services (CRS) de près de 3 Md$ pour plusieurs missions de ravitaillement de l’ISS, et échappe ainsi à la faillite. La proximité entre la NASA et SpaceX ne s’est depuis lors pas tarie, la société étant désormais engagée dans plusieurs contrats de service au bénéfice de divers programmes comme l’ISS ou encore Artemis (cf. chapitre 2.3.3). SpaceX bénéficie, outre du soutien de la NASA, de celui d’autres administrations comme le Département de la Défense. Celui-ci s’est entre autres engagé à lui confier 40% des lancements de sécurité nationale entre 2022 et 2027.
Au-delà de la relation historique entre la NASA et SpaceX, de nombreux exemples récents viennent soutenir l’idée d’un rapprochement toujours plus étroit avec le secteur privé. Celui-ci est d’ailleurs aussi bien promu par le Congrès que par l’Exécutif qui mettent en avant les bénéfices des innovations du secteur privé au profit de programmes publics.
2.3.2 Une politique de préférence nationale assumée
Le marché offert par la puissance publique à ses entreprises spatiales est d’autant plus solide qu’il se caractérise par une véritable politique de préférence nationale. Loin d’être née sous la seule administration de Donald Trump, la politique protectionniste portée par les États-Unis existe depuis de nombreuses décennies.
Elle s’articule notamment autour du Buy American Act (BAA) adopté dès 1933 et qui restreint l’achat, par l’administration fédérale, de produits finis étrangers (ce texte ne s’applique pas aux services). Les règles du BAA impliquent, pour l’ensemble des contrats fédéraux, une exigence d’approvisionnement en produits américains qui, s’ils sont manufacturés, doivent contenir au moins 55% de contenu domestique (en valeur).
Toutefois, les contrats publics fédéraux peuvent être exemptés des exigences liées au BAA lorsque :
- l’application des exigences de contenu local est incompatible avec l’intérêt public
- les quantités ou la qualité requises des types de certains matériaux (fer, acier, aluminium, produits manufacturés et matériaux de construction) ne sont pas disponibles sur le marché américain
- ou le coût final du projet entraîne un surcoût de 25% ou plus en raison de l’utilisation de produits américains
Le Trade Agreements Act de 1979 (TAA) a clarifié les exemptions possibles (« eligible products ») et les pays concernés par ces exemptions (« designated countries »), permettant de considérer les offres étrangères concernées au même titre que celles issues de biens produits sur le sol américain. En matière aéronautique et spatiale, cette exemption est régulièrement utilisée.L’administration Biden a engagé mi 2021 une réflexion visant, d’une part, à renforcer les règles d’application des dérogations et leur contrôle à travers un bureau dédié (Made In America office), et d’autre part à rehausser progressivement la part de contenu domestique requise pour les marchés publics jusqu’à 75% à horizon 2029.
Considéré comme stratégique, le secteur spatial est soumis à des réglementations supplémentaires adoptées par le Congrès pour renforcer le tissu industriel américain et favoriser l’autonomie stratégique des États-Unis sur certains savoir-faire critiques.
L’amendement dit « Berry » (USC, Title 10, Section 2533a) impose entre autres au Département de la Défense de s’approvisionner en métaux spéciaux produits ou fondus aux États-Unis ou bien dans des « qualifying countries ». Cette disposition s’applique tout particulièrement aux aéronefs, système d’armes ou systèmes spatiaux achetés par le Département de la Défense.
D’autres dispositions plus ponctuelles et spécifiques sont parfois adoptées. A titre d’exemple, le National Defense Authorization Act (NDAA) 2021 comprenait des dispositions spécifiques visant à imposer au Département de la Défense de recourir seulement à des senseurs d’étoiles produits aux États-Unis.
En privilégiant le recours à leur industrie nationale, les États-Unis contribuent donc à l’émergence d’un véritable écosystème commercial pérenne pouvant s’appuyer sur une commande publique large et fiable.
2.3.3 Le modèle « gagnant-gagnant » des contrats de services
La tendance actuelle au sein de l’administration américaine est à la conclusion de contrats de service. À la différence des contrats ordinaires par lesquels l’administration commande au secteur privé des produits/infrastructures dont elle conservera la propriété, les contrats de service permettent à l’administration, comme leur nom l’indique, de bénéficier de prestations de la part des industriels.
Le recours à ces contrats semble suivre une logique « gagnant-gagnant » puisqu’ils permettent à la puissance publique de :
- Réaliser des économies en louant de simples services (et donc de se décharger des frais de maintien en conditions opérationnelles traditionnellement liés à la possession de ses propres infrastructures)
- Concentrer ses investissements sur de nouveaux objectifs, sur des segments d’activité aux retombées économiques plus incertaines (programme d’exploration lunaire, martienne et lointaine par exemple)
- Stimuler l’emploi sur le territoire américain et ainsi bénéficier du soutien des membres du Congrès dont l’un des intérêts premiers demeure la compétitivité et la croissance de leur circonscription
Du côté des acteurs privés, ces contrats sont gage de de stabilité, crédibilité et de flexibilité dans la poursuite de leurs activités :
- Stabilité : les contrats de services sont l’assurance d’activités de moyen ou long terme, dans la mesure où l’administration, une fois dénuée de capacités propres, a besoin de celles de ses partenaires privés pour honorer ses obligations de service public et remplir les objectifs qui lui ont été fixés par le gouvernement. De plus, ces contrats de service permettent aux acteurs privés qui en bénéficient de construire de véritables business models, gages d’attractivité pour les investisseurs privés (ce que ne permettent pas les subventions accordées pour du développement technologique).
- Crédibilité : les contrats de services offrent aux entreprises l’opportunité de faire la démonstration de leurs solutions et donc de gagner la confiance des investisseurs comme de potentiels clients. Ils permettraient en particulier aux jeunes entreprises faciliter le passage de la « vallée de la mort » pour atteindre le stade de la commercialisation.
- Flexibilité : les contrats de services sont traditionnellement fondés sur une approche dite « par performance » à travers laquelle l’administration fixe des objectifs et laisse à ses partenaires privés les moyens de leur accomplissement. Par ailleurs, l’administration peut laisser parfois la possibilité aux acteurs privés de vendre ces services à des tiers.
Les bénéfices des contrats de services ont ainsi été perçus aussi bien par la NASA que par le Département de la Défense.
De son côté, la NASA a recours depuis longtemps aux contrats de service. Dès 2006, l’Agence lançait ses programmes de commercialisation des services de transport d’astronautes et de cargo vers l’ISS : Commercial Orbital Transportation Services (COTS), Commercial Resupply Services (CRS) et Commercial Crew Program (CCP). En matière de cargo, ce sont Northrop Grumman et SpaceX qui se partagent aujourd’hui les contrats de la NASA. En matière de vols habités, seule SpaceX est à ce jour en mesure de transporter les astronautes de la NASA vers l’ISS. Boeing, qui a aussi été sélectionnée pour le CCP, a réussi, en mai 2022, le second vol test sans équipage de sa capsule Starliner (le premier ayant échoué en décembre 2019).
Face au succès de sa stratégie de commercialisation en LEO (qui lui a notamment permis de retrouver l’indépendance perdue suite à la fin du programme de la navette spatiale), la NASA a choisi de recourir à des contrats de services dans un nombre croissant de programmes d’exploration habitée ces dernières années :
- Human Landing System (HLS) et Sustaining Lunar Development : la NASA souhaite être cliente de sociétés privées pour assurer l’alunissage des astronautes qui seront embarqués dans ses missions d’exploration lunaire Artemis. Dans le cadre de ces programmes, la NASA ne fixe que des exigences de haut niveau et laisse aux acteurs privés une large marge de manœuvre dans les solutions d’alunissage proposées. Pour l’heure, SpaceX a remporté le contrat HLS lui permettant d’assurer l’alunissage d’Artemis 3. Après de nombreuses revendications formulées en ce sens par les industriels et par les élus du Congrès, la NASA a annoncé vouloir sélectionner d’autres fournisseurs d’alunissage dans le cadre du contrat Sustaining Lunar Development.
- Commercial Lunar Payload Services (CLPS) : ce programme a pour but de permettre à la NASA de sous-traiter à des entreprises privées la livraison de ses charges utiles sur la surface lunaire. À ce jour, la NASA a attribué six contrats d’alunissage à quatre sociétés différentes : Astrobotic, Intuitive Machines, Masten Space Systems et Firefly Aerospace.
- Combinaisons spatiales: en juin 2022, la NASA a attribué aux sociétés Axiom Space et Collins Aerospace des contrats pour louer des combinaisons spatiales qui seront utilisées par des astronautes aussi bien sur l’ISS que dans le cadre du programme Artemis. Prioritaires de leurs propres combinaisons, les deux sociétés pourront louer celles-ci à divers clients, notamment la NASA.
- Space Launch System (SLS) : après plus d’une décennie de développement et d’importants surcoûts, la NASA a publié en octobre 2021 une request for information (RFI) indiquant son souhait de transférer la production et les services au sol du lanceur au secteur privé auquel elle achèterait au moins un lancement habité par an sur les prochaines décennies. La privatisation de l’exploitation de ce lanceur, symbole par excellence du spatial « historique » (lanceur développé par des industriels historiques selon des caractéristiques précises fixées par la NASA), serait donc l’ultime signal du changement de paradigme actuellement à l’œuvre au sein de l’Agence.
- Commercial Low Earth Orbit Destinations(CLD) : bien que les États-Unis aient récemment décidé d’étendre la durée de vie de l’ISS jusqu’en 2030, la NASA prépare déjà l’avenir avec le lancement du programme CLD visant à favoriser le développement de stations spatiales commerciales d’ici la fin de la décennie afin de permettre une transition fluide suite à la passivation de l’ISS et de garantir une présence américaine continue en orbite LEO. Dans ce schéma, la NASA ne serait qu’une cliente parmi d’autres de ces stations commerciales sur lesquelles elle pourrait faire voler ses astronautes et ses charges utiles. Pour l’heure, la NASA a accordé des contrats à trois projets (Starlab, Orbital Reef et un projet dérivé du Cygnus).
Le NESDIS de la NOAA a également pris le virage des contrats de service. Celle-ci a passé plusieurs contrats avec diverses entreprises d’imagerie et de données de radio-occultations pour affiner ses propres observations et ses propres modèles de prévision météorologique. Dans son budget 2022, le NEDIS a d’ailleurs reçu une enveloppe de 17 M$ pour l’achat de données spatiales commerciales.
Outre le domaine civil, la défense américaine, dont la culture et les impératifs de confidentialité l’ont traditionnellement amenée à privilégier le développement de ses propres infrastructures, commence à se tourner vers l’achat de contrats de services, comme dans le domaine des télécommunications. On notera par exemple le programme Defense Experimentation Using the Commercial Space Internet (DEUCSI) de l’U.S. Air Force (USAF) dont le but est d’accroître le recours aux services des constellations télécoms privées au profit d’applications militaires. De son côté, l’USSF s’intéresse de plus en plus aux services qui pourraient lui être offerts par le secteur privé et s’est dotée en décembre 2021 d’un Commercial Space Futures Office. Ce bureau pour ambition de faciliter les coopérations entre l’USSF et les entreprises privées en mettant à leur disposition des laboratoires pour tester leurs technologies. Cette structure a aussi pour but d’évaluer la robustesse technologique et financière des entreprises qui souhaiteraient proposer leurs produits ou services à l’USSF.
2.3.4 Des modes d’acquisition incrémentaux favorisant la concurrence
Le soutien de l’administration américaine au développement du privé n’exclut pas un modèle de mise en concurrence. En effet, la plupart des contrats de service proposés par l’administration repose sur un processus d’acquisition en plusieurs étapes mettant en concurrence plusieurs fournisseurs sur des phases de développements successives de plusieurs mois ou parfois années (à l’inverse d’un processus d’appel d’offre plus long aboutissant à un « champion » ayant le monopole dès le début du programme). Les entreprises se voient ainsi attribuer des contrats aux montants progressifs en fonction de la qualité des solutions proposées.
À titre d’exemple, le programme CLD de développement de station commerciale en orbite basse a mis en concurrence plusieurs fournisseurs ayant tous présenté en 2021 leur projet de station autonome. À l’issue de la première étape de sélection, la NASA a sélectionné en décembre 2021 trois consortia d’entreprises pour passer à la prochaine étape (2022-2025) visant, pour ces dernières, à approfondir la conception de leur projet respectif. Sur la base des résultats de cette phase, un ou plusieurs fournisseurs sera/seront choisi(s) pour la prochaine étape, celle de certification.
Outre la NASA, le Département de la défense a également recours à de tels procédés de mise en concurrence. Cela fut par exemple le cas de son programme National Security Space Launch (NSSL) dont l’un des objectifs était, entre autres, de permettre une baisse des coûts de lancement de sécurité nationale, qui étaient jusqu’alors le monopole de la seule entreprise ULA. Dans le cadre du NSSL, quatre entreprises avaient été sélectionnées pour poursuivre la Phase 1 du programme. En août 2020, le Département de la défense a finalement décidé de récompenser ULA et Space qui se partageront respectivement 60 et 40 % des lancements de sécurité nationale entre 2022 et 2027.
Le modèle de la mise en concurrence ne s’applique pas uniquement aux contrats de service, mais également à d’autres types de contrat communément utilisés par l’administration américaine, comme les contrats SBIR et STTR qui sont divisés en trois phases (voir supra).
2.3.5 Des modes d’acquisitions novateurs et agiles
Par ailleurs, l’administration américaine tente d’évoluer vers des modes d’acquisition plus agiles, basés sur un plus grand recours au secteur privé, une plus grande réactivité et des processus rationalisés.
L’un des exemples les plus parlants de cette nouvelle dynamique est celui de la Space Development Agency (SDA). La SDA a pour ambition de développer une constellation de plusieurs centaines de satellites en orbite basse pour répondre aux besoins des forces armées. Celle-ci sera composée de différentes couches (« layers »), répondant à différentes fonctions (communication, navigation, détection et suivi de missiles, etc.). Pour assurer le développement de cette architecture complexe, la SDA a misé sur une stratégie d’acquisition agile, rapide et incrémentale, avec des lancements de nouvelles grappes de satellites tous les deux ans pour permettre la mise à niveau des technologies. Cette approche repose aussi sur le choix de plus petits satellites, moins chers et issus du secteur commercial.
Cette approche tranche radicalement avec les stratégies d’acquisition traditionnelles du Département de la Défense, fondées sur le développement de satellites sophistiqués de grandes dimensions, plus onéreux et nécessitant plusieurs années de développement.
2.4 Un cadre réglementaire et administratif sécuritaire et facilitateur
La certitude et la prédictibilité sont souvent identifiées par les entreprises comme deux facteurs essentiels à la constitution d’un marché. La définition d’un cadre juridique et réglementaire clair est donc un axe majeur par lequel la puissance publique est également en mesure de consolider son tissu industriel. Les entreprises seront effectivement plus enclines à s’installer au sein d’une juridiction leur apportant la clarté et la sécurité juridiques nécessaires à la bonne conduite de leurs opérations.
Outre la clarté du cadre réglementaire, les entreprises identifient souvent la souplesse de ce dernier comme un facilitateur de croissance. L’adéquation des réglementations aux spécificités des activités exercées et la rationalisation des procédures administratives sont perçues comme indispensables. Il s’agit en effet de ne pas alourdir inutilement les obligations et contraintes administratives qui pourraient peser sur la compétitivité des entreprises. La recherche de souplesse est d’ailleurs essentielle pour les régulateurs nationaux dans un contexte de compétition des modèles juridiques (risque de « license shopping »).
Conscients de la pertinence de ces deux concepts de sécurité et souplesse juridique, les États-Unis s’attachent à se doter de cadres réglementaires précis et à rationaliser leurs réglementations existantes.
2.4.1 Sécurité juridique
Les activités spatiales sont régies, aux États-Unis, par un ensemble très vaste de réglementations, notamment en matière de télédétection, lancements et rentrées atmosphériques et de télécommunications, contrôle des exportations, ou encore de limitation des débris spatiaux. Celles-ci sont encadrées et appliquées par diverses autorités compétentes et permettent aux opérateurs de réaliser leurs opérations avec la sécurité juridique nécessaire à celles-ci.
Outre ces réglementations, le Congrès a adopté d’autres lois plus ponctuelles ayant également contribué à consolider le paysage juridique dans lequel évoluent les entreprises spatiales. En 2015, le Congrès américain a ainsi été le premier à adopter une loi (Commercial Space Launch Competitiveness Act of 2015) autorisant les personnes physiques et morales à extraire puis commercialiser les ressources spatiales, secteur identifié parmi les axes de développement futur du spatial. Cette loi a par ailleurs permis aux États-Unis d’acter leur interprétation du Traité de l’Espace de 1967 resté silencieux sur la question des ressources.
Au-delà de la seule question des ressources, cette loi avait également inséré plusieurs dispositions favorisant l’industrie des vols spatiaux comme : le gel des capacités de contrôle de la Federal Aviation Administration (FAA) jusqu’en 2023, ou encore l’extension jusqu’en 2025 de l’indemnisation des entreprises pour des dommages causés à des tiers (au-delà des réparations couvertes par l’assurance de l’entreprise).
À noter que la promulgation de cette loi a été suivie d’une augmentation des investissements privés dans le secteur spatial américain ainsi que du nombre de startups américaines créées (cf. graphiques ci-dessous) :
Volume d’investissements dans les startups américaines et non-américaines du New Space entre 2000 et 2020.
Nombre de startups créées dans le New Space depuis 2000
2.4.2 Souplesse juridique
Identifié comme une priorité de la stratégie spatiale américaine sous l’administration Trump, l’essor du secteur privé a fait l’objet d’un décret présidentiel spécifique intitulé : Space Policy Directive-2 (SPD-2), Streamlining Regulations on Commercial Use of Space. Ce texte vise à réformer et rationaliser le cadre réglementaire dans lequel opèrent les entreprises afin de garantir la compétitivité et le leadership américain dans le domaine spatial. Pour ce faire, il a notamment fixé aux agences et départements fédéraux les objectifs suivants :
- Département du Transport (DoT) : réforme de sa réglementation sur les lancements et rentrées atmosphériques avec mise en place d’un système de licence unique.
- Département du Commerce (DoC) :
- Réforme de la réglementation sur la télédétection.
- Création d’une entité « guichet unique » qui superviserait l’ensemble des activités de vols spatiaux commerciaux.
- National Space Council(NSpC) : réforme des réglementations concernant les licences d’exportation relatives aux vols spatiaux effectués par le secteur privé.
Plusieurs des directives fixées par la SPD-2 ont été effectivement mises en œuvre par l’administration.
En juillet 2020, la réforme de la réglementation américaine sur la télédétection est entrée en vigueur. À travers cette réforme, la NOAA (qui est en charge de l’octroi des licences de télédétection) a cherché à rationaliser la procédure d’octroi des licences pour les systèmes de télédétection privés tout en préservant les intérêts sécuritaires américains (la dernière réforme de cette réglementation a eu lieu en 2006). Pour ce faire, elle a établi un système de licence en trois tiers selon le niveau de performance des systèmes de télédétection en question, notamment vis-à-vis des systèmes disponibles à l’étranger.
En mars 2021, la réforme de la réglementation américaine sur les lancements et les rentrées atmosphériques est entrée en vigueur. À travers cette réforme, la FAA a souhaité simplifier la procédure d’octroi des licences de lancements et de rentrées qu’elle jugeait trop complexe et inadaptée à l’actuelle industrie des lanceurs, en particulier en raison de la multiplication du nombre de lancements, de spatioports, d’acteurs œuvrant dans le secteur des lancements, et de la complexification des lanceurs et véhicules spatiaux. Grâce à sa réforme, la FAA peut désormais octroyer aux entreprises de lancement une licence de lancement unique et valide jusqu’à 5 ans, couvrant, pour un même type de lanceur, plusieurs lancements et rentrées depuis différents sites de lancement. En outre, la réglementation ne sera plus fondée sur une logique prescriptive (selon laquelle la FAA fixerait les exigences et les méthodes pour les atteindre), mais sur une logique fondée sur la performance (selon laquelle la FAA laisserait aux entreprises le choix des moyens pour satisfaire ses exigences).
Les autres objectifs n’ont pas encore été remplis, notamment la création d’une entité administrative jouant le rôle de « guichet unique » auprès du secteur privé. En effet, pour l’heure, les entreprises du spatial sont contraintes de demander, suivant les activités qu’elles développent, plusieurs types de licences auprès d’autorités différentes :
- La Federal Communications Commission (FCC) est responsable de la délivrance des licences permettant le recours au spectre radioélectrique
- La Federal Aviation Administration (FAA) est responsable de la délivrance des autorisations de lancements et rentrées atmosphériques
- La National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) est responsable de la délivrance des licences de télédétection
2.4.3 Implication des industriels dans les processus règlementaires
Notons enfin que les positions du secteur privé sont également prises en compte dans le cadre de l’élaboration des politiques et réglementations spatiales américaines.
En matière de politique et de stratégie, le NSpC s’appuie par exemple sur les conseils formulés par un organe composé de diverses parties prenantes du secteur spatial (des industriels aux chercheurs en passant par la think tanks), appelé User Advisory Group.
En matière réglementaire, les projets de réglementations développés par l’administration américaine sont soumis pour avis à commentaires publics quel que soit le domaine. En matière spatiale, les industriels ont donc la possibilité d’exprimer leurs commentaires sur les propositions de l’administration.
3 Un environnement privé commercial américain favorable
3.1 Des acteurs privés visionnaires et influents
Aux États-Unis, l’écosystème du New Space a la particularité d’avoir été dynamisé par des personnalités influentes disposant, non seulement de capitaux colossaux, mais également d’une vision et d’ambitions au profit desquelles elles ont souhaité investir leurs ressources. Ces ambitions sont devenues des projets concrets offrant des perspectives d’emplois et de croissance pour plusieurs années – voire décennies. Les acteurs privés sont donc parvenus, par eux-mêmes et pour eux-mêmes, à orienter les besoins du secteur et à lui offrir des perspectives d’avenir.
Parmi les personnalités illustrant ce phénomène, il est possible de mentionner Elon Musk (fondateur de SpaceX), Jeff Bezos (fondateur de Blue Origin), Richard Branson (fondateur de Virgin Galactic et Virgin Orbit) ou encore Gregory Wyler (ancien fondateur d’O3b et OneWeb). Ces derniers se sont appuyés sur une fortune déjà bien établie pour nourrir des ambitions et des projets de grande envergure tournés, très souvent, vers un idéal d’expansion des activités humaines au-delà de l’orbite terrestre. Ceux-ci s’accompagnent parfois de projets davantage axés autour d’applications terrestres, ce qui leur permet à la fois de diversifier leurs activités (dans un contexte d’incertitude des business model) et de soigner leur notoriété publique.
Elon Musk est l’incarnation la plus évidente de ce phénomène. Ses ambitions d’expansion vers Mars sont anciennes et remontent dès la création de SpaceX en 2002. L’entrepreneur sud-africain souhaitait déjà à cette époque réduire les coûts du transport spatial afin de faciliter l’établissement d’une colonie humaine sur Mars. Un an avant la création de son entreprise, Elon Musk avait imaginé faire atterrir sur Mars une serre expérimentale miniature pour y faire pousser des plantes (projet « Mars Oasis »). Après des débuts difficiles, et bénéficiant d’un large soutien de la puissance publique, SpaceX exploite les lanceurs Falcon 9 et Heavy et développe désormais le lanceur Starship qu’elle souhaite utiliser pour permettre le transport habité vers Mars. D’ores et déjà, SpaceX propose, grâce à l’expérience acquise auprès de la NASA dans le cadre des contrats COTS puis CCP, des vols touristiques en orbite basse autour desquels la société a su habilement communiquer (production Netflix autour de la mission Inspiration4, contrats avec de riches milliardaires « philanthropes »,…). Outre ses projets d’exploration, Elon Musk a également développé des projets plus « terrestres », notamment en matière de connectivité. Le projet de méga-constellation Starlink, actuellement le plus développé du marché avec environ 2 500 satellites en orbite, s’est construit autour de l’idée de combler la fracture numérique. La construction de ce double récit autour de SpaceX (avec une vision d’amélioration des conditions de vie sur Terre et de création des conditions de vie dans l’Espace) a particulièrement soutenu la croissance de l’entreprise. Ce récit a permis de susciter l’adhésion des investisseurs et, avant tout, celle de ses employés. Malgré une culture managériale rude (pression et mise en concurrence des équipes, turnover important), la vision portée par SpaceX suscite un engagement important de son personnel.
Dans un autre registre, Gregory Wyler fait également partie des entrepreneurs « visionnaires » ayant contribué à faire évoluer le paysage spatial américain voire global. Fondateur des sociétés O3b Networks et OneWeb, il a été le pionnier du développement et de l’essor des méga-constellations de satellites qui ont bouleversé le paysage actuel des télécommunications (on compte, aux États-Unis, pas moins de 100 projets de constellations privées) et des technologies qui les sous-tendent (notamment les smallsats). Ses deux entreprises se sont construites autour de l’idée de réduction de la fracture numérique (O3b étant d’ailleurs la contraction d’« Other 3 billions » en référence aux trois milliards d’individus non encore couverts par Internet).
L’exemple de Richard Branson est également parlant dans la mesure où ce dernier a été l’un des tous premiers promoteurs du tourisme spatial en orbite basse. Sa société, Virgin Galactic, fondée en 2004, s’est tout de suite positionnée sur ce segment de marché. Malgré plusieurs échecs (notamment le crash du VSS Enterprise en 2014 entrainant le décès de son pilote et la perte de l’appareil), l’entreprise a poursuivi le développement de son concept pendant 15 ans jusqu’à son premier vol avec passager, le 11 juillet 2021 (emportant notamment à son bord son fondateur Richard Branson).
À noter qu’au-delà de leurs seules visions et ambitions, c’est également la compétition entre ces acteurs qui dynamise le secteur spatial américain. C’est par exemple le cas de Virgin Galatic et Blue Origin qui se sont livrés une véritable course dans le domaine du tourisme suborbital. Virgin Galactic, qui a réalisé son premier vol de 6 min jusqu’à 85 km d’altitude le 11 juillet 2021, a précédé de peu sa rivale Blue Origin qui a réussi son premier vol habité le 20 juillet avec à son bord son fondateur, Jeff Bezos. Soulignons toutefois que Blue Origin est parvenue à atteindre le cap symbolique des 100 km d’altitude, considéré par certains comme la frontière de l’Espace, ce qui n’est pas le cas de Virgin Galactic. La logique de compétition est donc un facteur structurant du New Space qui s’est également exprimée dans d’autres domaines, comme l’exploration lunaire (avec la rivalité très marquée entre SpaceX et Blue Origin autour du contrat HLS).
3.2 Des investissements privés en pleine croissance
3.2.1 Augmentation exponentielle des financements
Ces dernières années ont été marquées, notamment aux États-Unis, par une nette croissance des investissements privés dans le secteur spatial. Dans son étude consacrée à l’étude du New Space, le cabinet ALCIMED a noté une forte augmentation des financements privés en direction des entreprises américaines du New Space depuis 2015.
Evolution des investissements privés dans le New Space américain en Milliards de dollars (à l’exception des financements de Jeff Bezos dans l’entreprise Blue Origin)
Le cabinet Bryce Space and Technology a également identifié une tendance similaire. Selon leurs études, les investissements privés globaux dans les start-ups du New Space auraient très largement grimpé sur la période 2000-2020 (environ + 1 400 %), avec une nette augmentation à compter de 2015. Sur les dernières années, ils auraient représenté 3,2 Md$ en 2018, 5,7 Md$ en 2019, 7,6 Md$ en 2020 et pas moins du double en 2021 avec 15 Md$. Dans ce contexte global, les États-Unis demeurent toujours moteurs. Selon Bryce Space and Technology, les États-Unis sont les principaux émetteurs et bénéficiaires des investissements dans le New Space (cf. graphiques ci-dessous).
Part des startups américaines dans le volume total des investissements dans le New Space
Proportion des investisseurs américains sur le total des investisseurs dans le New Space
3.2.2 Des modes de financements privés variés
Au-delà de la croissance des chiffres, notons que les acteurs du New Space bénéficient également, aux Etats-Unis, d’un large spectre de méthodes de financements privés.
Ils peuvent entre autres :
- Recourir à des levées de fonds traditionnelles auprès de différents types acteurs : venture capital, banques, private equity, business angels, etc.
- Entrer en bourse via :
- Les Initial Public Offering (IPO) traditionnelles
- Les special purpose acquisition company (SPAC) : les SPAC sont des sociétés cotées sans activité opérationnelle dont l’objectif est de faciliter l’entrée en bourse d’entreprises avec lesquelles elles fusionnent (les IPO étant des opérations complexes et chronophages). Les années 2020 et 2021 ont été marquées par une explosion du nombre de fusions avec des SPACs, notamment aux États-Unis. Les secteurs de haute technologie sont particulièrement touchés, car gourmands en capital de départ. Le spatial, à ce titre, a connu un nombre très important de fusions sur les dernières années. Après Virgin Galactic en 2019, nombreuses ont été les entreprises américaines de toutes les branches du spatial (lanceurs, observation de la Terre, télécommunications, etc.) à conclure ce type d’opérations entre 2020 et 2021 (Astra, Rocket Lab, BlackSky, Spire, AST Space Mobile, Momentus, Redwire, etc.). L’engouement soudain suscité par les SPACs ainsi que la faible maturité des sociétés fusionnantes laissent toutefois craindre l’émergence de nouvelles bulles spéculatives à risque.
À noter enfin la présence, sur le sol américain, de personnalités fortunées ayant investi leurs capitaux dans la création d’entreprises du spatial. Elon Musk (fondateur de SpaceX) et Jeff Bezos (fondateur de Blue Origin) sont très certainement les exemples les plus connus de ces personnalités. Le co-fondateur de PayPal et fondateur de Tesla avait engagé, lors de la création de SpaceX, 100 M$ de sa fortune personnelle. L’ancien PDG d’Amazon Jeff Bezos aurait, quant à lui, investi plusieurs milliards de dollars de sa fortune dans Blue Origin – certains chiffrant cet investissement à près de 10 Md$.
3.3 Un marché privé vaste, dynamique mais hautement concurrentiel
Les États-Unis bénéficient d’un autre atout de taille : l’existence d’un marché intérieur vaste et dynamique. Cet état de fait, couplé à la dépendance accrue des économies aux infrastructures spatiales (dans des domaines aussi variés que l’agriculture, la logistique, l’aménagement des territoires, le transport de voyageurs ou de marchandises, les télécommunications, la finance, etc.), font du marché américain un environnement favorable à l’essor de nouveaux acteurs privés du spatial.
Malgré ce dynamisme, la consolidation de la clientèle commerciale des nouveaux acteurs du spatial fait face à des défis intrinsèques à ce secteur : concurrence avec d’autres acteurs (en télécommunications, par exemple, concurrence avec les opérateurs terrestres), méconnaissance des solutions spatiales, et coûts parfois prohibitifs (malgré une baisse des prix). Dans ce contexte, la clientèle privée n’aurait pu, à elle seule, permettre l’émergence du New Space qui s’est appuyée, parallèlement, sur un fort soutien de la puissance publique.
3.4 Des bassins industriels attractifs et dynamiques dans plusieurs États
Aux États-Unis, plusieurs pôles industriels se sont constitués, favorisant l’émergence d’un ensemble de startups innovantes, y compris dans le domaine du spatial. Les politiques fiscales et d’investissement mises en place à l’échelle des États ne sont pas étrangères à l’essor de ces bassins industriels, rappelant à nouveau l’importance du rôle des pouvoirs publics.
3.4.1 Californie
L’exemple le plus probant et incontournable de ce type de pôles est bien entendu la Silicon Valley et, plus globalement, la Californie.
Celle-ci abrite le siège de nombreuses entreprises montantes du domaine aérospatial. En effet, près de 23 % des entreprises de ce secteur auraient leur siège en Californie dont de nombreux acteurs en pleine croissance (SpaceX, Rocket Lab, Planet Labs, Virgin Galactic, Virgin Orbit, Orbit Fab, etc.). Ce chiffre est à comparer aux 10 % de la Floride, aux 7 % du Texas ou encore aux 3,5 % du Colorado.
Ce tissu industriel déjà riche est rendu d’autant plus attractif par la présence d’autres industries dynamiques, notamment celle de l’Internet et de la donnée. Les entreprises de ces secteurs constituent aussi bien des clients que des partenaires potentiels, le traitement et la mise à disposition des données spatiales représentant l’un des principaux axes de développement actuels du New Space. Les géants de l’Internet ont par ailleurs leurs propres velléités d’implantation dans le secteur du spatial (par exemple Alphabet, Facebook, etc.).
La Californie bénéficie enfin de la proximité de grandes universités renommées dans le domaine de l’aérospatial, comme le California Institute of Technology ou encore la Stanford University constituant autant de viviers de recrutement pour les jeunes entreprises du secteur spatial. Celles-ci peuvent enfin profiter de la présence de nombreux accélérateurs de startups adaptés à chaque étape de leur développement (Early-stage Startup Accelerators, Startup Accelerators for Scaleups).
Ce dynamisme explique très vraisemblablement la présence, en Californie, de nombreux investisseurs privés. Cet État aurait concentré, selon Bryce Space and Technology, 45 % des investisseurs américains dans le secteur spatial entre 2000 et 2020.
3.4.2 Texas
Le Texas commence à émerger en tant que nouveau pôle d’attractivité en matière spatiale et a vu s’installer plusieurs étoiles montantes du secteur. On pensera notamment aux sociétés Firefly Aerospace et Axiom Space qui y ont installé leur siège social et qui opèrent dans les domaines des lanceurs et des vols en orbite basse. À noter que SpaceX, qui conserve son siège en Californie, transfère progressivement ses opérations au Texas où se situe la base de lancement de son lanceur super-lourd Starship. L’entreprise est par ailleurs en train de construire une usine de production de satellites Starlink à Austin.
A noter que le Texas est très réputé pour sa politique fiscale très avantageuse, cet État ne prélevant aucun impôt sur le revenu ni sur les sociétés.
3.4.3 Floride
La Floride, un temps considérée comme un territoire sinistré suite à l’arrêt de la navette spatiale en 2011, connaît un rebond suite à l’arrivée de nouveaux acteurs privés au spatioport du Cap Canaveral comme SpaceX, Blue Origin, Rocket Lab ou encore Terran Orbital. Terran Orbital a d’ailleurs récemment annoncé un investissement de 300 M$ dans la construction d’une nouvelle usine de production de satellites de 60 000 m² sur le site Launch and Landing Facility (LLF), anciennement utilisé par la NASA pour les opérations de la navette à Merritt Island. L’objectif visé par Terran Orbital est de permettre la production de près de 1 000 satellites par an et de soutenir la création de 2 000 emplois d’ici 2025.
L’État de Floride participe, via son agence Space Florida, à l’opération de financement de la future usine de Terran Orbital. Space Florida a en outre reçu 38 M$ du Département du Transport de Floride afin de construire de nouvelles infrastructures au sein du LLF pour accueillir Terran Orbital et d’autres acteurs. Face à la concurrence venue d’autres États qui se sont dotés (ou se dotent actuellement) d’infrastructures de lancement, plusieurs représentants de Floride envisagent par ailleurs de faire passer des dispositions visant à détaxer les activités de lancement sur le territoire floridien. Ceux-ci souhaitent également débloquer 10 M$ pour développer, à Cap Cavaneral, un pas de tir multi-usager permettant à des opérateurs qui ne disposeraient pas de leur propre pas de tir de louer des infrastructures sur une base mensuelle.
3.4.4 Colorado
Pendant la pandémie de COVID-19, plusieurs entreprises du spatial ont délocalisé une partie de leurs employés ou leurs activités. Les entreprises ont privilégié le Colorado, fief du géant Lockheed Martin et de l’U.S. Air Force Academy, l’État voyant ainsi son activité spatiale croitre de façon significative.
4 Conclusion
Aux États-Unis et progressivement partout dans le monde, le secteur spatial connaît de profondes mutations. On assiste actuellement à l’essor de nouveaux acteurs aux méthodes disruptives, tranchant avec les modèles employés il y a encore de cela quelques années.
On pourrait donc être tenté de distinguer deux tendances : le spatial « traditionnel » et le New Space dont les principales caractéristiques sont résumées dans le tableau ci-dessous.
Spatial historique |
New Space |
|
Acteurs |
Essentiellement publics (agences spatiales, gouvernements) avec quelques industriels historiques de taille critique (Lockheed Martin, Boeing,…) | Essor de nouveaux acteurs privés avec multiplication de start-ups, croissance des investissements privés, incursion de milliardaires issus du domaine de la technologie et du numérique (SpaceX, Blue Origin, Virgin Galactic, etc.). |
Objectifs |
Développement de programmes scientifiques (observation de la Terre, étude de l’univers, exploration robotique et humaine) et de défense répondant des objectifs stratégiques, de démonstration technologique et développement des connaissances. | Développement de nouveaux produits et services commerciaux ayant pour objectif de répondre à des besoins clients. |
Pilliers |
Upstream : Technologies matures et infrastructures
|
Upstream : Technologies innovantes avec développement incrémental Downstream : accents mis sur la fourniture de données et de services utilisables pour diverses applications à des prix accessibles. |
Processus |
« Artisanal » : recherche de la performance, sophistication des technologies, peu de souci de coût, etc. |
« Industriel » : Matériel sur étagère, optimisation, réutilisation, recherche du moindre coût, production en masse, etc. |
Utilisation de la donnée |
Objectif scientifique : donnée spatiale à forte valeur ajoutée scientifique | Objectif économique : donnée spatiale à forte valeur ajoutée économique |
Les Etats-Unis ont toutefois démontré qu’il ne convient pas d’opposer les acteurs de ces deux tendances mais qu’ils demeurent étroitement liés.
En effet, la puissance publique représente encore près de 90% du budget spatial aux Etats-Unis. Ce financement est destiné non seulement aux grands programmes institutionnels (exploration, science, observation de la Terre), mais également au soutien de l’industrie spatiale et notamment des nouveaux entrants pour lesquels le gouvernement reste le client principal à ce jour.
Ce soutien prend aujourd’hui différentes formes. L’administration américaine accorde aux entreprises non seulement des financements et contrats d’infrastructures traditionnels, mais également des contrats d’un genre nouveau : les contrats de service. Ceux-ci permettent à la puissance publique de structurer de nouveaux marchés en offrant aux entreprises l’opportunité de 1) démontrer leurs technologies, 2) bénéficier d’une commande stable, 3) attirer de nouveaux investisseurs ou clients. Outre son rôle d’investisseur public et de client, l’administration américaine a également contribué à consolider l’écosystème américain par la définition de stratégies et politiques affirmées, l’adoption d’un cadre juridique à la fois sécurisant et souple, ou encore par un transfert facilité de technologies et de compétences.
Le New Space apparait donc en quelques sortes comme un « spin-off » du spatial historique aux États-Unis dont il est encore largement dépendant. La réciproque est également vraie, de sorte que l’on peut parler d’interdépendance entre le New Space et le spatial traditionnel. En effet, le secteur public et notamment la NASA cherche à déléguer au secteur privé une part substantielle des activités qu’elle réalisait jusqu’alors en autonomie. Cela lui permet de réaliser des économies tout en en concentrant ses efforts sur de nouveaux projets et objectifs aux retombées économiques plus incertaines. Le virage entamé par l’administration américaine vers le secteur privé lui permet également de consolider le tissu économique américain, de stimuler l’emploi et la croissance, et ainsi de gagner le soutien des élus du Congrès.
Cette situation d’interdépendance n’est toutefois pas sans risques, que cela soit pour les entreprises ou l’administration. Côté privé, le soutien de la puissance publique pourrait fausser la perception de la robustesse des entreprises et contribuer à maintenir en activité des sociétés au business model incertain et restant à démontrer. Pour être efficace, ce soutien devrait être, pour l’entreprise, une première étape vers la constitution d’une clientèle commerciale. Côté administration, l’avènement du New Space peut conduire, si un contrôle public n’est pas suffisamment exercé, à une perte d’expertise et de mainmise sur certaines capacités. Un contrôle public effectif des activités du New Space est essentiel pour garantir des standards de sécurité optimaux, un maintien des savoir-faire nationaux et la maîtrise des exportations.
Reste toutefois que la mise en œuvre de cette stratégie aux États-Unis a permis à ces derniers de se doter d’entreprises compétitives aussi bien sur la scène nationale qu’internationale, permettant même à certaines d’entre elles de conquérir des marchés dans lesquels les États-Unis avaient jusqu’alors accumulé du retard (comme celui des lanceurs dominé jusqu’alors par la Russie et l’Europe). Les Américains semblent donc avoir trouvé les ingrédients et la recette pour faire émerger, croître et pérenniser leur écosystème spatial privé.
Ces succès pourraient donc nourrir les réflexions en cours en France et en Europe pour accompagner l’essor et la compétitivité de notre industrie spatiale foisonnante, construire et pérenniser un marché spatial robuste, en s’appuyant sur une expertise historique dans l’ensemble des segments du secteur spatial.
Notes de bas de page
[1] L’échantillon choisi excluait les fournisseurs d’équipements non spécifiquement spatiaux et les industriels historiques (Boeing, Northrop Grumman, etc.).
[2] Cet échantillon comprenait aussi bien des entreprises pleinement investies dans le secteur spatial, que des fournisseurs de composants, des industriels utilisant des capacités spatiales, ou encore des entreprises dont les technologies pourront être utilisées au bénéfice du secteur spatial (smart materials, nanotechnologies, IA, etc.)