Les amphibiens, victimes d’un déclin de leurs populations au cours de ces dernières décennies [1], ont jusqu’à présent souvent été considérés comme un indicateur de l’état de dégradation des écosystèmes. En effet, les propriétés physiologiques de cette classe de vertébrés tétrapodes (mode de vie à la fois terrestre et aquatique, peau très perméable, système immunitaire relativement rudimentaire…) seraient à l’origine d’une sensibilité accrue de ces espèces aux changements environnementaux (détérioration des habitats, pollution, impacts du changement climatique …).
Observé à l’échelle internationale depuis les années 80 [2], le déclin des amphibiens a depuis lors fait l’objet de nombreuses recherches notamment dans le but de déterminer les facteurs responsables de la fragilisation des populations et les potentielles répercussions sur les autres espèces animales. Selon les travaux passés, les amphibiens seraient susceptibles d’être à l’origine d’extinctions massives. En effet, cette espèce constituerait un indicateur de référence, précurseur en terme de l’évaluation des répercussions de l’impact des changements environnementaux sur l’ensemble des écosystèmes. Faisant l’objet d’études approfondies récentes, le rôle des amphibiens dans la compréhension des impacts du changement climatique a cependant été questionné.
Longtemps considérés comme un marqueur en matière d’altération de la biodiversité, les amphibiens ne seraient cependant pas plus perméables aux toxines présentes dans l’environnement que les autres espèces animales, si l’on en juge par les récents travaux d’universités américaines utilisant les bases de données toxicologiques de l’EPA.
Ces travaux, dont les résultats ont été acceptés pour publication dans la revue "Ecology Letters" à l’automne dernier, ont été menés au sein des universités du Sud Dakota, de Yale et de l’état de Washington. Dirigés par Jacob Kerby, chercheur à l’université du Sud Dakota, ils mettent en évidence une sensibilité aux toxines présentes dans l’environnement variant significativement selon les espèces de grenouilles, et similaires dans certains cas de figure à d’autres espèces animales. Les résultats démentiraient donc le rôle précurseur attribué aux amphibiens dans la réponse des écosystèmes aux changements climatiques. De plus, selon David Skelly, chercheur au département "forêt et études environnementales" de l’université de Yale, les principales causes du déclin des grenouilles peuvent être plus aisément attribuées à la dégradation des habitats, la modification de l’utilisation des sols (conversion des sols en terres agricoles) ou encore à l’émergence de nouvelles maladies infectieuses, plutôt qu’ aux changements climatiques, ces derniers relevant de la compréhension de processus complexes.
Utilisant les bases de données de l’EPA (Aquatic Toxicity Information Retreival Database) recensant des informations sur près de 1.300 espèces, les chercheurs ont , par ailleurs, analysé les résultats de plus de 28.000 tests toxicologiques pour remettre en question le rôle précurseur des amphibiens dans la détection des impacts du changement climatique. S’ils ne semblent pas jouer complètement ce rôle, les amphibiens représentent néanmoins un bon indicateur de la réaction d’une population aux changements environnementaux. Dans ce contexte, les populations d’amphibiens peuvent être utilisées comme un signal d’alarme de l’état de détérioration d’un environnement. Une meilleure compréhension de l’interaction de cette espèce animale avec les autres familles ou espèces est néanmoins nécessaire pour analyser plus exactement la réponse des amphibiens aux perturbations des écosystèmes et définir plus exactement l’ensemble des causes de dégradation des écosystèmes, ainsi que la part pouvant être attribuée aux changements climatiques.
Source :
– An examination of amphibian sensitivity to environmental contaminants: are amphibians poor canaries? Ecology Letters. https://www3.interscience.wiley.com/journal/122658158/abstract?CRETRY=1&SRETRY=0
– Amphibians’ Ability To Predict Changes In Biodiversity Confirmed By New Study. (29/10/2008). ScienceDaily. https://www.sciencedaily.com/releases/2008/10/081028184750.htm
Pour en savoir plus, contacts :
– [1] Status and Trends of Amphibian Declines and Extinctions Worldwide. (3/012/2004). Science. https://www.sciencemag.org/cgi/content/abstract/306/5702/1783
– [2] Encyclopédie Wikipedia. Déclin des populations d’amphibiens. https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9clin_des_populations_d%27amphibiens
Code brève
ADIT : 61418
Rédacteur :
Agathe Dumas, [email protected]