Qu’ont en commun "Sous le Soleil", "Plus belle la vie" et… le réchauffement climatique ?

Si l’on compulse les blogs états-uniens dédiés au réchauffement climatique, on a l’impression d’assister à un feuilleton télé. Un exemple époustouflant en est le blog "Climate Depot", créé par Marc Morano, un ancien "staffer" du Sénateur Républicain James Inhofe. On y trouve de tout, dépêches d’agence, extraits d’interviews, résumés d’autres blogs. Une suite d’opinions et d’informations étayant les différentes "théories" sur le devenir (ou la réalité) du changement climatique qui se suivent, se disputent et se contredisent, comme les personnages d’un "soap opera". Le dernier personnage à faire fureur dans la série s’appelle Maunder, c’est un astronome, et il est mort en 1928. En fait, il n’apparaît dans l’histoire qu’indirectement. Parce que son nom a été donné à un événement astronomique remarquable, le manque presque total de taches solaires-et donc d’activité solaire-dans la période qui va de 1645 à 1715 environ. Dans un diagramme où figure le nombre de taches solaires dans le temps, cette période correspond à un minimum très prononcé, le "minimum de Maunder". A cette époque, seulement une cinquantaine de taches solaires furent observées en 30 ans, un nombre qui est environ mille fois plus petit que ce qui serait typiquement observé aujourd’hui.

Quel intérêt pour le débat climatique ? Le hic est que la période qui se situe grosso modo entre le 17ème et le 19ème siècle a vu des conditions climatiques particulièrement rigides, notamment dans l’hémisphère Nord, à tel point d’avoir été baptisée "Petit Age de Glace" (Little Ice Age). C’est ici que les partisans d’une origine naturelle du réchauffement climatique en cours sursautent : le voilà le coupable, c’est le Soleil ! Taches = chaleur, l’équation est vite rédigée. D’autant plus que cet hiver a été parmi les plus rigoureux de la décennie – on a même vu de la neige à Houston ! – et que le Soleil, depuis plus d’un an, est totalement dépourvu de taches…

Les coïncidences, ça se sait, constellent notre existence. L’une des tâches (avec accent) du scientifique est de faire la différence entre les coïncidences accidentelles et celles qui peuvent indiquer une relation de cause à effet. Mais encore en amont, le scientifique doit s’efforcer de démontrer la réalité des coïncidences elles-mêmes, et ne pas s’atteler à la tâche inutile d’expliquer des phénomènes qui n’ont pas d’existence. C’est ce qu’ont fait les chercheurs du Panel Intergouvernemental sur le Changement Climatique (IPCC) dans leur rapport de 2001. Leur conclusion est que "les données dont on dispose actuellement ne s’accordent pas avec des périodes globalement synchronisées de froid anormal dans cette fenêtre temporelle, et que le terme conventionnel "Petite Age de Glace" ne semble avoir qu’une utilité limitée dans la description de tendances dans les variations de la température moyenne globale, ou à l’échelle d’un hémisphère, dans les siècles passés". En d’autres termes, s’il est clair que des températures anormalement basses ont été enregistrées localement, il n’y a aucune preuve qu’une ère glaciale en tant que phénomène climatique global, n’ait jamais existé, au 17ème siècle.

Cependant, on peut douter de la disponibilité et fiabilité des données concernant l’hémisphère Sud, ou encore les Océans. Ce qui fait que dans la blogosphère, la "Petite Age de Glace" ainsi que le minimum de Maunder sont très célèbres, les taches solaires y sont fébrilement comptabilisées et leur absence pointée du doigt comme un indicateur certain de la glaciation qui nous attend.

Tout récemment, Charles Osgood, journaliste de CBS et présentateur du célébrissime "CBS News Sunday Morning Show" depuis 1994, a livré à la radio un commentaire sur le réchauffement climatique dans lequel il posait la question : "Est-ce que un nouveau minimum d’activité solaire pourrait contrer les effets du réchauffement du climat ?". La vérité est qu’on ne sait pas grand-chose sur le minimum de Maunder lui-même. Notre compréhension de la physique du Soleil est, au mieux, très incomplète. Si l’on connaît maintenant les processus qui font briller notre étoile, les mécanismes responsables de la production du champ magnétique solaire, dont les taches sont une des manifestations, nous sont toujours largement inconnus. L’observation nous montre que l’activité solaire suit des cycles approximativement périodique, avec une amplitude qui varie de façon non systématique. La prédiction de cette amplitude étant pour tout dire, au-delà de nos connaissances actuelles.

En 2006, le groupe de Mausumi Dikpati au National Center for Atmospheric Research de Boulder, Colorado, a développé un modèle extrêmement sophistiqué du Soleil, et a prédit que le cycle de taches solaires qui est en train de démarrer avec autant d’hésitation, et que les scientifiques connaissent sous le nom de "cycle 24", sera l’un des plus intenses de ces derniers 50 ans. Ces scientifiques s’attendaient également à ce que le cycle démarre en 2007 ou 2008, ce qui ne s’est pas produit.

Ce qui s’est produit, c’est qu’en 2007 un autre groupe, celui d’Arnab Choudhuri du Département de physique de l’Institut Indien des Sciences de Bangalore, a utilisé un modèle semblable au précédent, et du même niveau de sophistication, pour obtenir une prédiction totalement opposée : le cycle 24 sera le plus faible des derniers 100 ans. Le fait que le démarrage soit lent, ou, comme disent les spécialistes, que le minimum entre les cycles 23 et 24 soit long, est considéré un signe que le cycle 24 sera effectivement faible, car statistiquement un long minimum est suivi par un cycle peu intense.

Qui a donc raison ? D’une part, les modèles climatiques reproduisent bien l’augmentation de température de ce dernier siècle, en tenant compte entre autres, et d’une certaine façon, de l’activité du Soleil. Pour prédire le climat à venir, il serait donc sûrement nécessaire de mieux connaître l’évolution de cette dernière, même si son rôle est jugé marginal par les spécialistes. D’autre part, si la Petite Âge de Glace a bel et bien existé, et si elle a résulté de l’interaction entre le cycle solaire et le climat, il y a peut-être là quelque chose à creuser.

Source :

– Un blog volcanique, à ne pas manquer : https://www.climatedepot.com/
– Le IPCC et la Little Ice Age : https://www.grida.no/publications/other/ipcc_tar/?src=/climate/ipcc_tar/wg1/070.htm
– Le texte audio et la transcription de l’émission de Mr. Osgood : https://westwoodone.com/pg/jsp/osgood/transcript.jsp?pid=26416

Pour en savoir plus, contacts :

– Sur le minimum de Maunder, avec représentations graphiques des cycles des taches solaires : https://fr.wikipedia.org/wiki/Minimum_de_Maunder
– Sur la physique solaire et les prédictions du prochain cycle :
https://www.sciencedaily.com/releases/2006/03/060307084500.htm
https://www.physics.iisc.ernet.in/~arnab/prl.pdf
Code brève
ADIT : 60700

Rédacteur :

Alberto Pimpinelli, [email protected]

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