L’American Recovery and Reinvestment Act (ARRA), ratifié le 17 février 2009 par le Président Obama, allouait 100 milliards de dollars au Département fédéral de l’Education, destinés à être affectés aux Etats fédérés de façon à largement compenser en 2009 et en 2010 l’impact de la diminution de leurs ressources fiscales sur leurs budgets éducatifs. Ces fonds ont été débloqués particulièrement rapidement puisqu’au 30 septembre 2009, plus de 67 milliards de dollars avaient déjà été distribués aux Etats, responsables ensuite d’allouer ces fonds sur le terrain. Particulier par son ampleur, l’ARRA l’est aussi par les exigences de transparence qu’il a imposées à l’ensemble de ses bénéficiaires. Ainsi la section 1512 du texte exige de ceux-ci qu’ils publient un rapport trimestriel rendant compte de l’utilisation des fonds. Le premier de ces rapports a été publié par le Département de l’Education le 2 novembre 2009.
La part prépondérante des Etats et des gouvernements locaux dans le financement de l’éducation (90% des sources de financement des écoles élémentaires et secondaires, 40% pour l’enseignement supérieur public), combinée à la gravité de la crise économique traversée (menant à une diminution mécanique des budgets éducatifs à hauteur de 33 milliards de dollars sur les années fiscales 2009 et 2010) ont rendu l’intervention de l’ARRA cruciale dans le domaine de l’éducation.
La distribution et l’utilisation de ces fonds reposent sur certains principes qui viennent se conjuguer à l’impératif de transparence évoqué précédemment. Principe de rapidité dans l’allocation des subventions vers les Etats, les LEA [1] et autres entités, tout d’abord, afin d’empêcher les licenciements et de faciliter la création de nouveaux postes. Exigence de transformation structurelle ensuite, en termes d’amélioration de la réussite scolaire des étudiants notamment grâce à un certain nombre de réformes. Ainsi les fonds du State Fiscal Stabilization Fund (SFSF) sont-ils conditionnés, comme nous le verrons plus bas, à la conduite de certaines réformes par les Etats. Enfin, dans la mesure où ces fonds ne sont disponibles que pour deux à trois ans, les décisions de dépenses et d’investissement prises ne doivent pas créer d’obligations à l’issue de la période concernée.
La plus grande partie de l’aide allouée par l’ARRA est constituée par les 53,6 milliards de dollars du programme State Fiscal Stabilization Fund (SFSF). Le Département de l’Education devrait accorder sur l’ensemble de la période la somme de 48,6 milliards de dollars aux gouverneurs de façon à faire face aux risques de licenciements dans un premier temps, afin d’impulser un ensemble de réformes dans un deuxième temps. Ces réformes qui visent notamment à améliorer la qualification des professeurs, concernent aussi bien la maternelle que l’enseignement supérieur. Le programme doit de plus permettre la modernisation ou la rénovation de certains locaux scolaires. Le Département d’Education accordera les 5 milliards de dollars US restant aux programmes Race to the Top [2] et Investing in What Works and Innovation [3] A cela s’ajoutent 12,6 milliards de dollars alloués aux fonds Title 1 [4] et IDEA [5] ainsi qu’à d’autres programmes de subventions. Enfin, 8,7 milliards de dollars US ont été alloués au programme Student Financial Assistance (Pell Grants et Federal Work Study).
Le premier rapport trimestriel publié par les Etats souligne l’efficacité de l’ARRA dans la limitation des licenciements voire la création d’emplois liés à l’éducation. En effet, 325.000 emplois ont pu être sauvegardés/créés grâce aux sommes débloquées dans le cadre général d’ARRA. De plus, environ 73.000 emplois ont été sauvegardés/créés grâce au State Fiscal Stabilization Fund, au programme Federal Work Study [6], et du Impact Aid Fund [7]. Ainsi le nombre total d’emplois soutenus grâce à l’ARRA dans le domaine de l’éducation s’élèverait déjà à 400.000.
Les fonds de l’ARRA ont par ailleurs abondé les budgets des universités publiques, leur permettant de limiter l’augmentation des frais de scolarité dans au moins 31 Etats. L’Université du Massachussetts notamment, a pu diminuer de 1500 dollars l’augmentation prévue de ses frais de scolarité. Dans l’Université du Minnesota, ces dotations ont permis de diviser par deux l’augmentation attendue des frais de scolarité. A titre indicatif en effet, sur une dotation d’environ 668 millions dollars reçue par le Massachussetts, 168 millions de dollars sont revenus à l’enseignement supérieur, tandis que sur une dotation de 813 millions de dollars reçue par le Minnesota, 212 millions dollars ont été alloués à l’enseignement supérieur. En Virginie, l’ARRA a permis de maintenir l’augmentation des frais de scolarité au taux le plus bas depuis 2002. Enfin, le programme du Federal Work Study finance près de 8000 équivalents temps-plein travaillés, soulageant d’autant la situation financière souvent difficile des étudiants bénéficiaires.
Les universités publiques de Californie, particulièrement touchées par la crise budgétaire de l’Etat, souffrent d’autant plus qu’elles n’ont pour leur part pas encore reçu partie de ces 4,9 milliards de dollars US alloués par le programme SFSF à l’Etat de Californie, dont 2,6 milliards prévus pour l’enseignement primaire et secondaire, et 537 millions de dollars pour l’universitaire.
S’il est bien trop tôt pour se prononcer sur l’impact structurel des réformes auxquelles est conditionné l’octroi d’une partie des fonds de l’American Recovery and Reinvestment Act, on peut déjà constater l’impact très positif de ces fonds d’urgence dans un contexte budgétaire très dégradé au niveau des Etats fédérés. Inédit par son ampleur et par ses exigences de transparence, ce soutien budgétaire l’est aussi par le degré d’intervention fédérale qu’il représente dans un pays souvent rétif à l’immixtion de l’administration Washingtonienne dans les affaires des Etats.
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[1] LEA : Local Education Agency
[2] "Race to the top" : programme de subventions allouées à certains Etats afin de les encourager ou de les féliciter pour les innovations et les réformes conduites dans le domaine de l’éducation.
[3] "Investing in What Works and Innovation": soutien au développement et à la mise en place de pratiques éducatives novatrices.
[4] Fonds visant à soutenir les élèves défavorisés
[5] IDEA : Individuals with Disabilities Education Act
[6] Ce programme offre un emploi à mi-temps à certains étudiants, sélectionnés sur des critères précis, pendant leurs études secondaires afin de financer une partie du coût de celles-ci.
[7] Le Impact Aid Fund compense financièrement les secteurs scolaires des pertes d’impôts qu’ils peuvent subir. Il s’agit du seul programme dont les fonds sont directement adressés aux secteurs scolaires, ce qui diminue de beaucoup les obligations administratives.
Source :
– California is the First State in Nation to Receive Education Recovery Act Dollars, Office of the governor, 17 avril 2009, https://gov.ca.gov/press-release/12047/
– ED Recovery Act Report: Summary of Programs and State-by-State Data, US department of Education, 2 novembre 2009, https://www.ed.gov/policy/gen/leg/recovery/spending/impact.html
Pour en savoir plus, contacts :
[8] Pascal Delisle, Marion Bruley, BE 181, L’avenir des grandes universités publiques de recherche : l’appel de UC Berkeley en faveur d’une nouvelle donne financière, 23 octobre 2009 https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/60894.htm
Code brève
ADIT : 61423
Rédacteur :
Marion Bruley, [email protected]
Pascal Delisle [email protected]