Plus de laboratoires, plus de formations, plus de chercheurs – Nouveau renforcement de la stratégie quantique nationale américaine

La stratégie quantique nationale lancée en 2018 pour 10 ans connaît un succès unanime et, alors que ses 5 premières années s’achèvent, elle bénéficie d’un second souffle avec de nouveaux ajouts précieux pour maintenir le leadership américain en la matière.
Crédit: IBM Research

 

La National Quantum Initiative Act (NQI) voté en 2018 entend coordonner, à l’échelle fédérale, la stratégie des Etats-Unis pour les sciences et technologies de l’information quantique. Des investissements fédéraux conséquents dans le secteur ont suivi: 400 millions de dollars en 2019, plus de 900 millions de dollars en 2022 et environ 800 millions de dollars pour 2023. Cet effort est cohérent avec le mouvement global de mise en avant des technologies émergentes critiques soutenu aussi par le CHIPS and Science Act de 2022 et visant notamment à assurer au pays son avance technologique. La NQI a été instituée avec un horizon de 10 ans mais ses activités n’ont été formellement avalisées que pour 5. Dans l’optique de son renouvellement, le NQI Advisory Committee a rendu un avis (très favorable) indépendant le 2 juin 2023.

 

La NQI s’inscrit bien dans la tendance politique de l’administration Biden sur les technologies émergentes. Plusieurs axes stratégiques ressortent de la NQI. En premier lieu la lutte contre la Chine – omniprésente dans ces débats – qui investit aussi massivement dans le secteur et perçoit aussi les technologies quantiques comme un enjeu de sécurité nationale. Les Etats-Unis parlent ouvertement de conserver leur domination et suprématie technologique à travers cette avance en quantique. On parle dans ce contexte de collaboration accrue avec les “like-minded” partners. La coopération public-privé revient aussi régulièrement dans les discussions et les politiques actuelles, le monde académique demande notamment plus d’infrastructures partagées au gouvernement fédéral et plus de financements en R&D. Enfin, la question cruciale de la main-d’œuvre est régulièrement abordée, on parle notamment d’accroître la diversité (genre, ethnie) dans ces filières [1].

 

A ce stade les centres de recherche en Quantum Information Science (QIS) sont d’une part les  5 centres NSF Quantum Leap Challenge Institutes : Q-SEnSE (“entangled science” et ingénierie des systèmes quantiques) , HQAN (architectures et réseaux quantiques hybrides), CIQC (quantique computationnelle), QuBBE (capteurs quantique pour la biophysique et la bio-ingénierie), RQS (simulation en quantique robuste). Côté Department of Energy on compte aussi 5 centres : Q-NEXT (quantique next-gen), C2QA (centre de co-conception quantique) SQMS (centre de matériaux et systèmes quantiques supraconducteurs), QSA (accélérateur de systèmes quantiques), QSC (centre théorique de physique quantique). Enfin les 4 centres affiliés au Department of Defense (DoD) dits National Defense Authorization Act (NDAA) : LQC, Air Force Research Laboratory, Naval Research Laboratory, Army Research Laboratory

 

La stratégie quantique nationale adoptée en 2018 va donc être remise à jour avec ce nouveau projet de loi proposé par le comité science, espace, technologie de la chambre des représentants le 3 novembre dernier. Ambitionnant le maintien du leadership américain dans ces sciences et technologies de pointe considérées comme critiques pour l’avenir, ce projet vise notamment à élargir le réseau des centres dédiés aux technologies quantiques de l’information (QIS) cités ci-dessus pour tout a la fois susciter l’innovation, favoriser le transfert de technologie vers les applications commerciales et former les futures générations dans ce domaine qui verra une forte croissance dans les années à venir. Le projet de loi appelle aussi le gouvernement à développer une stratégie permettant des efforts de recherche conjoints avec les alliés des Etats-Unis, dans la perspective explicite de contrer les efforts de la Chine et de la Russie.

 

Dans le détail, les mesures proposées incluent:

  • Autoriser le NIST a créer 3 centres supplémentaires pour faire progresser la recherche dans les domaines des capteurs quantiques, de la métrologie et de l’ingénierie;
  • Renforcer les programmes de la NSF dans le domaine de la formation pratique (stages) des étudiants et de la formation de la main d’oeuvre en général;
  • Autoriser la NSF a créer un nouveau hub de coordination multidisciplinaire afin de favoriser les passerelles entre les institutions d’enseignement et l’écosystème industriel du quantique au sens large;
  • Création de nouveaux bancs de tests quantiques par la direction de la technologie, de l’innovation et des partenariats (TIP) de la NSF;
  • Inciter le Département de l’Energie (DoE) a developper une stratégie favorisant la commercialisation du calcul quantique;
  • Autoriser le DoE a soutenir le développement de fonderies quantiques afin d’assurer l’approvisionnement adéquat en matériaux et appareillages nécessaires à la supply chain quantique;
  • Autoriser les activités de R&D quantique à la NASA ainsi que la création d’un institut quantique au sein de l’agence;

 

A ce stade, il faut toutefois noter que le projet de loi n’inclut aucun plan de financement des actions annoncées. Des observateurs font à cet égard remarquer que, lors de l’adoption de la loi initiale sur le plan quantique de 2018, les financement estimés n’avaient in fine pas été complètement obtenus sur la durée du plan. Il sera donc nécessaire d’être vigilant pour s’assurer que les mesures annoncées entrent effectivement en vigueur dans les prochains mois / années.

 

Références :

[1]Bilan au Congrès de 5 ans de stratégie quantique nationale, Juillet 2023

Rédacteur : Antoine Glory, Chargé de mission pour la Science et la Technologie, Ambassade de France à Washington D.C., [email protected].

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