Physique des particules: une étrange oscillation de muons

Anneau Muon 2-g utilisé au FermiLab pour la mesure des oscillations des muons (Image: Reidar Hahn/FermiLab)

De nombreuses expériences sont menées quotidiennement dans des accélérateurs de particules pour comprendre les propriétés exotiques des muons qui peuvent bouleverser les lois de la physique telles que nous les connaissons aujourd’hui. Au laboratoire national des accélérateurs Fermi (FermiLab) près de Chicago aux Etats Unis 1, les muons sont mis sur le devant de la scène grâce à des oscillations inattendues, aussi appelées moment magnétique, qui pourraient perturber l’ensemble des fondements scientifiques 2. La meilleure explication jusqu’à présent est que le muon est poussé par un type de matière et d’énergie encore complétement inconnu de la physique 3.  Si le résultat s’avère correct, cette découverte représente une réelle avancée dans la physique des particules depuis les 50 dernières années, lorsque les premières théories ont été développées.

Le muon est une particule élémentaire qui possède les mêmes propriétés que l’électron, y compris la charge, mais est doté d’une masse 207 fois plus grande 4. L’expérience faite sur l’anneau Muon 2-g du FermiLab consiste en l’accélération et la collision de deux particules non élémentaires (ou composites) dans des conditions de champ magnétique intense et de très basses températures (-267 °C). Cette collision produit une force de 13 téraélectronvolts 5 et l’apparition d’une particule, le muon, qui va osciller lorsqu’il se déplace au travers du champ magnétique. Une fois apparu, le muon est instable et va se désintégrer radioactivement en 2.2 millionièmes de seconde 6. Les muons sont également dotés d’un spin, qui leur procure une propriété d’oscillation, tel de petits gyroscopes, sous l’effet d’un champ magnétique 7.

Les chercheurs ayant mené les expériences au FermiLab ont remarqué que l’oscillation de ces muons était inhabituelle et déviait de ce que le modèle standard prédit. Celui-ci, développé en 1970, décrit 3 des 4 forces fondamentales existantes dans l’univers 8,9. Dans le modèle standard de la physique des particules, des calculs très stricts sur la façon dont les muons doivent se déplacer sont établis. Une théorie de la physique quantique soutient que les particules peuvent soudainement apparaître et influencer un élément avec lequel elles interagissent avant de disparaître à nouveau.

Les mesures faites reflètent les interactions du muon avec le reste de l’univers. Les résultats obtenus au FermiLab montrent en l’occurrence que le muon est sensible à quelque chose qui n’est pas décrit dans la théorie, des forces non connues actuellement.

Il ne s’agit pas d’une première expérience du genre. En effet, ces derniers résultats font écho à de précédentes expériences similaires réalisées en 2013 et 2018, qui nécessitent malgré tout davantage de vérifications et de validations avant de prendre pour acquis ce phénomène 10. Cette oscillation peut en effet être un hasard statistique évalué à environ 1 chance sur 40.000, soit un niveau de confiance de 4.1 sigmas si l’on reprend le jargon statistique utilisé. De manière générale, les chercheurs requièrent un niveau de satisfaction de 5 sigmas qui correspondrait à 1 chance sur 3,5 millions pour considérer ce phénomène comme autre chose qu’un simple hasard 3.

Les physiciens du FermiLab, sont relativement confiants sur le fait que le phénomène soit réel et non lié à un hasard statistique. Selon eux, la raison pour laquelle cette mesure ne correspond pas aux prévisions du modèle standard (censé expliquer les interactions entre les particules subatomiques) est que ce dernier ne prend pas en compte l’existence d’autres particules exotiques et leurs énergies associées encore non découvertes, et qui seraient à l’origine du vacillement de ces muons. Ce modèle standard reste inchangé depuis 1970, mais sa robustesse et sa fiabilité ont été démontrées depuis la mesure du quark top en 1995 11, du neutrino Tau en 2000 12 et du Boson de Higgs en 2012 13.

Ceci étant, des calculs publiés le 7 avril dernier dans la revue Nature 14 estiment que ces observations seraient ordinaires. Selon ces calculs, l’oscillation du muon rentre complétement dans les prévisions obtenues comme elles attribuent une valeur beaucoup plus grande aux incertitudes dans l’équation qui prédit le mouvement du muon. Néanmoins, ces prévisions se basent sur des calculs et hypothèses relativement différentes de ceux du modèle standard, et qui restent à valider.

En somme, il est encore relativement précoce d’annoncer l’existence d’une nouvelle catégorie de particules exotiques responsables de l’oscillation inédite des muons. D’autant plus qu’aucun accord n’est établi avec certitude sur comment les 17 particules subatomiques décrites par le modèle standard interagissent avec les muons.

Rédactrice :

Lynda Amichi, Attachée adjointe pour la Science et la Technologie à Houston

Références :

  1. FermiLab | Home. https://www.fnal.gov/.
  2. Science, B. T., Live. A Newly Reported Muon Wobble Could Break Physics as We Know It. ScienceAlert https://www.sciencealert.com/a-tiny-muon-s-wobble-could-break-physics-as-we-know-it.
  3. Garisto, D. Long-Awaited Muon Measurement Boosts Evidence for New Physics. Scientific American https://www.scientificamerican.com/article/long-awaited-muon-measurement-boosts-evidence-for-new-physics/.
  4. Muon. Wikipédia (2021).
  5. CMS Collaboration. Performance of the CMS muon detector and muon reconstruction with proton-proton collisions at $\sqrt{s}=$ 13 TeV. J. Instrum. 13, P06015–P06015 (2018).
  6. Radioactivite : Muons. https://www.laradioactivite.com/site/pages/Muon.htm.
  7. Muon collider. Wikipedia (2021).
  8. Standard Model. Wikipedia (2021).
  9. Le Modèle standard. CERN https://home.cern/fr/science/physics/standard-model.
  10. First results from FermiLab’s Muon g-2 experiment strengthen evidence of new physics. https://news.fnal.gov/2021/04/first-results-from-FermiLabs-muon-g-2-experiment-strengthen-evidence-of-new-physics/.
  11. Top quark. Wikipedia (2021).
  12. Tau neutrino. Wikipedia (2021).
  13. Higgs boson. Wikipedia (2021).
  14. Borsanyi, S. et al. Leading hadronic contribution to the muon magnetic moment from lattice QCD. Nature 1–5 (2021) doi:10.1038/s41586-021-03418-1.

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