"Les universités américaines portent le même nom générique que les universités françaises mais leur réalité est différente : elles constituent, pour les plus réputées, un vrai système économique intégré, puissant financièrement et, extrêmement organisé, intimement lié au monde de l’entreprise, (…)". Cette citation de notre Ambassadeur aux pôles de compétitivité, S.E.M. Tordjman, trouve cette semaine sa parfaite illustration dans la presse bostonienne de ces derniers jours.
Alors que les rentrées sont mauvaises, que la conjoncture fait craindre des licenciements massifs, l’Etat du Massachusetts, comme beaucoup d’autres sans doute, s’intéresse vivement aux établissements d’enseignement supérieur. En effet, ces derniers sont exemptés d’impôts fonciers. Du coup, certains élus, dont le candidat à la mairie Michael Flaherty, font savoir que les universités devraient "équitablement payer leur part des impôts fonciers". Acculé, l’actuel maire de Boston, M. Thomas M. Menino, a du mettre sur pied un groupe de travail spécifique sur la question.
L’installation de ce groupe de travail coïncide avec la publication d’une étude d’impact financée par la prestigieuse université Harvard mais conduite par un cabinet new-yorkais : "Investir dans l’innovation ou l’impact économique de l’Université de Harvard dans la région de Boston (janvier 2009)". Alors que le Massachusetts axe sa stratégie de développement sur l’économie du savoir, sur les sciences de la vie et la constitution d’un pôle d’attractivité et de compétitivité, l’étude met le doigt où cela fait mal ! Le propos peut se résumer au dicton français "ne touchez pas à la poule aux oeufs d’or"!
Plus sérieusement de quoi s’agit-il ? En deux mots, l’étude explique, graphiques et démonstrations à l’appui, que Harvard attire à elle seule chaque année 3 milliards de dollars de l’extérieur (frais de scolarité, fonds de recherche, donations, etc.) qui profitent directement sous forme de dépenses à l’état du Massachusetts. En employant 18.000 personnes, l’Université contribue également à créer un volume d’emploi multiplié par deux par l’intermédiaire des dépenses de biens et services, des dépenses réalisées par les étudiants et les employés et la création des entreprises issues de la recherche. Au total, l’étude signale que Harvard procure 51.000 emplois, directs ou indirects, et 4,8 milliards de dollars d’activité à l’économie du Massachusetts. Cerise sur le gâteau, l’étude parvient même à établir que l’Université fournit une sorte de fonds de roulement économique à la région ; ainsi, entre 2000 et 2002, alors que la région de Boston enregistrait une chute de 3,3% de l’emploi, l’université augmentait ses effectifs de 2%.
Mais ce n’est pas tout, l’Université joue aussi un rôle majeur dans le domaine de la construction (+ 100.000 m2 construits en cinq ans pour une valeur de 2,26 milliards, soit 2 700 ETP créés dans la région!) et attire environ 1 milliard de crédits fédéraux de recherche. Non sans flagornerie, tout ceci fait dire au porte-parole de l’Université que son établissement "constitue une sorte de ressource régénérative pour l ‘économie".
Mais tout ceci n’empêche pas que les temps deviennent difficiles. On ignore si la prestigieuse université Harvard est victime ou non de la carambouille Madoff mais il est désormais public que le fonds de réserve de l’établissement est passé de 37 milliards à 29 milliards de dollars entre juillet et novembre 2008. Quand on sait que les produits du fonds couvrent un tiers du budget opérationnel de Harvard, il est légitime de penser que la crise financière ne sera pas sans conséquences dans le fonctionnement de l’université.
Source :
– "Harvard infuses local economy with talent, dollars", Harvard Gazette, 15/01/09 – https://www.news.harvard.edu/gazette/2009/02.05/99-jobs.html
– "Harvard Touts Its Economic Impact", Rebecca Zacks, XConomy, 15/01/09 – https://www.xconomy.com/boston/2009/01/15/harvard-touts-its-economic-impact/
– "Harvard says it adds $5b to area", Robert Gavin, Boston Globe, 15/01/09 – https://www.boston.com/business/articles/2009/01/15/harvard_says_it_adds_5b_to_area/
Pour en savoir plus, contacts :
Investing in Innovation, Harvard University’s Impact on the Economy of the Boston Area, Janvier 2009 – https://www.community.harvard.edu/economic_impact_report/EconomicImpactReport_Jan14-09.pdf
Code brève
ADIT : 57450
Rédacteur :
Antoine Mynard, [email protected]