Partenariat public-privé : une nouvelle dynamique pour l’innovation américaine ?

Dans nos précédentes livraisons, le thème de l’innovation comme enjeu de la compétitivité américaine a déjà été abordé. Nous y relations la volonté constante des autorités fédérales de suivre de près la question mais de ne pas s’immiscer dans ce qui relève de la compétence des états [1]. D’une façon générale, la tâche des autorités fédérales dans ce dossier n’est pas simple puisqu’on ne peut pas véritablement parler d’une, mais de plusieurs politiques d’innovation selon que l’on se situe au niveau local, régional ou fédéral. A ceci s’ajoute le fait que les synergies entre les différents niveaux d’intervention de la puissance publique sont encore mal connues et passablement difficiles à quantifier.

En revanche, la réflexion et les débats ne sont pas interrompus. De nombreux rapports, provenant aussi bien de cercles de réflexion que du travail parlementaire, plaident en faveur d’une meilleure structuration de la politique américaine. Ils retiennent notre attention en raison de leur profondeur et de leur qualité. On peut notamment citer le rapport suggérant la création de "communautés d’innovation" [2] ou encore les nombreux textes sur la réforme du bureau des brevets (USPTO).

Mais un rapport récent nous interpelle particulièrement. Il s’agit d’un papier important car il semble avoir "inspiré" le propos du président Barack Obama [3] de septembre dernier sur l’innovation. L’un des auteurs, Richard Bendis, créateur de la "National Association of Seed and Ventures Funds" (NASVF) aurait vraisemblablement été en discussion avec l’Administration actuelle sur la question de l’innovation dès décembre 2008. Les résultats de ce travail sont parus dans "science progress". Ils mettent en avant la nécessité de créer une structure d’innovation cohérente afin de maintenir la compétitivité du pays et de soutenir la création d’emplois.

Les auteurs partent des efforts en faveur de l’innovation consentis par les précédentes Administrations et recommandent une restructuration complète de la politique d’innovation. Parmi les mesures prises dans les années 90, est la création du SSTI ("State Science and Technology Institute"), une organisation à but non lucratif qui avait pour mission d’améliorer l’économie régionale et fédérale à travers les S&T et l’innovation. Sous la présidence de Bill Clinton, une autre organisation avait vu le jour : l’ "U.S. Innovation Partnership" (USIP) qui était appelée à coordonner les efforts étatiques et fédéraux, à stimuler le développement et l’utilisation des nouvelles technologies. Malheureusement, l’USIP et le poste de sous-secrétaire des technologies au sein du ministère au Commerce ont été supprimés sous l’administration Bush.

En 2005, l’Administration reprend l’initiative en procédant à l’évaluation des programmes de sciences et techniques inter-organismes gouvernementaux avec le NIA ("National Innovation Act" de 2005), le NCIA ("National Competitiveness Investment Act" de 2006) et l’ACA ("The America Competes Act" de 2007). Le résultat de cette initiative est la conclusion qu’une grande quantité de jeunes entreprises innovantes sont incapables de trouver le financement nécessaire au développement et à la commercialisation de leurs produits et services. Une des explications est la baisse sans précédent depuis 1997 de l’investissement réalisé par les sociétés de capital risque. En effet, les "VC", comme on les appelle aux Etats-Unis, ont investi seulement 3 milliards de dollars dans 549 jeunes entreprises selon un rapport de leur association professionnelle [4] ; idem pour les "business Angels" qui ont déployé 26% de capitaux en moins que ceux promis.

Les auteurs proposent un tout nouveau mode de gouvernance des questions d’innovation. Ils le nomment "operating model" ou modèle d’exploitation. Ce modèle contient trois grandes orientations :

1. Instituer un programme de partenariat fédéral en innovation et nommer un conseiller national de l’innovation

Ce partenariat fédéral aurait comme rôle de compenser le manque de coordination de l’innovation et de compétitivité nationale, en identifiant les carences dans certains domaines technologiques, en éliminant les redondances, etc. L’estimation faite pour le lancement de ce programme s’élève à 3 milliards de dollars. Il comprendrait également les mesures suivantes :
– Mesures fédérales en innovation technologique (SBIR, SBTTR, etc.)
– Mesures fédérales de financement de l’innovation (SBIR, crédit d’impôt, etc.)

C’est dans ce cadre (figure 1) qu’interviendrait un conseiller national chargé de l’innovation. Il aurait pour mission d’assurer le suivi et la coordination des investissements entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée, entre les technologies précoces et les technologies à un stade de développement plus avancé.


2. Créer un programme de financement national destiné aux entreprises innovantes au stade de la jeune pousse (figure 1)

Aux yeux des auteurs, il est essentiel de soutenir les petites entreprises qui sont à l’origine des innovations et de la création d’emplois : durant les deux dernières récessions de 1990 et de l’an 2000, les petites entreprises auraient respectivement contribué à hauteur de 89% et 79% des nouveaux emplois. Or seulement 4% des investissements provenant des capitaux-risqueurs ont été investis dans ces jeunes pousses. La pénurie de financement de ces jeunes entreprises est jugée très préjudiciable pour l’économie du pays.

Un rapport de "global insight" de 2007 a indiqué que les starts-up soutenues par les capitaux-risqueurs ont généré pas moins de 10 millions d’emplois (9% du secteur privé de l’emploi) et 2,1 trillions de dollars de chiffre d’affaires (7% des ventes totales).

3. Instaurer un programme de partenariat national public-privé dans l’innovation

Ce programme à but non lucratif encouragerait le partenariat public privé (NPPIP) et aurait comme mission de stimuler le financement des entreprises innovantes de façon équitable et égale à travers les différentes régions des Etats-Unis pendant la phase critique de "la vallée de la mort". Les auteurs suggèrent la création d’un unique programme capable de pallier la pénurie de financement au court du cycle de vie d’une entreprise mais aussi de soutenir la propriété intellectuelle, le transfert de technologie, d’assurer une assistance technique aux créateurs d’entreprises (budget estimé : 200 millions de dollars).

Les recommandations émises dans ce rapport semblent très structurées, raisonnées mais une rapide comparaison entre les budgets prévisionnels des 3 programmes du NIF et les budgets des programmes fédéraux montre bien la faiblesse de ces recommandations face à l’ampleur des tâches à mener. C’est bien là le coeur du problème, quel budget fédéral pour l’innovation ?

[4] "National Venture Capital Association" en collaboration avec PricewaterhouseCoopers

Source :

Merci de vous référer au Figure 6 : https://www.scienceprogress.org/wp-content/uploads/2009/04/bendis_innovation.pdf

Pour en savoir plus, contacts :

– [1] "Une récente découverte américaine, l’innovation technologique !" – BE Etats-Unis 172 (3/07/2009) : https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/59809.htm
– [2] "Consortium sur la création de communautés américaines d’innovation" – BE Etats-Unis 141 (10/11/2008) : https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/56605.htm
– [3] "Plan de relance et politique d’innovation : relations vertueuses" – BE Etats-Unis 179 (2/10/2009) : https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/60705.htm
– Price Waterhouse Coopers, NVCA Money Tree Survey, Full-Year 2008.
– Global Insight, Venture Impact, "The Economic Importance of Venture-Backed Companies to the U.S. Economy," Third Edition, 2007.
Code brève
ADIT : 60836

Rédacteur :

Lynda Inséqué, [email protected] ; Antoine Mynard, [email protected]

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