Une partie de la maîtrise de l’épidémie de Covid-19 passe par une politique de dépistage des infections efficaces. Dans cette optique, la question d’une part de la disponibilité et de la rapidité de retour des résultats des tests, d’autre part de la sensibilité et de la spécificité des tests deviennent cruciales. Or, s’ils se sont améliorés, les délais pour obtenir le résultat des tests, restent encore bien longs. Des chercheurs des universités de Harvard, Northeastern, Northwestern et Rutgers ont ainsi effectué une enquête impliquant 19 000 personnes de 50 États et de Washington, D.C. qui a montré que pour les personnes testées en juillet, le temps d’attente moyen a été d’environ quatre jours. Moins de 40% d’entre elles ont obtenu les résultats en deux jours et environ 10 % des personnes ont déclaré avoir attendu 10 jours ou plus.
Les raisons évoquées de ces délais sont multiples. Environ la moitié des tests de dépistage des coronavirus sont effectués par des laboratoires commerciaux comme LabCorp et Quest Diagnostics. Le nombre de tests en constante augmentation a entraîné une augmentation des délais de traitement, parallèle à l’existence depuis plusieurs mois d’une pénurie plus ou moins importante de certains équipements et réactifs nécessaires à la réalisation des tests.
Processus d’autorisation en urgence (EUA, Emergency Use Authorization)
Pour pallier aux questions de disponibilité, la FDA a autorisé selon un processus d’urgence appelé EUA plus de 200 tests différents de provenance diverses dans le cadre d’un processus d’urgence.
Il existe plusieurs types de tests diagnostiques d’une infection active : 1) Les tests moléculaires qui détectent la présence d’acides nucléiques d’origine virale ie la partie génétique spécifique des virus. Pour les coronavirus, cette partie génétique se présente sous la forme de molécules ARN mais chez d’autres virus elle se présente sous la forme d’ADN. 2) Les tests antigènes qui détectent non pas le matériel génétique mais directement la présence des particules virales, en identifiant des « protéines » présentes normalement à la surface du virus et qui sont qualifiées d’antigène.
Ces tests ont une sensibilité et une spécificité qui varient selon les technologies utilisées ainsi que selon les fabricants.
Tests moléculaires : RT-PCR ou RT-LAMP
Les tests de détections moléculaires du virus SARS-CoV-2 nécessitent tous 1) de convertir l’ARN du virus en ADN grâce à une enzyme appelée Reverse Transcriptase (RT), et, 2) d’amplifier les molécules d’ADN ainsi obtenues pour être détectables.
Cette amplification peut se faire selon une technique dite de Polymerase Chain Reaction (PCR), ou bien de Loop-mediated isothermal AMPlification (LAMP). L’amplification de l’ADN est mesurée au bout de nombreux cycles (RT-PCR classique) ou surveillée en temps réel et l’on parle alors de real time RT-PCR ou rt-RT-PCR.
La sensibilité et la spécificité des tests RT-PCR atteignent généralement des valeurs supérieures à 98%. Ils sont de ce fait considérés comme le gold standard de la détection virologique. Cependant, en raison des difficultés de réalisation des tests RT-PCR, certains Etats et autorités locales se tournent de plus en plus vers les tests rapides dont font partie les tests LAMP. L’amplification LAMP en effet est moins chère, plus simple à réaliser et utilise moins d’équipement et de réactifs que l’amplification PCR. Par ailleurs, la détection du virus dans l’échantillon après amplification est colorimétrique et réalisable à l’œil nu.
Il existe une dizaine de tests LAMP disponibles mais le plus connu est actuellement celui de Color Genomics. Créée il y a sept ans, Color Genomics est une société spécialisée dans la vente de tests génétiques. Elle a déjà levé 215 millions de dollars auprès de capitaux-risqueurs et a reçu des subventions à hauteur de 4,6 millions de dollars dans le cadre du programme « All of Us » du NIH qui vise à séquencer le génome de 1 millions d’Américains. Les données déclaratives de sensibilité et de spécificité publiées par Color Genomics atteignent 100%. L’entreprise a augmenté la sensibilité et la spécificité de son test LAMP en incluant une étape supplémentaire d’extraction et de purification de l’ARN viral. Cette étape supplémentaire lui fait perdre un peu de la rapidité habituelle du test LAMP classique, qu’elle compense par une grande automatisation de sa chaîne de production. Color Genomics serait à même de gérer actuellement jusqu’à 10 000 tests chaque jour.
La ville de San Francisco a commencé à travailler avec Color Genomics début avril 2020, et l’entreprise, prend en charge actuellement environ la moitié des tests quotidiens qui y sont effectués. Color Genomics participe en effet au programme CityTestSF, qui propose des tests sur rendez-vous aux résidents de San Francisco et aux travailleurs essentiels. L’entreprise s’est aussi associée avec l’Université de Californie du Sud pour tester les étudiants et employés de l’Université, ainsi qu’à United Airlines, qui proposera à partir du 15 octobre à tous ses passagers voyageant de San Francisco vers Hawaï des tests COVID-19.
Autre test basé sur un système d’amplifications isothermes, le test ID NOW de Abbott est utilisé par la Maison-Blanche. Cependant, des chercheurs de NYU ont montré avec leurs échantillons propres qu’il « rate » 48% des positifs identifiés par un test concurrent (Cepheid, voir 1, 2, 3 , 4) .
Le NIH et certains Etats misent sur les promesses du test antigène de Quidel
Les technologies de dépistages moléculaires ne permettant pas de répondre actuellement à la demande croissante en tests nécessaires, l’une des solutions identifiées repose sur une offre de tests antigènes rapides et, théoriquement, à faibles coûts. Les tests antigènes sont cependant considérés comme présentant une sensibilité faible, et responsables de la non détection d’un nombre trop importants d’échantillons positifs.
A ce jour, seuls les deux tests antigènes de Quidel et Becton Dickinson bénéficient du statut EUA de la FDA. Initialement, le test de Quidel présentait d’après le fabricant une spécificité de 100% (0 faux positif) mais une sensibilité normalement considérée comme « inacceptable » de 80%. Le test de Becton Dickinson présentait d’après le fabricant des niveaux de sensibilité similaires. Plus récemment, Quidel semble avoir considérablement amélioré la sensibilité de son test antigène, qui atteint toujours d’après le fabricant un taux de 96,7% et une spécificité de 100%, soit des performances similaires aux tests RT-PCR. La validation de ce seuil en clinique représenterait une étape cruciale dans la banalisation de l’usage et l’acceptabilité des tests antigènes Covid-19.
Le NIH soucieux d’augmenter massivement les capacités en tests des Etats-Unis a mis en place une initiative appelée RAD-x dans l’objectif de pouvoir tester d’ici décembre 2020 plusieurs millions d’américains par jour. Parmi les projets retenus et financés, figure justement le test antigène de Quidel qui a reçu $71 millions pour faire passer ses capacités de production de 84 à 220 millions de tests par an. Parallèlement, les gouverneurs de sept États, trois républicains et quatre démocrates, ont conclu un accord, en matière de tests. C’est ainsi que la Louisiane, le Maryland, le Massachusetts, le Michigan, la Caroline du Nord, l’Ohio et la Virginie vont se coordonner pour acheter trois millions de tests antigènes à Quidel et Becton Dickinson.
Les données d’efficacité comparative obtenues par la FDA montrent que certains tests LAMP ont des performances autant si ce n’est plus sensibles que les tests RT-PCR
La question de l’efficacité comparative des tests reste épineuse. La FDA a donc entrepris à partir de l’ été 2019 d’évaluer tous les tests ayant reçu une EUA à l’aide d’échantillons viraux standardisés. Les fabricants doivent déterminer dans un premier temps sur un échantillon de concentration connue la limite de détection (LdD) de leur test en suivant un protocole de dilution sérielle standard. Puis ils réalisent à l’aveugle une étude de confirmation permettant non seulement de corroborer la LdD, mais aussi d’identifier une éventuelle réactivité croisée avec le virus MERS-CoV. Les résultats sont exprimés en NDU/ml, un chiffre est d’autant plus bas qu’il indique une meilleure efficacité.
La FDA a déjà contacté les fabricants de 165 tests ayant obtenu une EUA et publié dans un mémoire les données comparatives de 82 d’entre eux, soit la moitié, pour lesquels les résultats étaient exploitables.
Il est intéressant de noter que :
- Un test, le Phosphorus COVID-19 RT-qPCR Test, démontre une réaction croisée avec le MERS-CoV-2 indicatif d’une faible spécificité.
- 16% de ces tests (n=13) ont un seuil de détection anormalement élevé de 10 fois supérieur au test de référence du CDC ce qui indique une très mauvaise qualité de détection. Figurent notamment dans cette catégorie des tests RT-PCR commercialisés par des grands groupes de diagnostic, comme le IDNow d’Abbott, le test RT-PCR de LabCorp, le TaqPath de Life Technologies (Thermo Fischer), un test de Qiagen ou de Luminex.
- Une grande majorité (83%) des tests ont cependant un seuil de détection meilleur (61%) voire équivalent (22%) au test de référence du CDC .
Les résultats de quatre tests LAMP sont inclus dans le tableau d’efficacité comparative de la FDA :
- trois montrent un seuil de détection trois fois meilleur (n=2) ou équivalent (n=1) au test RT-PCR de référence du CDC
- Seasun Biomaterials: AQ-TOP COVID-19 Rapid Detection Kit
- Sensibilité 100%, Spécificité 100% (données fabricants)
- 6000 NDU/ml
- marquage CE
- Sherlock BioSciences: Sherlock CRISPR SARS-CoV-2 Kit
- Sensibilité 100%, Spécificité 100% (données fabricants)
- 6000 NDU/ml
- Couplé à un système enzymatique CrispR
- Color Genomics: Color Genomics SARS-CoV-2 RT-LAMP Diagnostic Assay2
- 18 000 NDU/ml (equivalent au standard RT-PCR CDC)
- Sensibilité 100%, Spécificité 100% (données fabricants)
- Un, le ID Now de Abbott, présente de moins bonnes performances
- Abbott Diagnostics Scarborough: ID NOW COVID-19
- 300 000 NDU/ml
- Trois tests LAMP dont ceux de Seasun Biomaterials, Sherlock BioSciences et de Color Genomics présentent des limites de détection meilleures ou équivalentes à celle du test RT-PCR de référence des Centers for Disease Control and Prevention (CDC).
De futurs tests LAMP hautes performances pour échantillons salivaires
Plusieurs équipes universitaires se sont aussi lancées dans l’amélioration de la sensibilité du test LAMP. Par exemple, dans un papier publié le 16 juin dans MedRxiv, une équipe de chercheurs de Columbia University dirigée par Zev Williams décrit la mise au point d’un test « LAMP haute performance » salivaire qui aurait une sensibilité de 97% et une spécificité de 100%, et dont les résultats seraient obtenus en 30 minutes. La technologie a été brevetée et licenciée sous le nom de COVI-TRACE à Sorrento Therapeutics et l’équipe a demandé une EUA.
De façon similaire, des chercheurs de la Colorado University, Boulder ont publié dans MedRxiv la mise au point d’un test LAMP, salivaire lui aussi, et capable de fournir les résultats en 45 minutes. Le test aurait une spécificité de 100 % et une sensibilité de 97%. L’équipe de recherche a créé une société, Darwin Biosciences, pour commercialiser le test et une demande d’EUA a été envoyée à la FDA.
Ces données comparatives n’avaient pas encore été étendues aux tests antigènes, mais à l’approche des fêtes et bien que la fiabilité de ces derniers, et donc le risque pris, restaient mal quantifiés, ils étaient devenus partie intégrante de la stratégie de tests utilisés massivement pour pouvoir célébrer en famille les derniers jours de l’année 2020.
Rédacteurs : Anne Puech (SST Boston)