Mois des Femmes : Echange franco-américain sur la situation des femmes en sciences physiques

Malgré le nombre croissant de femmes en science, un réel écart persiste avec les hommes surtout lorsqu’il s’agit d’occuper des postes de haut niveau. Pour un développement équitable et durable, il est indispensable d’identifier l’origine de cet écart et d'encourager la pluralité des idées, des opinions et des équipes. Différentes questions ont été soulevées autour de cette thématique lors d’un échange Franco-Américain organisé par le SST de Houston où plusieurs idées et perspectives ont pu être exposées pour célébrer ce mois des femmes.
Participant(e)s et intervenant(e)s de l’événement « Women in Physical Sciences » venu(e)s de France et des Etats Unis. Description et liens à la fin de l’article.

Le mois de mars est déclaré aux Etats Unis, au Royaume-Uni et en Australie, comme étant le mois historique de la femme, durant lequel la contribution des femmes dans l’histoire et dans la société contemporaine est mise en avant. Cette commémoration trouve son origine en 1978 en Californie. Elle fut en ce temps-là célébrée en tant que semaine historique de la femme et s’est ensuite répandue mondialement et sur une plus longue durée 1.

Dans les domaines scientifiques, l’institut de statistiques de l’UNESCO recense moins de 30 % de femmes chercheuses et seulement 3% de femmes récompensées par les prix Nobel correspondants 2,3. Tandis que les hommes et les femmes sont représentés équitablement dans les domaines scientifiques entre l’âge de 16 et 19 ans, la représentation des femmes se réduit drastiquement lorsque le niveau et les responsabilités augmentent, et ce, malgré les nombreuses avancées et malgré l’augmentation graduelle du nombre de femmes 4. Ce progrès a été néanmoins possible grâce aux projets et aux initiatives concrétisés par les nombreuses organisations gouvernementales et/ou associatives sur une échelle globale qui créent des programmes de soutien, fournissent des financements et des bourses pour promouvoir la parité, encouragent et s’attachent à retenir les femmes dans les filières scientifiques tout en considérant les facteurs déterminant le choix des femmes et des jeunes filles pour poursuivre des carrières scientifiques telles que les considérations familiales, financières, culturelles et discriminatoires 5.

Pour honorer et clôturer ce mois historique, le Service pour la Science et la Technologie à Houston a organisé un événement sous le format d’un webinaire pour traiter du sujet des femmes en sciences physiques lors d’un échange Franco-Américain le 29 mars 2021. Le Consul général de France à Houston, Alexis Andres, a ouvert l’événement avec un discours d’introduction rappelant les efforts menés en France et à l’international, et la nécessité d’une égalité homme-femme dans les domaines scientifiques, majoritairement masculins. La rencontre s’articulait en trois parties lors desquelles six intervenants ont fait part de leurs engagements dans le rétablissement d’un environnement scientifique plus divers et plus équitable.

Au cours de la première partie, nous avons pris connaissance des nombreuses actions et initiatives menées par des associations investies dans la promotion des femmes en sciences. Sandra Robert, directrice générale de l’association américaine Women in Science (AWIS)6,7, et son homologue française, Dominique Chandesris, présidente du comité Femmes et Physique de la Société française de physique (SFP) 8,9 et membre de l’association Femmes et Sciences 10, ont exposé à leur tour les approches respectives de chaque organisation pour faire face aux inégalités de genre en sciences. Plusieurs actions ont été mentionnées visant à encourager les femmes à choisir les sciences mais aussi et surtout à les garder dans ces disciplines. Notons l’identification des sources de financement pour les bourses et pour la recherche, la mise en place d’une charte de parité et l’organisation des sessions « parité » aux conférences organisées afin de veiller à la visibilité du travail effectué par les femmes. L’importance d’un Allyship (pratique qui fait avancer les intérêts d’un groupe commun), de modèles, et toutes les actions menées en faveur du mentorat, ont également fait partie des grands axes sur lesquels ces associations se focalisent. Au-delà de l’aspect financier et de la répartition égalitaire des missions et des postes, les associations mènent un grand travail de sensibilisation au sujet du harcèlement sexuel, des stéréotypes de genre, et de l’utilisation d’une langue sexiste, malheureusement trop répandue dans les milieux scientifiques.

Nous avons dédié la seconde partie de cette rencontre aux témoignages de deux physiciennes, Xandria Quichocho 11, doctorante au Michigan State University et au Texas State University à San Marcos (USA) et Marie-Aude Méasson 12, chercheuse à l’Institut Néel (France). Ces retours d’expériences ont reflété la diversité de parcours très inspirants et le quotidien de chercheuses des deux côtés de l’Atlantique mais qui rencontrent cependant un problème de fond commun. Parmi les actions locales menées, nous retiendrons une solution simple et efficace pour dénoncer des propos sexistes tenus à l’égard de femmes dans un laboratoire de physique. Ces derniers sont retranscrits sur des post-it de la taille de posters et exposés dans la salle café commune. Les réactions de fort rejet par les collègues démontrent l’existence d’un réel problème qui est souvent négligé. De telles actions sont faciles à réaliser, et peuvent avoir un impact positif sur les mentalités en éveillant les consciences de chacun.

La troisième et dernière session a été animée par Sandra Robert. La session a traité de sujets complémentaires en commençant par une comparaison historique des inégalités de genre dans les différentes disciplines des carrières scientifiques. Ce travail révélateur a été réalisé et présenté par Junming Huang 13, chercheur à l’Université de Princeton (USA) qui a mené une analyse bibliométrique des publications scientifiques sur les dernières décennies à partir de la base de données Web of Science 14. Il a constaté que les hommes et les femmes publient un nombre comparable d’articles par an. Pourtant, des différences significatives existent entre les deux sexes dans la productivité totale et l’impact sur les carrières universitaires dans les domaines des STEM. Junming explique que, paradoxalement, l’augmentation du nombre de femmes universitaires au cours des 60 dernières années a accru les inégalités de genre et suggère que la productivité et l’impact des différences entre les sexes s’expliquent par des durées de carrières différentes, avec des conséquences importantes pour les institutions et les décideurs.

Avant de conclure, nous souhaitions rappeler que les femmes font partie d’une minorité sous-représentée en sciences tout comme la communauté afro-américaine, la communauté latine et d’autres ethnies natives américaines. Elsa Gonzalez 15, enseignante-chercheuse à l’Université de Houston, a fait part de son projet de recherche financé par la NSF qui a pour but de comprendre les facteurs qui freinent et empêchent les femmes latines à poursuivre des carrières scientifiques, les moyens mis en place pour y remédier, et comment faire pour les garder. De plus, Xandria Quichocho, qui est également co-organisatrice de l’association Black in Physics, est revenue sur la mission et les engagements menés par l’association pour sensibiliser et rappeler l’importante contribution de la communauté afro-américaine en sciences, et sur l’événement Black in Physics Week organisé en automne chaque année qui, au-delà de la promotion de la communauté, a pour but de favoriser la diversité en physique.

En conclusion, à l’issue de cet échange, nous avons pu constater une similarité dans les problématiques de fond que l’on retrouve dans chacun des 2 pays et que l’on pourrait probablement généraliser sur une plus grande échelle dans une certaine mesure. Les actions menées pour lutter contre ces inégalités de genre en science dans chacune des associations des deux pays (France et USA) sont pour certaines identiques et pour d’autres complémentaires. Nous avons alors rappelé l’importance des collaborations et du soutien national et international pour encourager la diversité en science, et l’existence de nombreux organismes investis dans la répartition égalitaire des rôles pour un environnement scientifique plus équilibré et plus divers.

Intervenants :

Alexis Andres, Consul général de France à Houston.

Renaud Seigneuric, Attaché pour la Science et la Technologie, Ambassade de France.

Lynda Amichi, Attachée adjointe pour la Science et la Technologie, Ambassade de France.

Sandra Robert, Directrice générale de Association of Women in Science (AWIS), USA.

Dominique Chandesris, Présidente du comité Femmes et Physique (Société Française de Physique) et membre de l’association Femmes & Sciences, France.

Junming Huang, Chercheur à l’Université de Princeton, USA.

Marie-Aude Méasson, Chercheuse en physique à l’Institut Néel (CNRS), France.

Elsa Gonzalez, Assistante professeure à l’Université de Houston, USA.

Xandria Quichocho, Doctorante en physique à l’Université de San Marco (Texas) et du Michigan State University (Michigan) et co-organisatrice de l’association Black in Physics, USA.

Rédactrice :

Lynda Amichi, attachée adjointe pour la Science et la Technologie, SST Houston

Références :

  1. Congress, T. L. of et al. Women’s History Month. https://womenshistorymonth.gov/.
  2. Women in Science. http://uis.unesco.org/en/topic/women-science (2016).
  3. Prix Nobel : comprendre la sous-représentation des femmes en quelques chiffres. Les Echos Start https://start.lesechos.fr/societe/egalite-diversite/prix-nobel-comprendre-la-sous-representation-des-femmes-en-quelques-chiffres-1254833 (2020).
  4. Breda, T. 5. Pourquoi y a-t-il si peu de femmes en science ? Regards Croises Sur Econ. n° 15, 99–116 (2014).
  5. Promouvoir la participation des femmes aux processus de prise de décisions | Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. http://www.unesco.org/new/fr/natural-sciences/priority-areas/gender-and-science/womens-participation-in-policy-making-processes/.
  6. Association for Women in Science Names Sandra W. Robert, CAE, New CEO. AWIS https://www.awis.org/awis-names-sandra-w-robert-new-ceo/ (2019).
  7. The Association for Women in Science. AWIS https://www.awis.org/ (2017).
  8. Composantes – Société Française de Physique. https://www.sfpnet.fr/commission/femmes-et-physique.
  9. Accueil – Société Française de Physique. https://www.sfpnet.fr/.
  10. Femmes & Sciences. https://www.femmesetsciences.fr/.
  11. Xandria Quichocho. https://perl.natsci.msu.edu/people/graduate-students/xandria-quichocho/.
  12. (4) Marie-Aude Méasson. ResearchGate https://www.researchgate.net/profile/Marie-Aude-Measson.
  13. Huang, J., Gates, A. J., Sinatra, R. & Barabási, A.-L. Historical comparison of gender inequality in scientific careers across countries and disciplines. Proc. Natl. Acad. Sci. 117, 4609–4616 (2020).
  14. Trusted publisher-independent citation database. Web of Science Group https://clarivate.com/webofsciencegroup/solutions/web-of-science/.
  15. Welcome Elsa Gonzalez. https://www.uh.edu/uh-energy/newsletter/features/Welcome-Elsa-Gonzalez.

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