L’université entrepreneuriale : enjeux et difficultés de l’innovation institutionnelle

Comme nous en faisons régulièrement l’écho, l’entrepreneuriat est de plus en plus reconnu comme un vecteur central de croissance. Les universités, ainsi que les établissements de recherche, par les inventions qu’elles génèrent, jouent un rôle important dans les systèmes nationaux d’innovation. Une question émerge cependant : comment sont-elles préparées pour la transition vers l’économie entrepreneuriale ?

La fondation Kauffman [1] et l’institut Max Planck [2] ont rassemblé plusieurs directeurs d’établissements afin de discuter du futur des universités de recherche. Un point est ressorti : les universités ne peuvent devenir de bonnes "couveuses" d’entrepreneurs si elles ne pratiquent pas elles-mêmes l’entrepreneuriat. Elles doivent, selon les conclusions de cette réunion, "re-conceptualiser" leurs modèles et devenir des "entreprises académiques". Plusieurs établissements aux Etats-Unis ont bien intégré ce modèle : elles rivalisent pour obtenir les meilleurs financements, étudiants, et enseignants- chercheurs ; elles se spécialisent et collaborent avec les autres établissements, les institutions fédérales, les communautés locales et l’industrie. Pour donner une idée, on estime que dans la Silicon Valley, une start-up sur deux est liée d’une manière ou d’une autre à l’université de Stanford.

La diminution des financements publics pour les universités de recherche obligent de plus en plus ces dernières à identifier d’autres sources de financement. Pour pallier à la situation, le modèle de l’université entrepreneuriale utilise des pratiques d’entreprises modernes, notamment la commercialisation de sa propriété intellectuelle. Une autre notion vient s’ajouter à cela, celle de "l’enseignant-chercheur entrepreneurial". Cette culture, qui est bien ancrée dans un très petit nombre d’établissements (les sempiternels MIT et Stanford notamment), est associée à la volonté des universitaires de mettre à profit les résultats de leur recherche. Le discours du MIT par exemple ne pousse pas à la commercialisation dans un but lucratif, l’idée est plus d’offrir aux chercheurs la possibilité d’obtenir une reconnaissance et un rayonnement de leur travail grâce à des applications industrielles. Bien que ces concepts ne fassent pas toujours l’unanimité auprès des chercheurs, force est de constater que la diffusion de cette culture est de plus en plus commune au sein des universités américaines, notamment dans les domaines de la santé, des sciences naturelles et de l’ingénieur.

Créer des universités entrepreneuriales n’est pas une chose simple ; cela requiert de l’établissement une capacité importante d’innovation institutionnelle. Elle exige une réorganisation des départements et la création de nouveaux, notamment de centres spécialisés comme celui des relations industrielles, de preuve de concept, d’entrepreneuriat et d’incubation de jeunes pousses. Afin d’enrichir leur culture entrepreneuriale, d’autres établissements choisissent eux de s’internationaliser. Plusieurs études ont en effet montré que les expériences multiculturelles favoriseraient la créativité, la prise de risque et l’innovation en général, atouts indispensables de l’entrepreneur. Les échanges d’étudiants et d’universitaires, les partenariats avec des entreprises étrangères ou des multinationales sont des moyens efficaces de développer la culture internationale des universités. Les avancées dans les technologies de la communication permettent de nos jours de franchir de nombreux obstacles.

Les efforts des universités pour favoriser la culture entrepreneuriale mettent en exergue les défis et les opportunités qu’elles rencontrent dans cette transition vers une économie plus entrepreneuriale. Il est encore délicat d’en extraire une liste claire de bonnes pratiques. En effet, ce qui marche le mieux dépend de multiples facteurs tels que la qualité de la recherche, les domaines technologiques ainsi que des facteurs plus difficilement quantifiables tels que la facilité de réseautage et la culture d’entreprise d’une région.

Dit autrement, il n’existe pas de recette magique pour favoriser la culture entrepreneuriale au sein d’une université. Une grande part du succès de cette transformation est liée à l’aptitude de l’établissement à interagir avec un maximum d’acteurs de secteurs et d’horizons différents. Il revient à chaque établissement d’élaborer la formule qui se greffera le mieux sur son environnement et sa propre culture. Dans ce sens, les modèles les plus intéressants à étudier d’un point de vue français ne sont pas nécessairement les plus prestigieux, mais bien ceux qui se développent dans des écosystèmes comparables aux nôtres.

Source :

– "The Entrepreneurial University: An Institutional Innovation", Jonathan Ortmans, https://www.entrepreneurship.org/Resources/Detail/Default.aspx?id=20064
– Towards the Entrepreneurial University?, Gibb and Hannon, National Council for Graduate Entrepreneurship, 2009, https://webspace.utexas.edu/cherwitz/https://www/articles/gibb_hannon.pdf

Pour en savoir plus, contacts :

– [1] Fondation Kauffman : https://www.kauffman.org
– [2] Institut Max Planck : https://www.mpg.de/english/portal/index.html
Code brève
ADIT : 59485

Rédacteur :

Yann Le Beux, [email protected]

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