Depuis le 12 mai dernier, l’Etat du Minnesota est le premier état américain à interdire l’utilisation déjà très controversée du composé chimique bisphénol A (BPA) souvent associé à d’autres polymères pour la fabrication de plastiques. Dès janvier 2010, les fabricants de bouteilles, biberons… contenant du BPA n’auront plus le droit de fournir l’Etat du Minnesota, les distributeurs quant à eux, auront jusqu’à 2011 pour écouler leurs stocks. Le 19 mai dernier le Conseil municipal de la ville de Chicago a voté une loi interdisant la vente de biberons et de bouteilles contenant cette molécule et conçus pour contenir du liquide ou des aliments destinés à la consommation des enfants de moins de 3 ans.
Les controverses au sujet de cette molécule ne datent pas d’hier, le 15 août 2008, un rapport de la Food and Drug Administration (FDA) publiait un rapport concluant sur l’innocuité de ce composé sur la santé humaine, aux niveaux d’exposition habituels pour l’homme. Ce constat n’est cependant pas partagé par plusieurs scientifiques indépendants tels que Negin Martin et Heather Patisaul du National institute of environmental health sciences (NIEHS), qui reprochent à l’Agence de ne retenir que les arguments avancés par les études financées par l’industrie du plastique, créant "un faux sentiment de sécurité". L’année dernière, Tony Clement, le ministre fédéral pour la Santé avait déclaré : "bien que nos recherches scientifiques affirment que les niveaux d’exposition actuels des nouveau-nés et des enfants en bas âges sont en dessous des doses dangereuses, nous estimons que la marge de sécurité devrait être plus élevée". La FDA s’est engagée à réétudier la question.
L’American Chemistry Council (ACC) avance l’argument que malgré toutes les études scientifiques menées aux Etats-Unis et en Europe sur les effets du bisphénol A sur la santé humaine, aucun effet négatif n’a pu être prouvé. "Cette nouvelle loi est contraire au consensus mondial sur la sécurité du BPA et ignore les expertises des scientifiques et des organismes gouvernementaux du monde entier", a déclaré Steve Elliot, chef exécutif de l’ACC.
Le Bisphénol A (BPA) est un composé organique aromatique issu de la réaction entre deux équivalents de phénol et un équivalent d’acétone. Comme le nonylphénol, le bisphénol A est un oestrogéno-mimétique capable de se lier au récepteur ? des oestrogènes. Son action serait environ 1000 fois inférieure à celle de l’oestradiol. Les études montrent qu’il est toutefois fréquemment retrouvé dans notre environnement (environ trois millions de tonnes de BPA sont produites chaque année dans le monde). Un taux urinaire élevé de ce xoenostrogène a été corrélé avec la survenue du diabète, de maladies cardiovasculaires, et d’anomalies hépatiques. L’exposition au bisphénol A rendrait aussi la chimiothérapie moins efficace chez les patients cancéreux. En tant que perturbateur hormonal, certaines études ont également montré que ce composé pouvait affecter la reproduction d’animaux de laboratoire, et pourrait donc être un des nombreux facteurs de délétion de la spermatogenèse chez l’homme. Le bisphénol A s’accumule dans les tissus gras. L’intoxacation humaine se fait essentiellement par ingestion mais un passage par les voies respiratoires ou la peau est également possible.
Aux Etats-Unis, les principaux détaillants et fabricants, tels que Wal-Mart et Toys R Us, se sont engagés à éliminer l’utilisation du BPA dans les produits pour enfants. En Mars dernier, six fabricants de biberons (Avent, Disney first year, Philips) ont confirmé leur intention de cesser d’utiliser le BPA dans leurs produits destinés au marché américain, mais ils continueront la vente au Royaume-Uni. L’Agence britannique des normes alimentaires considère que le taux de BPA présent dans les produits en plastique est "bien au-dessous du niveau considéré comme nocif". En France, dans un communiqué du 13 novembre 2008, l’agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) s’est alignée sur les conclusions de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) selon lesquelles l’exposition des nourrissons au bisphénol A est largement inférieure à la dose journalière tolérable (DJT) qui est (comme aux Etats Unis) de 0.05 mg par Kg de poids corporel. Cependant depuis début 2009, la polémique enfle également en France, le Réseau environnement santé (RES), qui regroupe associations, ONG et scientifiques, demande aussi "l’interdiction du BPA dans les plastiques alimentaires". Un certain nombre de fabricants (Dodie, Béaba, Médala) annoncent qu’ils s’engagent à proposer des biberons "garantis sans bisphénol A".
L’Office public de santé du Canada, a classé le bisphénol A au rang de substance dangereuse, depuis le 18 avril 2008. Le Canada a été ainsi le premier pays à classer au rang "des toxiques" cette substance, ce qui devrait amener Etats-Unis et Union européenne à revoir leurs conclusions. Aux Etats-Unis d’autres Etats du pays, Californie, New York et Connecticut suivent la voie du Minnesota. Une interdiction à l’échelle nationale devrait être proposée au niveau du Congrès.
Source :
– US State bans BPA in baby bottles, 12 mai 2009: https://www.foodproductiondaily.com/Quality-Safety/US-state-bans-BPA-in-baby-bottles
– Point sur le Bisphénol A, 25 avril 2008: https://www.efsa.europa.eu/EFSA/efsa_locale-1178620753816_1178711326702.htm
– Lang IA, Galloway TS, Scarlett A et Als. Association of urinary Bisphenol A concentration with medical disorders and laboratory abnormalities in adults [archive], JAMA, 2008;300:1303-1310.
– "Le concept de perturbation endocrinienne et la santé humaine" Médecine/Science ; 14 décembre 2008; Volume 23 ; n° 2: https://www.edk.fr/reserve/print/e-docs/00/00/0A/52/document_article.md
– Le gouvernement du Canada protège les familles par la réglementation du bisphénol A, 17 octobre 2008 – https://www.chemicalsubstanceschimiques.gc.ca/challenge-defi/bisphenol-a_f.html
Rédacteur :
Lila Laborde, [email protected] – Adèle Martial, [email protected]