Le traité de libre-échange entre la Colombie et les Etats-Unis

Le traité de libre-échange entre la Colombie et les Etats-Unis a pour objectif de spécialiser la Colombie dans la production agro-industrielle de variétés tropicales, et importer les aliments depuis les Etats-Unis. En 2006, les Etats-Unis et la Colombie ont conclu un traité de libre-échange bilatéral (TLE), qui est toujours en attente d’approbation auprès des congrès des deux pays. Ce TLE s’inscrit dans le contexte de la politique de "Sécurité démocratique" du gouvernement Uribe et dans la lutte contre le "narco-terrorisme" soutenue par les Etats-Unis.

Pour les élites colombiennes, au niveau économique, le TLE est présenté comme la "panacée". Alors que l’intérêt profond des Etats-Unis de signer un traité de libre-échange avec la Colombie n’est pas d’intérêt commercial, ce pays ne représentant qu’une infime partie de leur commerce, leur intérêt est géostratégique. Les Etats-Unis cherchent à consolider leurs sources de matières premières, et surtout d’énergie. Ils convoitent le pétrole colombien et depuis peu les combustibles d’origine végétale, comme le biodiesel de palme africaine, production dans laquelle s’est lancée la Colombie. Lors de la visite du Président Bush à Bogota en mars dernier, il a réitéré sa volonté de travailler avec Uribe pour combattre le "narco-terrorisme" tout en affirmant l’importance du traité bilatéral pour les deux pays.

Les Etats-Unis sont déjà le principal partenaire commercial de la Colombie, destination de près de 50% de ses exportations et origine d’environ 40% de ses importations. La grande majorité des exportations des pays andins vers les Etats-Unis est constituée de matières premières et les TLE reproduisent le modèle productif exportateur primaire, caractéristique de la majorité des économies latino-américaines. Mais selon le Ministre du Commerce, Luis Guillermo Plata, la Colombie doit s’internationaliser et devenir un pays d’exportation.

Les Etats-Unis ont une "superproduction" agricole et ont un besoin vital d’exporter, en fait c’est la principale proposition de ce pays en matière de commerce agricole. Les prix intérieurs des matières agricoles sont plusieurs fois inférieurs aux coûts de production, et l’Etat subventionne chaque tonne produite, car la politique nationale est de garantir la production alimentaire, un enjeu de sécurité nationale. Les denrées agricoles états-uniennes exportées sont donc largement subventionnées.

Comme compensation à la compétition états-unienne, le programme Agro, ingreso seguro (Agriculture, investissement sûr) est mis en place en Colombie, sous-tendu par deux stratégies pour "renforcer les investissements" : 500.000 millions de pesos annuellement pour 10 ans pour "protéger et reconvertir" la campagne, et la composante "Appui à la compétitivité" pour les produits tropicaux seulement. En fait, la politique nationale agricole est dirigée vers le soutien des monocultures pour l’exportation, et non pour les produits alimentaires de base. La proposition du gouvernement colombien avec le TLE est de spécialiser le pays dans la production de variétés tropicales, et d’importer les aliments depuis les Etats-Unis, c’est-à-dire de provoquer la perte de la souveraineté alimentaire colombienne.

Initialement, dans les négociations du TLE Colombie/Etats-Unis, 14 produits étaient qualifiés de sensibles (les mêmes que ceux protégés par le Système andin de bandes de prix depuis 1995), mais finalement seulement trois sont dans l’accord, qualifié comme "sauvegarde spéciale" : le riz, le maïs et les poulets découpés, qui seront soumis à des frais de douanes qui diminueront avec les années. La même méthode a été utilisée au Mexique, en 1994, avec l’Accord de libre-échange nord-américain – ALENA, pour le riz et le maïs, mais n’a eu aucun résultat.

La Colombie envisage déjà de nouveaux accords commerciaux, notamment avec le Canada, et le pays voit grand, comme l’exprime le Ministre du Commerce colombien Luis Guillermo Plata : "Dans les quatre prochaines années, la Colombie entreprendra l’agenda de négociations commerciales et d’investissement le plus ambitieux de son histoire, lequel inclut la négociation et souscription de 20 accords de double contribution et la souscription de quatre nouveaux traités de libre-échange".

Source :

– https://www.bilaterals.org/article.php3?id_article=10928
– https://www.presidencia.gov.co/sne/2006/febrero/27/19272006.htm
https://www.mincomercio.gov.co/eContent/NewsDetail.asp?ID=5713&IDCompany=1

Rédacteur :

Lila Laborde-Casterot ([email protected]), Jean-Pierre Toutant ([email protected])

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