Le système de R&D des États-Unis confronté à de nouveaux équilibres internationaux et appelé à revoir ses politiques d’accès aux métiers de la science

Publication des nouveaux indicateurs science et ingénierie de la NSF

La National Science Foundation (NSF), une des principales agences de financement de la recherche, publie tous les deux ans une série d’indicateurs portant sur les grandes tendances des sciences et technologies (S&T) aux États-Unis. La dernière édition de ce rapport vient de paraître. Elle propose un panorama complet des dynamiques actuelles et une mise en perspective à l’échelle mondiale sur un ensemble de neuf thématiques allant de l’enseignement des STEM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques) à la composition de la main-d’oeuvre scientifique, en passant par les indices de performance de la recherche et la compétitivité des industries de haute technologie, l’innovation, le transfert de connaissances et la sensibilisation du grand public aux enjeux scientifiques.

  1. Des rapports de force en forte évolution dans le paysage de la R&D mondiale

En analysant le classement des dépenses en R&D (publiques et privées) par pays, rapportées aux dépenses mondiales en R&D, estimées à 2 400 milliards de dollars (Md$) en 2019, il apparaît clairement que la R&D demeure entre les mains d’une poignée de pays parmi les plus avancés : États-Unis (27%, soit 650 Md$), Chine (22%), Japon (7%), Allemagne (6%) et Corée du Sud (4%). La France représente 4% des dépenses R&D mondiales avec 72,8 Md$ en 2019.

Mais les pays d’Asie de l’Est et du Sud-Est (Chine, Japon, Malaisie, Singapour, Corée du Sud, Taïwan et l’Inde) prennent une part croissante dans l’augmentation des dépenses de R&D à l’échelle mondiale. La Chine continue à rattraper du terrain sur les États-Unis : la croissance du budget R&D chinois s’établit à environ 10% par an là où les États-Unis stagnent à 5%.

Cette tendance se confirme avec l’analyse des publications scientifiques à l’échelle mondiale. La Chine est en tête de leur production avec 23% des publications scientifiques mondiales, devant les États-Unis (16%), suivis de l’Inde, de l’Allemagne, du Royaume-Uni et du Japon qui se partagent chacun quelques pourcents. Là encore, l’inflation du nombre de publications est beaucoup plus rapide que celle constatée aux États-Unis. Cette tendance se confirme avec la répartition des brevets internationaux, qui a vu la Chine bondir de 16% en 2010 à 49% en 2020. Les États-Unis demeurent les leaders mondiaux de la coopération scientifique : 35% des co-publications internationales incluent au moins un auteur états-unien.

En dépit de la mobilité réduite résultant de la crise sanitaire, les étudiants internationaux inscrits dans des filières scientifiques et technologiques dans les établissements américains ont été 325 000 en 2020 (contre 406 000 l’année précédente). La plupart des étudiants internationaux étudient l’ingénierie, l’économie, les sciences informatiques, les mathématiques et les statistiques.

Aux États-Unis, malgré l’augmentation du financement fédéral de la R&D en valeurs absolues, la proportion globale de la R&D financée par l’État fédéral a diminué depuis une décennie: de 31% en 2010, elle est passée à 21% en 2019. Cette diminution s’explique par une augmentation simultanément plus marquée des financements privés. 

Le financement fédéral revêt une importance capitale pour la recherche fondamentale et la recherche effectuée dans les établissements d’enseignement supérieur. Le secteur public demeure par ailleurs le plus gros contributeur de la recherche fondamentale aux États-Unis (41%), derrière le secteur privé (31%), les organisations non gouvernementales et à but non lucratif (16%) et les universités (13%).

Les établissements d’enseignement supérieur effectuent une grande partie de la recherche fondamentale du pays et dispensent des formations de haut niveau en S&T dont profitent de nombreuses industries. La diminution de la part du soutien fédéral à l’enseignement supérieur pourrait limiter la capacité du pays à maintenir sa R&D à un niveau suffisant et à former une main-d’œuvre qualifiée en STEM.

2. Le constat d’une sous-représentation persistante des minorités ethniques dans les métiers en S&T

La main-d’œuvre en S&T représente 23% de la population active aux États-Unis, dont 16 millions de travailleurs diplômés a minima d’un bachelor’s degree (équivalent licence) et 20 millions de non-diplômés. Elle mobilise donc une portion importante de la société américaine, mais sa structuration interne reflète une profonde inégalité d’accès à ces métiers.

Les hommes, les caucasiens (« Whites »), les asiatiques et les travailleurs nés à l’étranger sont surreprésentés dans ces corps de métier. A l’inverse, les afro-américains (« Blacks »), les hispaniques et les peuples autochtones sont sous-représentés parmi les étudiants en science et ingénierie et parmi les travailleurs en S&T ayant au moins un bachelor’s degree . Ces groupes sont davantage représentés parmi la main-d’œuvre technique non diplômée.

La Maison-Blanche, à travers  son bureau pour la politique scientifique et technologique (Office of Science and Technology Policy, OSTP), a lancé l’année dernière un forum pour ouvrir le débat sur la question de l’accès à la science, reconnaissant de fortes inégalités dans ce secteur. Après une campagne d’auditions publiques et de témoignages, l’OSTP devrait prochainement annoncer une série de mesures pour garantir l’égalité des chances dans l’accès aux métiers de la science.

Le rapport complet est disponible en ligne.

Rédacteur

Julian Muller, Attaché adjoint pour la science et la technologie, Washington – [email protected]

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