Face aux changements climatiques, à l’origine de la fragilisation de nombreux écosystèmes, de nouvelles stratégies de conservation, jugées trop radicales il y a dix ans, sont actuellement débattues par la communauté scientifique américaine. Parmi ces stratégies se trouve la "Manage Relocation" (gestion de la délocalisation d’espèces) ou "assisted migration" (migration d’espèces assistée). Afin d’aider les politiques à évaluer le risque associé à la mise en oeuvre de telles stratégies, un groupe de travail interdisciplinaire, faisant appel à des chercheurs de différents horizons (biologie, droit…), a mis au point un nouvel outil dont le fonctionnement est décrit dans la publication du 25 mai du PNAS ("Proceedings of National Academy of Sciences").
La stratégie dite "Manage Relocation" consiste à volontairement déplacer une espèce dont l’écosystème originel a été fortement fragilisé (en raison du changement climatique ou de l’urbanisation) vers un écosystème d’accueil où les chances de survie seront plus nombreuses. Cette stratégie fait l’objet de nombreux débats étant donné le risque lié à l’adaptation de l’espèce. En effet, deux tendances ont été observées dans le passé. Dans le premier cas, l’espèce délocalisée ne s’est pas adaptée à son écosystème d’accueil. Dans le second cas, elle a envahi l’habitat des espèces endémiques, menaçant ainsi leur survie.
Afin d’évaluer avec plus de précision le risque impliqué par la délocalisation d’espèces, Jessica Hellman et Jason McLachlan de l’Université de Notre Dame, Dov Sax de "Brown University" et Mark Schwartz de l’ "UC Davis" ont mis au point en collaboration avec l’université d’Afrique du Sud un outil visant à calculer la probabilité de succès lors de l’introduction de nouvelles espèces. S’il ne s’agit pas d’un outil délivrant directement des conseils sur la gestion des écosystèmes, il permet néanmoins d’évaluer les chances de succès lors de la délocalisation d’espèces ainsi que les coûts associés. Le groupe interdisciplinaire rappelle cependant que l’outil, financé par la NSF "National Science Foundation" en partenariat avec la fondation privée "Cedar Tree", ne doit pas interférer avec la législation sur les espèces en danger ("Endangered Species Act").
Malgré le développement de cet outil aidant à la délocalisation des espèces, le débat reste présent dans la communauté scientifique. Considérée comme marginale jusqu’à présent, cette stratégie fait maintenant l’objet de discussions en raison de l’émergence de la problématique du changement climatique et de l’urgence d’agir afin de minimiser les impacts déjà visibles. Si les réglementations existantes en matière de préservation des écosystèmes misaient jusqu’à présent sur la capacité des espèces à s’adapter, le changement climatique et l’urbanisation implique de profondes perturbations des espaces naturels sur une échelle de temps de l’ordre de la décennie, ne permettant pas à certaines espèces de migrer naturellement vers des habitats moins fragilisés. De nombreuses connaissances restent cependant à découvrir sur le fonctionnement interne des écosystèmes afin de minimiser les risques liés à la délocalisation d’espèces.
Source :
– Rapid Climate Change Forces Scientists To Evaluate ‘Extreme’ Conservation Strategies, 26/05/2009, ScienceDaily – https://www.sciencedaily.com/releases/2009/05/090525173542.htm
– Notre Dame researchers describe new tool for evaluating "managed relocations", 26/05/2009 – https://newsinfo.nd.edu/news/11757
Pour en savoir plus, contacts :
– Site de la NSF et interview de Jessica Hellman – https://www.nsf.gov/news/news_summ.jsp?cntn_id=114849&org=NSF&from=news
– Site du groupe interdisciplinaire : https://www.nd.edu/~hellmann/MRWorkingGroup/Managed_relocation.html
Code brève
ADIT : 59403
Rédacteur :
Agathe Dumas, [email protected]