L’adoption du budget fédéral de recherche et développement

Le budget fédéral américain consacré à la recherche et au développpement représente annuellement plus de 140 milliards de dollars. L’adoption du budget est un élément clé de la politique scientifique et technologique américaine. En effet, c’est principalement par les choix que fait le Président et le Congrès dans l’allocation des financements fédéraux que transparaissent leurs priorités respectives.

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1. La soumission par le Président de sa demande de budget au Congrès

L’année fiscale (N) débute le 1er octobre (N-1). L’ouverture officielle de la procédure budgétaire commence en février (N-1) avec la soumission par le Président de sa demande de budget au Congrès. La version consolidée présentée par le Président est le fruit d’un long processus de concertation et de négociation avec les agences et Départements (ministères) fédéraux, coordonné par l’"Office of Management and Budget" (OMB) de la Maison Blanche.

2. L’examen de la demande de budget par les commissions du budget du Congrès

La demande de budget est discutée de façon parallèle au Sénat et à la Chambre des Représentants par les commissions du budget. Les commissions du budget tiennent des auditions afin de connaître les positions de l’Administration et de les confronter à celles d’experts issus du monde universitaire ou de l’entreprise, des représentants des organisations nationales, des membres du Congrès et du public. Elles reçoivent aussi l’avis des autres commissions parlementaires en fonction de leur domaine de compétence. Les commissions du budget sont assistées par le "Congressional Budget Office" qui fournit notamment des projections budgétaires et un rapport annuel analysant le projet de budget du Président.

3. L’adoption de la résolution budgétaire

A l’issue de ce processus, chaque chambre rédige sa version de la résolution budgétaire puis nomme des négociateurs ("conferees") afin de résoudre les différences entre les deux versions. Il en résulte un texte unique adopté dans le cadre d’une conférence de conciliation, qui doit être approuvé par les deux chambres.

La résolution budgétaire n’est pas signée par le Président et n’a pas valeur de loi. A ce stade, les crédits ne sont pas alloués et la résolution sert uniquement d’ébauche pour les allocations budgétaires. Elle contient notamment les plafonds de dépenses qui seront utilisés lors du processus d’appropriations.

4. Dépenses discrétionnaires et dépenses obligatoires

Pour que les crédits soient débloqués, les dépenses liées aux programmes du Gouvernement fédéral doivent être autorisées puis "appropriées" (allocations de crédits).

Les dépenses sont dites ou bien discrétionnaires ou bien obligatoires (ou reconduites). Ces deux types de dépenses nécessitent l’adoption de lois d’autorisation qui établissent un programme ou une agence et ses modalités de fonctionnement et autorisent l’adoption d’"appropriations". Les lois d’autorisation peuvent être adoptées à tout moment de l’année. L’"America COMPETES Act", adopté en aôut 2007, autorise par exemple le Congrès à allouer les crédits nécessaires au doublement sur 7 à 10 ans du budget de la "National Science Foundation", du "National Institute for Standards and Technolgy" et de l’"Office of Science du Department of Energy".

Dans le cas des dépenses obligatoires (ou reconduites), l’autorité pour engager la dépense est incluse dans la loi d’autorisation et ne nécessite pas d’avoir recours à une procédure d’appropriations. Cela concerne notamment les dépenses de sécurité sociale et de couverture santé.

Les dépenses fédérales de recherche et le développement sont principalement des dépenses "discrétionnaires", c’est-à-dire qu’elles nécessitent l’adoption d’une loi d’autorisation, puis d’une loi appelée "Appropriations Act" qui va permettre le déblocage des crédits généralement pour une période d’un an. Dans la loi d’"appropriation", le Congrès fournit les "appropriations" de façon globale, en groupant les activités apparentées dans un "compte".

5. La procédure d’appropriations

Chaque année, le Congrès doit adopter une douzaine de lois d’"appropriations" ("regular appropriations") avant le début de l’année fiscale. En pratique, le Congrès a pris l’habitude de fusionner plusieurs lois d’appropriations pour les adopter sous la forme d’un "Omnibus Appropriations Act". Si le processus d’"appropriations" prend du retard, il peut également adopter une ou plusieurs "continuing resolutions" qui ont pour but de reconduire les crédits des Agences jusqu’à ce que les appropriations soient adoptées. En outre, le Congrès peut adopter des lois d’"appropriations" additionnelles ("supplemental appropriations") lorsque les "appropriations" régulières ne sont pas suffisantes ou afin de financer des activités qui n’étaient pas prévues.

Traditionnellement, les "appropriations" sont d’abord introduites à la Chambre des Représentants. La Chambre et le Sénat comprennent chacun une commission des "appropriations" composée de 12 sous commissions (une pour chaque "Appropriations Act"). Les sous-commissions de la Chambre des Représentants conduisent des auditions approfondies, et entendent principalement les agences. Au Sénat, les auditions sont moins approfondies. Les auditions commencent peu après que le Président a soumis sa demande de budget. Cependant, la Chambre des Représentants ne peut pas se prononcer sur les appropriations tant que la résolution budgétaire n’a pas été adoptée par le Congrès. En conséquence, la Chambre des Représentants se prononce sur les différentes propositions de lois d’appropriations entre mai et juillet. Le Sénat apporte ensuite des amendements. Enfin, chaque chambre nomme des négociateurs afin d’aboutir à un texte commun dans le cadre d’une conférence de conciliation. Ce texte est ensuite soumis au vote à la Chambre des Représentants puis au Sénat. Il devient une loi après avoir été signé par le Président.

La procédure d’appropriations est un élément clé. En effet, si une loi d’autorisation traduit une volonté du Gouvernement de financer un programme, ce n’est qu’une fois les appropriations adoptées que cette volonté se traduit dans les faits. Par exemple, de nombreux financements autorisés dans l’"America COMPETES Act de 2007" n’ont pas été "approriés" pour l’année fiscale 2008.

6. Les fonds fléchés ou "earmarks"

Ainsi, des fonds fléchés ("earmarks") peuvent être contenus dans la loi d’"appropriations" ou dans les rapports qui l’accompagnent. Il s’agit d’un processus non compétitif par lequel le Congrès alloue certains fonds pour un objectif particulier. Les fonds fléchés sont souvent marqués géographiquement et politiquement, les membres du Congrès cherchant par là à favoriser leur circonscription. Après un moratoire en 2007, pour 2008, le Congrès a alloué 939 millions de dollars en fonds fléchés pour des projets de R&D civils. Les fonds fléchés représentent près de 10% du budget de la R&D dans le secteur de l’énergie et près de 18% du budget de recherche extramurale du Département de l’Agriculture. A cela s’ajoutent 3,5 milliards de dollars faisant l’objet de fonds fléchés pour la R&D du Ministère de la Défense.

7. Le droit de veto du Président

Si le Congrès détient le "pouvoir du porte-monnaie", le Président peut de son côté choisir de signer la loi d’"appropriations" ou bien d’exercer son droit de veto sur l’ensemble cette la loi. Ce pouvoir est considérable comme l’a illustré l’adoption des lois d’"appropriations" pour 2008 et 2009. Face à des menaces de veto, dans le premier cas, le Sénat et la Chambre ont revu les appropriations à la baisse pour les ramener à un niveau sensiblement égal à celui de la demande de budget du Président.

Dans le second cas, le Congrès a adopté une "continuing resolution" afin de reconduire la plus grande partie du budget 2008 jusqu’en mars 2009 afin de ne se prononcer sur le budget qu’après l’arrivée de la nouvelle Administration.


Source :

– Commission du Budget du Sénat, The Congressional Budget Process – An Explanation, Décembre 1998, https://www.senate.gov/~budget/democratic/the_budget_process.pdf
– HENIFF Bill Jr., Overview of the Congressional Budget Process, CRS Report, 21/10/1999, https://www.rules.house.gov/archives/RS20368.pdf
– HENIFF Bill Jr., Allocations and Subdivisions in the Congressional Budget Process, CRS Report, 29/08/2003, https://www.rules.house.gov/archives/RS20144.pdf
– HENIFF Bill Jr., Formulation and Content of the Budget Resolution, CRS Report, 17/07/2003, https://assets.opencrs.com/rpts/98-512_20030717.pdf
– HENIFF Bill Jr, Budget Resolution Enforcement, CRS Report, 05/03/2001,
https://assets.opencrs.com/rpts/98-815_20010305.pdf
– HENIFF Bill Jr, Budget Reconciliation Legislation: Development and Consideration, CRS Report, 08/12/2009, https://www.rules.house.gov/archives/98-814.pdf
– KEITH Robert, SCHICK Allen, Introduction to the Federal Budget Process, CRS Report , 28/12/2004, https://assets.opencrs.com/rpts/98-721_20041228.pdf

Pour en savoir plus, contacts :

"La gouvernance publique de la recherche aux Etats-Unis : formalisation des priorités nationales de recherche, allocations budgétaires et évaluation" – Estelle BOUZAT – ADIT – 30/05/2008 – https://www.bulletins-electroniques.com/rapports/smm08_035.htm
Code brève
ADIT : 60020

Rédacteur :

Estelle Bouzat, [email protected]

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