Curative Inc. est une jeune start-up californienne fondée en janvier 2020 pour développer des tests pour la septicémie et qui s’est réorientée vers le diagnostic du SARS-CoV-2 au début de mars 2020 après avoir pris conscience du besoin urgent de développer et de produire des tests aux États-Unis [1]. La start-up est soutenue par la société de capital-risque Deep Tech DCVC et est actuellement implantée dans un laboratoire approuvé par le Clinical Laboratory Improvement Amendments (CLIA) à Los Angeles, CA. Fondée par Fred Turner et composée d’une équipe de médecins, de chercheurs, d’ingénieurs en robotique et d’experts de l’industrie de la santé, Curative Inc. est en train de rapidement développer des kits de tests diagnostiquant le COVID-19 sur des échantillons de fluide buccal. Ce type de tests validés scientifiquement se distingue des tests salivaires par le fait qu’ils rassemblent de la matière oropharyngée provenant de la toux en plus de la salive, et pourrait permettre une grande capacité de diagnostic de la population.
Un test des fluides buccaux autorisé par la FDA
Les tests actuels consistent pour la grande majorité à détecter la présence du matériel génétique du virus – son ARN – par la méthode de RT-PCR, sur des prélèvements nasopharyngés des individus testés. Courant avril, la Food and Drug Administration (FDA) a autorisé des diagnostics réalisés sur des échantillons de salive. Ces tests salivaires sont validés scientifiquement et jugés équivalents en performance, voire même plus sensibles, que la détection par voie nasopharyngée. Ils sont prometteurs car ils permettent une approche non invasive, plus simple à mettre en oeuvre, réalisable à domicile par les individus, et ne nécessitant pas l’intervention d’un professionnel médical, réduisant ainsi les risques de propagation du virus.
Avec la volonté d’augmenter la capacité de tests répondant à ces critères de simplicité et de possibilité de déploiement massif, la FDA a autorisé le 16 avril 2020 [2], via une Emergency Use Authorisation (EUA), le test diagnostic des fluides buccaux de la start-up Curative Inc., qui ambitionne de développer le testing de masse aux États-unis et de rendre accessible l’auto-prélèvement.
Le test diagnostic du SARS-CoV-2 de Curative Inc. (Curative-Korva) est basé sur le test classique de RT-PCR destiné à la détection qualitative de l’acide nucléique du SARS-Cov-2 dans les prélèvements oropharyngés (gorge), nasopharyngés, nasaux et buccaux des personnes. C’est ce dernier point qui fait la particularité du kit proposé par la start-up californienne : le terme technique « fluide buccal » désigne un fluide légèrement différent de la salive. Le protocole consiste en premier lieu à faire tousser l’individu, ce qui libère le virus des voies respiratoires supérieures et inférieures. Une partie de ces virus est ensuite captée dans la salive, et s’ajoute aux virus déjà présents dans la salive. Ainsi, l’échantillon rassemble de la matière issue de différentes régions oropharyngées, ce qui permet, selon le CEO de la start-up Fred Turner, d’augmenter légèrement la sensibilité du test.
Le prix d’un kit de test Curative-Korva s’élève à 150 US dollars, et pourrait être inférieur étant donné que le gouvernement fédéral paie 100 US dollars pour un test destiné aux patients de l’assurance maladie.
La validation scientifique de ce test des fluides buccaux
Le test Curative-Korva a fait l’objet d’une évaluation de performance (sensibilité, spécificité) en accord avec les recommandations des autorités de santé publique [3], et d’une étude évaluant l’utilisation d’échantillons de fluide oral pour la détection du SRAS-CoV-2.
Des individus volontaires, 52 au total, ayant déjà effectué ces tests dans des drive-thru à Los Angeles, ont participé à cette étude. Les sujets dont les symptômes étaient apparus plus de 14 jours auparavant et ceux qui n’étaient plus symptomatiques ont été exclus de l’étude. Un clinicien s’est rendu à leur domicile avec un kit de tests qui comprenait des composants pour la collecte de 3 types d’échantillons différents. Les sujets ont été invités à effectuer eux-mêmes la collecte de l’échantillon de fluide buccal et de l’échantillon nasal sous l’observation et la direction du clinicien de l’étude et à placer l’échantillon dans le sac de collecte. Ensuite, le clinicien a prélevé un échantillon nasopharyngé sur le sujet. Les trois échantillons ont été prélevés lors de la même visite dans un délai de 30 minutes. L’analyse des tests a montré une concordance positive et négative de 100 % entre les résultats obtenus lors de l’analyse des échantillons buccaux et ceux obtenus à partir des écouvillons nasopharyngés.
Une seconde étude, avec 28 participants, a été menée et analysée par le laboratoire CMB Laboratories, Cypress, en Californie. Les résultats sont également concordants à 100%.
Ces études cliniques démontrent que les tests de Curative Inc. sur le fluide buccal présentent une sensibilité équivalente à celle des tests sur écouvillon nasopharyngé.
Un déploiement rapide de la capacité visant la réalisation d’un million de tests par semaine fin mai
Curative Inc. a travaillé étroitement avec la ville de Los Angeles pour introduire le dépistage universel dans la région, et multiplie les partenariats pour monter en échelle sur la capacité de tests, notamment avec l’armée de l’air américaine, des Etats et des laboratoires d’universités.
Une première démonstration partenariale ambitieuse avec la ville de Los Angeles
Le maire de Los Angeles Eric Garcetti a annoncé le 29 avril 2020 [4] que tous les habitants de la ville et du comté de Los Angeles auraient désormais accès à des tests gratuits de dépistage du SARS-CoV-2 sur les sites de la ville, qu’ils présentent ou non des symptômes. Los Angeles est l’une des premières grandes villes des États-Unis à déployer un tel effort. Cette ambition de dépistage universel dans la région est le résultat d’un partenariat entre l’administration de la ville et la start-up Curative Inc. qui était, mi-mai, responsable de 95% des tests COVID-19 de Los Angeles. Ainsi, mi-mai 2020, le laboratoire de San Dimas, dans la San Gabriel Valley du Los Angeles County, dispose d’une capacité d’environ 30.000 tests par jour.
Une stratégie de montée en échelle de la capacité de tests
L’augmentation de la capacité de test et la distribution de ces tests est le plus gros goulet d’étranglement au cours de ce mois de mai, selon Fred Turner. Il ajoute dans une interview donnée au média dot.la [5] spécialisé dans l’information à destination de l’écosystème start-up de LA : “Los Angeles a fait un travail fantastique pour mettre en place les infrastructures et la collecte. Il faut maintenant que cela se fasse dans tout le pays.” L’objectif de Curative Inc. est de répondre à la demande nationale en capacité de tests. Pour cela, le CEO considère qu’il faudrait un réseau de plusieurs laboratoires, des “gigalabs” dans tout le pays capables de traiter 50.000 à 100.000 tests par jour, ainsi qu’une augmentation significative de la production des composants physiques qui entrent dans les tests.
L’évolutivité et la montée en échelle de la capacité de tests de la start-up sont rendues possibles d’une part du fait de l’utilisation d’une chaîne d’approvisionnement différente de celle des tests par écouvillonnage nasopharyngé, de sorte que les kits ne sollicitent pas davantage la chaîne d’approvisionnement des prélèvements classiques qui est déjà surchargée, et d’autre part par la force et l’efficacité partenariale de la start-up.
– Accord avec l’armée de l’air américaine pour tester son personnel partout dans le monde et la population américaine
Curative Inc. et Gothams (un accélérateur dans le secteur de l’aérospatial et de la défense) ont annoncé le 23 avril 2020 que la start-up avait signé un accord avec l’armée de l’air américaine pour déployer ses tests de fluides buccaux autorisés par la FDA au personnel militaire américain dans le monde entier [6]. Dans le cadre de cet accord initial, Curative Inc. devait rapidement mettre en place un nouveau laboratoire, pleinement opérationnel dans la semaine suivant l’annonce, pour traiter jusqu’à 50.000 tests par jour pour la présence de COVID-19. Dans les prochaines phases de cet accord, Curative Inc. établira jusqu’à une dizaine de sites de tests à travers les États-Unis pour permettre de tester la population américaine. Chaque laboratoire Curative Inc. aura une capacité d’analyse de 50.000 tests par jour, pour un total national de 500.000 tests par jour.
– Accord avec l’Institut Milken de l’Université George Washington pour augmenter les capacités de test
L’école de santé publique de l’Institut Milken de l’Université George Washington (GW Milken Institute SPH) a annoncé le 29 avril 2020 la signature d’un accord avec Curative Inc. pour fournir un espace de laboratoire à la société afin qu’elle puisse commencer à tester le personnel militaire américain pour le SARS-CoV-2 [7]. L’espace mis à disposition de Curative Inc. par le GW Milken Institute SPH, qui comprend un laboratoire BSL-2 (Biosafety Level 2 Laboratory), est situé à quelques kilomètres du Pentagone et de nombreux immeubles de bureaux fédéraux.
– Accord avec l’Etat du Delaware
Le 11 mai 2020, l’État du Delaware a annoncé qu’il allait procéder à un lancement « en douceur » du test Curative-Korva sur des sites de test communautaires au cours des deux semaines suivantes – un dans le comté de Sussex et un autre dans le comté de New Castle. A.J. Schall, directeur de l’Agence de gestion des urgences du Delaware, a indiqué que cela serait mis en place grâce à un travail en partenariat avec les systèmes hospitaliers du Delaware et d’autres partenaires de santé afin de rendre opérationnel le cadre de test et de stabiliser la chaîne d’approvisionnement [8].
– Accord avec l’Etat du Texas
Le 12 mai 2020, le département de gestion des urgences du Texas a annoncé avoir passé un accord avec Curative Inc. pour acheter 300.000 tests pour un montant de 45 millions de US dollars afin de tester la population carcérale [9].
A cette date, près de 1.800 détenus et 700 employés dans les 104 prisons d’État du Texas avaient été testés positifs au coronavirus, selon les rapports de l’agence. Plus de 72% des détenus testés ont été confirmés comme étant porteurs du virus. Mais avec près de 140.000 détenus dans le Texas Department of Criminal Justice, moins de 2 % de la population carcérale a été testée. Ces données sont un exemple démontrant l’importance d’un déploiement de méthodes de tests non-invasives – et donc plus faciles à implémenter en milieu carcéral – et pouvant rapidement monter en capacité.
Curative Inc. n’a que quelques mois d’existence mais son positionnement judicieux – des kits de tests de fluide buccal, une chaîne d’approvisionnement dédiée – et son pragmatisme – établissement de partenariats pour installer des “gigalabs” de diagnostic – lui permettent de se positionner comme la startup en mesure de déployer à court terme des tests massifs du SARS-CoV-2 à l’échelle de la totalité des USA.
Auteurs : Maëlys RENAUD et Pascal LOUBIERE (SST Los Angeles)
Notes :
[2] https://www.fda.gov/media/137088/download
[3] https://www.fda.gov/media/137089/download
[5] https://dot.la/coronavirus-rapid-test-curative-los-angeles-2645906983.html
[8] https://delawarebusinesstimes.com/news/curative-test-kit-delaware-business/
[9] https://www.texastribune.org/2020/05/14/texas-prisons-coronavirus-tests-curative/