La santé et les groupes de pression, une affaire qui marche

Alors que le dossier de la réforme de la santé prend une place grandissante dans le calendrier politique au niveau fédéral, les groupes de pression sont à la manoeuvre. Ils n’ont jamais été aussi actifs pour faire valoir leurs positions et intérêts. Certes les lobbies ont toujours existé aux Etats-Unis, en particulier dans la capitale fédérale. Mais ce qui nouveau, et que révèle un récent papier du Washington Post, c’est que l’intérêt des grands comptes de la santé et de la pharmacie se porte sur d’anciens hauts fonctionnaires, membres du Congrès ou d’anciens cadres impliqués dans le travail parlementaire. Le journal, qui parle de "porte à tambour" pour relater le phénomène de circulation qui s’opère entre les législateurs et le monde des lobbyistes, évalue à 350 le nombre de personnes appartenant à la sphère exécutive ou législative qui sont passées du côté des groupes de pression.

Comme souvent aux Etats-Unis, les sommes en jeu sont assez colossales. Pour les débats qui entourent l’adoption d’une loi sur une couverture publique, les assurances privées continuent d’exercer de fortes pressions sur les parlementaires. On apprend ainsi qu’aux moments les plus critiques du travail parlementaire, la journée de lobbyiste de haut niveau a atteint quelque 1,4 million de dollars. A ce tarif, personne ne doute de la motivation et de la qualité des représentations faites par d’anciens sénateurs ou autres. Une organisation comme PhRMA (association regroupant des sociétés pharmaceutiques et d’appareillage médical) a récemment doublé son budget consacré au travail de lobby qui a atteint au premier trimestre 7 millions de dollars. Quant à Pfizer, la dépense se monte sur la même période à 6 millions de dollars.

En 2007, déjà, le Congrès s’était ému de ces pratiques, susceptibles de se rapprocher du conflit d’intérêt. Une loi avait même été passée. Elle interdisait aux anciens membres du Congrès d’y introduire leurs clients ou employeurs, d’agir sur d’anciens parlementaires, ou encore d’intervenir auprès de ceux qui fréquentent "des clubs de salles de sport" réservés aux parlementaires. De même, pour la branche exécutive, l’un des premier "executive orders" du Président Obama en janvier 2009 visait à interdire aux agents quittant l’administration de travailler pour des entreprises qu’ils auraient eu à réguler, et ce pour une durée de 2 ans. Mais de toute évidence, ces dispositions ne suffisent pas et à mesure que les décisions se rapprochent sur le dossier médical informatisé et les réformes de santé, l’activité des groupes de pression augmente et les transferts de la sphère publique vers les lobbies de toutes sortes s’accélèrent.

Le bout en vaut la chandelle. Les Pfizer, Eli Lilly, AMA et autre "American Hospital Association", qui ont dépensé 3,5 millions sur ce chapitre entre janvier et mars 2009, ne sont pas des philanthropes. L’action collective auprès du législateur vise à "minimiser les dommages (économiques, ndlr) pour les assurances, les hôpitaux et le secteur dans son ensemble d’un système d’assurance publique" et "à maximiser le potentiel (de marché, ndlr) que représentent les 46 millions d’américains qui n’ont pas d’assurance". Au total, on doit donc se rassurer car les sommes engagées sont infimes eu égard au retour sur investissement. A ceci s’ajoute le fait que les lobbyistes en profitent sans doute pour actionner les parlementaires sur des questions connexes qui coûtent ou rapportent des milliards aux sociétés pharmaceutiques et que le gouvernement fédéral a remis sur le métier : la réforme de l’USPTO (un million de brevets en retard, le dépôt d’un médicament coûte plus d’un million), le système national des brevets, la réforme de la FDA, la relance des programmes d’innovation, etc.

Les groupes de pression ont décidément un avenir radieux en ces temps de crise et de réforme !

Source :

"Familiar Players in Health Bill Lobbying", Dan Eggen et Kimberly Kindy, Washington Post, 06/07/09 – https://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2009/07/05/AR2009070502770.html?wpisrc=newsletter

Pour en savoir plus, contacts :

PhRMA : https://www.phrma.org/
Code brève
ADIT : 59915

Rédacteur :

Antoine Mynard, [email protected]

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