La FDA approuve la consommation de produits issus de bovins génétiquement modifiés

L’autorisation émise par la FDA[1] concerne une modification génomique qui confère aux bovins un poil court. Ce trait est ensuite transmissible à la descendance par reproduction sexuée. Le but est de rendre les bovins plus résistants à la chaleur et limiter le stress lié à des climats plus extrêmes, ce qui permet à la fois d’améliorer la qualité de la viande et la production de lait, mais aussi le bien-être de l’animal, selon la société ayant produit ces spécimens. La modification en question, appelée PRLR-SLICK, est obtenue par édition génomique grâce à l’outil de « ciseaux moléculaires » CRISPR-Cas9.

Ces bovins sont issus de la société Acceligen, filiale de Recombinetics. Cette entreprise de biotechnologies, basée à DePaul dans le Minnesota, est spécialisée dans l’édition génétique animale. En 2020, Acceligen avait reçu une dotation de 748,545 dollars[2] de la Foundation for Food & Agriculture Research (FFAR) pour développer ce projet, notamment en comparant l’effet de la chaleur sur des individus modifiés et non modifiés à la fois sur la production et le bien-être de l’animal[3].

La FDA a considéré que ce cas de modification génomique n’est dangereux, ni pour les bovins, ni pour les consommateurs. Elle a donc émis un avis de faible risque, qui permettra à l’entreprise la commercialisation de produits issus de ces bovidés sans demande d’autorisation préalable.

Ces caractéristiques étant naturellement présentes chez certains individus de l’espèce, la FDA considère que la composition et les propriétés de la viande produite ne devraient pas en être affectées[4]. Cela va permettre à l’entreprise d’éviter un processus long avant la mise sur le marché de ces produits, comme cela a pu être le cas pour d’autres produits issus d’animaux modifiés génétiquement.

C’est en effet la troisième fois que la FDA autorise l’usage, y compris la consommation alimentaire, de produits issus de modification du génome. Le premier à en bénéficier a été le saumon AquAdvantage en 2015[5], modifié génétiquement pour grandir deux fois plus vite qu’un saumon d’élevage classique. Cependant, contrairement au cas de SLICK, il a fallu de longues années à l’entreprise, AquaBounty Technologies, pour obtenir une autorisation[6]. De manière générale, la FDA émet ce genre d’autorisations au compte-goutte, et l’obtention très rapide de cette autorisation par Acceligen, liée aux raisons évoquées plus haut, ne créera pas forcément de précédent.

La candidature d’AquaBounty Technologies pour la consommation d’un saumon modifié génétiquement, avait donné lieu à une pétition[7] en 2011 à l’initiative d’associations de défense de l’environnement telles que EarthJustice ou Greenpeace. Celles-ci voyaient un risque pour l’environnement si des spécimens modifiés génétiquement étaient relâchés dans la nature et trouvaient que les études de risques menées par AquaBounty Technologies étaient insuffisantes, ce qui aurait pu causer un précédent pouvant être utilisé par d’autres entreprises d’ingénierie génétique.

En Europe, la situation autour de la modification génétique d’animaux d’élevage est bien différente de celle des Etats-Unis. A ce sujet, l’European Food Safety Authority (EFSA) déclare qu’ « aucun animal [génétiquement modifié] ou produit dérivé n’est commercialisé dans l’UE et, à ce jour, aucune demande d’autorisation pour un animal GM n’a été introduite dans l’UE »[8].

En France, une commission d’éthique pilotée par l’INRAE, le CIRAD et l’IFREMER s’est penchée sur le sujet. Dans son rapport[9], elle recommande la plus grande prudence autour de cette question : l’usage de ces technologies est fait dans un but de recherche plutôt que pour l’élevage. La question sociale semble également être un point central : les enjeux de communication et d’information de la société y sont soulignés. De manière générale, l’opinion publique semble peser beaucoup sur ces questions bioéthiques. L’usage de la modification génétique est cependant envisagée dans la lutte contre les espèces nuisibles, via une méthode appelée forçage génétique : quelques individus porteurs d’une mutation délétère sont introduits au sein d’une population. Cette mutation est ensuite transmise au sein de cette population par reproduction sexuée. Cette méthode soulève cependant de nombreuses questions, tant sur le plan éthique que sur le plan environnemental, notamment en cas de perturbations importantes des écosystèmes et des chaînes trophiques.

Il faudra environ deux ans avant que les premiers produits issus de ces bovins GM atteignent les rayons des supermarchés. D’ici là, d’autres autorisations pourraient être accordées. En effet, Steven M. Solomon, directeur du Center for Veterinary Medicine de la FDA, a déclaré : « nous espérons que notre décision encouragera d’autres concepteurs à soumettre des produits animaux issus de la biotechnologie à la FDA pour en déterminer les risques »[1].

[1] https://www.fda.gov/news-events/press-announcements/fda-makes-low-risk-determination-marketing-products-genome-edited-beef-cattle-after-safety-review

[2] https://foundationfar.org/news/ffar-grant-evaluates-gene-editing-to-improve-heat-resistance-in-cattle/

[3]https://www.researchgate.net/publication/348335601_13_Generation_of_SLICK_beef_cattle_by_embryo_microinjection_A_case_report

[4] https://www.natlawreview.com/article/first-genome-edited-beef-cattle-cleared-marketing-fda

[5] https://www.fda.gov/animal-veterinary/animals-intentional-genomic-alterations/aquadvantage-salmon

[6] https://www.vox.com/22994946/gene-editing-farm-animals-livestock-crispr-genetic-engineering

[7] https://www.centerforfoodsafety.org/files/final-ge-salmon-citizen-petition-52511.pdf

[8] https://www.efsa.europa.eu/fr/topics/topic/genetically-modified-animals

[9] https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/Avis-12-Comite-Ethique-web.pdf

 

Article rédigé par Marie Poirot, chargée de mission scientifique à Chicago

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