Budgets des agences fédérales américaines (Crédit photo: alfexe, Unsplash)
Année Fiscale 2024
Chaque année les dépenses fédérales américaines sont autorisées par le Congrès à travers douze lois de finances sectorielles: les Appropriations Bills. Dans le cadre de la loi de finances définitive pour l’année fiscale 2024, six d’entre elles ont été signées le 9 mars dernier. Hormis pour le Department of Energy (DOE), le financement de la recherche était en recul pour toutes les autres agences: la National Science Foundation (NSF), la National Aeronautics and Space Administration (NASA), le National Institute of Standards and Technology (NIST), la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) et l’Environmental Protection Agency (EPA) [1]. Le 23 mars 2024, le second lot de lois a été signé, avec une augmentation du budget de la recherche du Department of Defense (DOD) mais une réduction du budget consacré à la recherche fondamentale, et un maintien du budget pour les National Institutes of Health (NIH).
Bien que le Congrès ait augmenté le budget du DOD pour les programmes de recherche, de développement, de test et d’évaluation de 6 % pour atteindre 152 milliards de dollars, la partie consacrée à la recherche fondamentale diminue de 10 % pour atteindre 2,6 milliards de dollars pour l’année fiscale 2024 [2].
Le budget des NIH est quant à lui maintenu à 48,6 milliards de dollars. Ce montant inclut le financement de l’Advanced Research Projects Agency for Health (ARPA–H), à hauteur de 1,5 milliard de dollars. Un budget certes inchangé mais pour lequel un compromis tardif du Sénat et de la Chambre des représentants a conduit à la suppression des avenants limitant certaines études pour les NIH [3].
Finalement, les discours des législateurs pour augmenter les dépenses dans le secteur des sciences et technologies se sont heurtés à la dure réalité des plafonds budgétaires, le Congrès réduisant la part allouée à la plupart des agences concernées pour l’année fiscale 2024. Décevant pour les défenseurs de la science, ce résultat n’est malheureusement pas particulièrement surprenant car il est courant que le Congrès ne respecte pas les objectifs budgétaires qu’il s’est fixés. Dans ce cas de figure, on constate qu’il ne respecte pas non plus les objectifs fixés par le CHIPS and Science Act pour l’année fiscale 2024 [4].
Comparaison des budgets 2024 demandés et finaux des principales agences fédérales
Demande budgétaire 2025
Le président Biden a présenté sa demande de budget au Congrès le 11 mars 2024, et les commissions du Congrès organisent désormais des auditions avec les dirigeants des agences scientifiques afin d’en examiner les détails dans le cadre de la préparation de leurs propres propositions de dépenses [5].
A travers cette demande, le gouvernement cherche à augmenter les budgets 2025 de la plupart des agences scientifiques (hors Défense) bien que les augmentations soient atténuées par les réductions budgétaires que le Congrès vient de leur faire subir pour l’année fiscale 2024 [6].
Le NIST figure parmi les agences les plus favorisées dans la demande budgétaire 2025, avec une proposition d’augmentation de près de 30 % pour atteindre 1,50 milliard de dollars, contre 12% pour la NSF pour atteindre 10,18 milliards de dollars. Des variations moins importantes sont demandées pour les autres agences fédérales, variant de 2% à 8% d’augmentation [7] [8].
En revanche, la proposition budgétaire du président Biden prévoit une réduction de budget concernant deux agences: deux services sur les océans de la NOAA avec une réduction de 11 et 14 %, pour atteindre 646 millions de dollars, et le DOD où des coupes importantes apparaissent dans le portefeuille de programmes scientifiques et technologiques avec seulement 17,2 milliards de dollars demandés contre environ 22 milliards de dollars les années précédentes.
Zoom sur l’audition de la NSF pour son budget 2025
Les commissions du Congrès ont ainsi commencé à organiser les auditions avec les dirigeants des agences scientifiques afin de faire des propositions de dépenses pour l’année 2025. Le directeur de la NSF, Dr. Sethuraman Panchanathan, a été entendu le jeudi 16 mai 2024 par le sous-comité sur la Recherche et la Technologie du Congrès pour défendre les orientations de l’agence dans le cadre de sa demande de budget pour 2025 [9].
Pour rappel, la NSF est l’agence fédérale indépendante qui soutient la recherche scientifique et coordonne la majorité des programmes d’éducation nationaux en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STEM). Elle est depuis sa création en 1950, la première source fédérale de financements pour la recherche fondamentale hors défense et médical aux Etats-Unis.
Après avoir rappelé le rôle fondamental de la NSF dans la construction et le maintien du leadership scientifique américain, Dr. Panchanathan a exprimé son inquiétude face aux régulières coupes budgétaires qui menacent la capacité de la recherche états-unienne à faire face à une concurrence internationale accrue ces dernières années. Les investissements chinois dans la recherche et développement (+10% en 2024) sont pointés du doigt, et le directeur de la NSF appelle à des investissements importants dans les domaines critiques comme la recherche quantique ou l’intelligence artificielle pour permettre aux Etats-Unis de rester compétitifs face à la Chine.
Pour les représentants de la NSF, ces annonces signifient un retard de progression pour l’ensemble des champs d’action, alors que le niveau moyen des jeunes Américains en mathématiques recule et que de nombreux programmes ambitieux sont en cours. Parmi ces derniers, on retrouve par exemple des actions visant à favoriser l’inclusion et la diversité dans le secteur de la recherche [10].
Ce dernier thème est prégnant dans les objectifs présentés par la NSF : il s’agit de mobiliser le “million manquant”, qui désigne les talents issus de la diversité dont l’accès aux carrières dans la recherche et l’innovation reste limité. Ainsi, mobiliser les talents issus des milieux ruraux et défavorisés aux Etats-Unis est une priorité affichée par la NSF, au même titre que maintenir une attractivité nationale pour les étudiants et scientifiques étrangers.
Pour répondre à ces enjeux, et alors que les agences fédérales américaines se préparent à une année budgétaire difficile, quelques espoirs persistent. D’une part, la possibilité de la mise en place d’une suite au CHIPS and Science Act, par le Congrès, qui pourrait inclure des crédits ciblant certains domaines technologiques [11]. D’autre part, la nomination du nouveau haut responsable de l’affectation des crédits à la Chambre des représentants, le député Tom Cole (R-OK), défenseur de longue date de la recherche biomédicale et qui a soutenu des augmentations budgétaires durables pour les NIH par le passé [12].
Rédactrices :
Juliette Falewée, Chargée de mission auprès de la Conseillère Scientifique, Ambassade de France à Washington D.C. [email protected]
Nora Senhaji Rhazi, stagiaire au sein de la mission scientifique, Ambassade de France à Washington D.C.
Références :
[2] Science Agencies Squeezed Under Budget Caps for FY24 and FY25 l AIP, 3 avril 2024
[3] Final NIH budget for 2024 is essentially flat | Science | AAAS, 21 mars 2024
[4] CHIPS and Science Act l AIP
[6] Most Non-Defense Science Agencies Would See Increases Under FY25 Budget l AIP ,12 mars 2024
[7] FACT SHEET: The President’s Budget for Fiscal Year 2025 | OMB | The White House, 11 mars 2024
[8] Federal Science Budget Tracker l AIP
[10] Overview I National Science Foundation (nsf.gov), mars 2024
[11] Schumer Plans China-Focused Follow-Up to CHIPS and Science Act l AIP, 4 mai 2023
[12] AAMC, OU Present Champion of Academic Medicine Award to Rep. Tom Cole | AAMC, 8 mars 2024
