Le terme américain "humanities" désigne les sciences de l’éducation, la sociologie, les sciences politiques, l’histoire, l’architecture et les arts, la littérature et la philosophie. Il est très proche de la notion française de sciences humaines.
Des études longues et incompressibles
Le plus important programme d’amélioration des sciences humaines jamais entrepris aux Etats-Unis a livré ses décevantes conclusions [1] : 6 ans semble constituer un seuil incompressible pour les études doctorales en humanities et le levier financier est quasi impuissant en la matière. En effet, la Graduate Education Initiative mené par l’Andrew W. Mellon Foundation [2] a dépensé 85 millions de dollars pour des aides financières et incitations diverses sur une période de 10 ans auprès de 54 départements doctoraux afin de contribuer à l’amélioration des débouchés et à la réduction de la durée des études sans obtenir de résultats significatifs.
Cette longue durée des études doctorales pèse sur le CV des thésards, grève les budgets des Universités, use et décourage les étudiants. Pourtant, rien n’y fait, non seulement celles-ci durent longtemps aux Etats-Unis mais cela est particulièrement vrai pour les humanities. Aux Etats-Unis, au bout de huit ans, 60% des étudiants en ingénierie et sciences de la vie ont obtenu leur thèse contre 19,6% en sciences humaines.
Le programme susnommé visait un objectif de clôture du doctorat en 6 ans en maniant le bâton et la carotte. Pourtant, seuls six des 54 départements "pilotes" l’atteignirent. Les incitations financières ont certes permis d’éviter des dilutions chronophages des étudiants dans des petits emplois alimentaires mais ils ont aussi encouragés certains profils inadaptés à la recherche. En outre, on note qu’au-delà de huit ans, les chances d’obtenir un poste d’enseignant diminuent. Paradoxalement, les plus rapides sont aussi les plus "productifs" ce qui le favorise sur le marché de l’emploi où le nombre de publications est considéré souvent comme un indicateur de performance.
Une relance du soutien fédéral aux doctorats en sciences humaines
Indépendamment des conclusions du rapport susmentionné, l’American Council of Learned Societies a crée 50 bourses doctorales de haut rang pour les départements de sciences humaines des meilleures universités américaines. Celles-ci offrent la juteuse combinaison d’un versement de 50.000 $ par an plus 5000 $ de bourses de voyage, une assurance maladie ainsi que 1500 $ de frais de déménagement pour une durée de deux ans. En fait, ces allocations s’adressent aux futurs doctorants 2009 n’ayant pas recu de proposition d’emplois comme enseignants. Cette "relance anti-chômage" des docteurs en sciences humaines s’appuie sur les 60 membres de l’Association of American Universities qui choisiront eux-mêmes les nominés et dont l’établissement aura comme obligation:
(i) de payer un tiers de leur allocation doctorale,
(ii) d’offrir des postes, à l’issue des deux annés, aux lauréats.
Le cas des sciences politiques
Symbolisant la tourmente touchant les sciences humaines aux Etats-Unis, un débat houleux a eu lieu au Sénat cette semaine quant à la pertinence du financement des sciences politiques par la NSF. En effet, pour le Sénateur républicain de l’Oklahoma Tom A. Coburn, la majorité des recherches dans ce domaine possèdent déjà leur lot de réponses évidentes. De ce fait, elles contribuent au creusement du déficit public "qui devra être porté par les générations suivantes". La Sénateur Barabara A Mikulski lui a répliqué que la science politique permet notamment de dégager des "perspectives de travail avec les autres peuples de la planète, construire des sociétés et institutions démocratiques". Affaire à suivre…
Source :
– Scott Jaschik, Reforming the humanities Ph.D., Inside Higher Education, 13/10/2009
– Scott Jaschick, Stimulus for humanities Job Market, 13/10/2009
– David Glenn, Senator invokes waterboardig in debate over political-science grants, 14/10/2009
Pour en savoir plus, contacts :
– [1] voir le rapport Educating Scholars: Doctoral Education in the Humanities, Ronald G. Ehrenberg, Harriet Zuckerman, Jeffrey A. Groen & Sharon M. Brucker – https://press.princeton.edu/titles/9073.html
– [2] La Graduate Education Initiative de l’Andrew W. Mellon Foundation : https://www.mellon.org/news_publications/annual-reports-essays/presidents-essays/the-foundation-s-programs-for-research-universities-and-humanistic-scholarship
Code brève
ADIT : 60898
Rédacteur :
Johan Delory, [email protected]