Développement de nouveaux vecteurs pour biomédicaments

Nanoparticle

Introduction

     La grande majorité des médicaments disponibles à ce jour ont pour principe actif des petites molécules issues de la synthèse chimique. Au cours de la dernière quinzaine d’année, les progrès de la biotechnologie ont cependant permis l’émergence de médicaments dont les substances actives sont des molécules thérapeutiques produites par le vivant. Ces biomédicaments, qu’il s’agisse d’anticorps monoclonaux, de protéines recombinantes ou de thérapies à base d’ARN (acides ribonucléiques) sont à l’origine de développement dans de domaines thérapeutiques. On estime aujourd’hui que plus d’un médicament sur deux en développement est un biomédicament. Les développements récents d’anticorps monoclonaux utilisés dans la prise en charge de désordres immunitaires ou des vaccins à ARN contre le COVID-19 illustrent leur grand intérêt.

    Les biomédicaments offrent des avantages certains pour le développement de nouvelles solutions thérapeutiques. Ils permettent en théorie de cibler n’importe quelle protéine de l’organisme, tout en étant plus spécifiques de leurs cibles que les petites molécules chimiques, générant ainsi moins d’effets indésirables. L’utilisation de molécules biologiques se heurte cependant à des difficultés. Ainsi, beaucoup sont trop volumineux pour passer passivement les membranes cellulaires et les ARNs sont des molécules fragiles, facilement dégradées dans le sang et les tissus, éventuellement avant d’atteindre leur cible thérapeutique.

    Ainsi, des progrès sont nécessaires pour permettre un adressage des biomédicaments et pour leur permettre de pénétrer dans les cellules cibles. Deux études scientifiques menées au Georgia Institute of Technology à Atlanta et Broad Institute dans le Massachusetts présentent des avancées dans ces domaines.

Optimisation des nanoparticules lipidiques pour les traitements à ARN par inhalation

  Des nanoparticules lipidiques peuvent être utilisées pour encapsuler des petites molécules ou protéines à potentiel thérapeutiques. Actuellement, des nanoparticules lipidiques contenant de l’ARN sont utilisées dans les vaccins contre le SARS-CoV-2, permettant la libération des ARN à l’intérieur des cellules. L’équipe de James Dahlman du Georgia Institute of Technology et de l’université Emory à Atlanta a développé des nanoparticules lipidiques pouvant être utilisées comme vecteurs d’ARN thérapeutiques et administrées par inhalation pour cibler les poumons (1).

     Pour adapter les nanoparticules lipidiques à une administration par inhalation, les chercheurs ont d’abord optimisé leur composition en testant différentes combinaisons de lipides, polyéthylène glycol (PEG), cholestérol et phospholipides de différentes charges. Ils ont validé leur composition en vérifiant que les nanoparticules formées étaient stables et capables d’englober de l’ARN. Pour confirmer la capacité de ces nanoparticules lipidiques à transmettre l’ARN aux cellules pulmonaires après inhalation chez la souris, les biologistes ont utilisé l’ARN de luciférase. L’expression de luciférase dans les cellules ciblées permet la production de luminescence quantifiable. Ainsi, une luminescence forte dans les poumons après inhalation indique une administration réussie de l’ARN. Les chercheurs ont ainsi pu identifier une composition optimale des nanoparticules lipidiques pour ce type de traitement. Enfin, ils ont démontré que l’expression maximale de la luciférase était de deux jours après inhalation (Figure 1) et que le traitement n’induisait pas de réponse inflammatoire.

Figure 1. Expression de la protéine luciférase (gauche) et luminescence associée dans les poumons de souris (droite) après inhalation (nébulisation). Adaptée de Lokugamage et al. 2021.

       L’équipe imagine des applications de cette technologie pour le traitement des infections pulmonaires ou de pathologies génétiques comme la mucoviscidose. La formule développée a seulement été testée chez la souris, une optimisation supplémentaire sera sans aucun doute nécessaire en vue d’une possible application thérapeutique chez l’homme.

Bio-ingénierie de pseudo-particules virales pour l’administration ciblée de protéines thérapeutiques

         Les nouvelles méthodes précises de modifications du génome, telles que les Editeurs de Bases ou le système CRISPR-Cas9, offrent des espoirs pour le traitement de maladies génétiques héréditaires ou acquises en permettant la rectification des gènes défectueux. Ces méthodes dépendent de complexes ARN-protéines volumineux et peu solubles qui doivent être livrés à l’intérieur des cellules pour en modifier le génome. Une publication dans Cell de l’équipe de David Liu au Broad Institute (Cambridge, Massachusetts) propose d’utiliser des pseudo-particules virales comme vecteurs des complexes ARN-protéines thérapeutiques (2). Les pseudo-particules-virales miment le comportement des virus en libérant leur contenu à l’intérieur des cellules ciblées. Ces particules ne contiennent pas le matériel génétique du virus, elles ne provoquent donc pas d’infection.

         Les chercheurs ont produit en laboratoire, à partir de cultures cellulaires, des pseudo-particules virales dérivées du rétrovirus de la leucémie murine transportant des Editeurs de Base ciblant des séquences de différents gènes comme BCL11A, important pour la production d’hémoglobine sanguine (Figure 2). Ils ont ensuite testé la capacité de ces virus à modifier le génome de cellules en culture. Après optimisation de la composition des pseudo-particules virales, l’efficacité de la modification du génome était de 95% (v4, Figure 2). Les biologistes ont aussi démontré une efficacité similaire du protocole développé pour modifier d’autres gènes dans divers types cellulaires murins ou humains. De plus, ils ont aussi montré que l’utilisation de ces pseudo-particules virales pour transporter des complexes ARN-Cas9 permettaient aussi de modifier le génome efficacement à un gène ciblé, sans modifications délétères d’autres régions de l’ADN.

         Enfin les chercheurs ont vérifié la possibilité de modifier in vivo le génome de souris. Les pseudo-particules virales peuvent être optimisées pour cibler spécifiquement certains types cellulaires, notamment en modifiant les glycoprotéines permettant l’interaction entre les particules et les membranes cellulaires. Ainsi, les biologistes ont pu induire des modifications spécifiques dans des cellules du cerveau, du foie ou de la rétine. Par exemple, ils ont induit une modification avec une efficacité de 63% dans les cellules du foie, du gène PCSK9I impliqué dans la production de cholestérol. Finalement, ils ont pu rétablir partiellement la vue de souris aveugles en modifiant le gène Rpe65 dans la rétine. Ces modifications de l’ADN étaient organe-spécifique et sans effets sur des régions non-ciblées du génome. Ces résultats démontrent l’efficacité des pseudo-particules virales chez la souris pour modifier le génome. Des essais complémentaires devront être conduits pour vérifier leur utilisation potentielle pour des thérapies géniques ciblées chez l’homme.

Figure 2. Modèle de pseudo-particule virale transportant des éditeurs de génome (gauche); Efficacité de modification du génome à différentes doses d’utilisations pour quatre générations de pseudo-particules virales représentant différents cycles d’optimisation (droite). Adaptée de Banskota and Raguram et al. 2022.

 

Rédacteur – Benjamin Boumard, Attaché adjoint pour la Science et la Technologie, Atlanta, [email protected]; Karim Belarbi, Attaché pour la Science et la Technologie, Los Angeles

Photo de couverture : Nanoparticulespour l’administration des biomédicaments, adaptée de Vargason et al. 2021 (3).

REFERENCES

  1. Lokugamage, M. P. et al. Optimization of lipid nanoparticles for the delivery of nebulized therapeutic mRNA to the lungs. Nat. Biomed. Eng. 5, 1059–1068 (2021).
  2. Banskota, S. et al. Engineered virus-like particles for efficient in vivo delivery of therapeutic proteins. Cell 185, 250-265.e16 (2022).
  3. Vargason, A. M., Anselmo, A. C. & Mitragotri, S. The evolution of commercial drug delivery technologies. Nat. Biomed. Eng. 5, 951–967 (2021).

Partager

Derniers articles dans la thématique