Des modèles numériques de dynamique des fluides pour visualiser la propagation de la COVID-19

La transmission du SARS-CoV-2, responsable de la propagation de la COVID-19, a lieu principalement par voie respiratoire. La mise en place d’un outil de modélisation pour simuler le transport des gouttelettes contenant des agents pathogènes émanant de la toux ou d’un éternuement, et la façon dont elles persistent dans les espaces publics, représente un élément essentiel pour comprendre le processus de propagation du virus selon différentes configurations.

Deux équipes des Sandia National Laboratories ont tenté de répondre à ces questions et visualiser les déplacements spatiaux (3D) des liquides et des gaz émis sous forme d’aérosol lors d’une toux ou d’un éternuement.  Les résultats confortent et renforcent l’importance des gestes barrières établis par le Center for Disease Control and Prevention (CDC) : le port du masque, le maintien d’une distanciation physique de six pieds (environ 1,8 mètres), d’éviter les espaces clos et mal ventilés, et de se laver les mains fréquemment, d’autant plus avec l’apparition des nouveaux variants plus transmissibles 1. Les résultats de ces travaux ont été récemment publiés dans les revues scientifiques Atomization and Sprays 2 et Applied Mathematical Modeling 3.

Le modèle de dynamique des fluides utilisé dans ces travaux permet de simuler les différents phénomènes de propagation de particules, telles que celles émises pendant la toux, l’éternuement, la parole et même la respiration, afin de comprendre comment elles véhiculent et transmettent des agents pathogènes en suspension dans l’air. Pour ces simulations, les chercheurs ont pris en compte l’expulsion de « grosses gouttelettes » et de « gouttelettes noyaux », ou aérosols qui persistent après l’évaporation du liquide. Ils ont supposé que les agents pathogènes viraux étaient présents dans les minuscules « gouttelettes noyaux », et que la distribution et la concentration des agents pathogènes pouvaient être représentées par la distribution et la concentration de la vapeur expirée. De plus, les chercheurs ont tenu compte du fait que, dans une toux typique d’une personne malade, environ 35% des gouttelettes peuvent contenir le virus. Les simulations ont considéré les configurations suivantes :

  1. Absence de ventilation, de barrière physique et de masque 

Les plus grosses gouttelettes émises retombent, au plus, à environ 9 pieds (environ 2.7 mètres) de la source d’émission. De plus, les « gouttelettes noyaux », parcourent environ la même distance, mais elles restent en suspension dans l’air plus longtemps, environ 2 minutes, temps nécessaire pour la modélisation.

Une autre modélisation de la dispersion des résidus de la toux dans des espaces ouverts a pris cette fois en compte la position des individus : assis, debout et agenouillé. Le constat est que les personnes debout, exposées à la toux d’une personne agenouillée, ont un risque d’exposition relativement faible par rapport aux personnes assises. Cela était dû à la façon dont les gouttelettes et les aérosols interagissent avec l’air qui se déplace autour des gens. Cette étude permet de visualiser, de quantifier et de mieux comprendre la façon dont les agents pathogènes se propagent bien que les conclusions paraissent évidentes et intuitives.

  1. Port du masque

Selon les résultats des simulations représentées sur la figure [1] ci-dessous, le masque permet de réduire considérablement l’étendue de la matière expulsée lors d’une toux ou d’un éternuement. Selon ces résultats, nous pouvons constater que sur une fraction de seconde une importante concentration de la vapeur d’eau expulsée se restreint à un espace d’environ 30 cm de rayon par rapport à la source d’émission, lorsque l’individu porte un masque de protection, tandis qu’elle atteint presque 90 cm si le masque n’est pas porté, soit environ trois fois plus de distance.

Les résultats montrent non seulement que le masque permet de limiter l’étendue spatiale de la propagation de la matière émise, mais qu’il empêche les « gouttelettes noyaux » de se disperser sur de grandes distances.

Figure [1] Simulations montrant comment le port du masque réduit considérablement la propagation du virus en limitant la quantité de vapeur expulsée qui le véhicule lors d’une toux. Crédits : Sandia National Laboratories.
  1. Barrières de protection

Si les barrières de protection, telles que les cloisons en plexiglas que l’on retrouve dans les supermarchés ou les bureaux, offrent une protection efficace contre les grosses gouttelettes, les « gouttelettes noyaux » peuvent persister dans l’air pendant une période prolongée et parcourir une certaine distance en fonction des conditions d’environnement de l’individu émetteur telles que sa position, s’il porte un masque ou si l’espace est ventilé ou non.

La figure [3] montre la dispersion de ces différentes composantes et leur interaction avec la barrière sur une durée totale de 2 minutes.

Figure [2] Simulation de la propagation des petites et grosses gouttelettes expulsées par une toux en présence d’une barrière en plexiglass. Crédits: Sandia National Laboratories.

  1. Ventilation 

Les chercheurs ont également réalisé une modélisation de la dispersion d’une toux dans des autobus et ont confirmé que l’ouverture des fenêtres augmentait la ventilation, par création d’un courant d’air, et réduisait les risques d’exposition. Plus précisément, pour obtenir une ventilation suffisante, au moins deux fenêtres doivent être ouvertes, l’une à l’avant de l’autobus et l’autre à l’arrière, dans ce cas précis.

Les outils de simulation utilisés prennent en compte la masse, la vitesse et l’énergie des gouttelettes expulsées pour fournir une modélisation détaillée de la physique de l’évaporation. Les chercheurs ont été capables de faire la distinction entre les gouttelettes qui se déposent de celles qui persistent dans l’environnement. Il est cependant nécessaire de prendre en compte d’autres conditions environnementales qui peuvent influencer considérablement la propagation du virus telles que la température, l’hygrométrie la direction d’expulsion lors de la toux, la force et la direction du vent. De plus, la quantité de SARS-CoV-2 et ses variants doit être pris en compte dans les modèles pour avoir une meilleure estimation des concentrations expulsées. L’ensemble de ces variables sont actuellement étudiées pour fournir des résultats complémentaires.

En bref, la modélisation numérique confirme et appuie la norme de distanciation physique de 6 pieds (1,8 mètres) et le port du masque recommandé par les CDC pour limiter la propagation de la COVID-19. Ces résultats suggèrent aussi d’augmenter la ventilation d’air frais dans des endroits clos comme les supermarchés, les restaurants et les écoles afin de réduire les risques d’exposition au virus. Ce dernier point sur la ventilation des bâtiments est renforcé par un autre article publié il y a quelques jours par un groupe international de physiciens recommandant des normes de qualité de l’air plus exigeantes – pour réduire les pathologies propagées par l’air dont la COVID-19 – à l’image de celles mises en place pour améliorer la qualité de la nourriture et la qualité de l’eau 4.

Rédactrice :

Lynda Amichi, attachée adjointe pour la Science et la Technologie, Houston

Références :

  1. Labs, S. Sandia National Laboratories: Simulating sneezes to show how COVID-19 spreads. Sandia Labs https://www.sandia.gov/news/publications/labnews/articles/2021/05-07/sneezes.html (2021).
  2. Domino, S., Pierce, F. & Hubbard, J. A Multi-physics Computational Investigation of Droplet Pathogen Transport Emanating from Synthetic Coughs and Breathing. At. Sprays doi:10.1615/AtomizSpr.2021036313.
  3. Ho, C. K. Modeling airborne pathogen transport and transmission risks of SARS-CoV-2. Appl. Math. Model. 95, 297–319 (2021).
  4. Morawska, L. et al. A paradigm shift to combat indoor respiratory infection. Science 372, 689–691 (2021).

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