Les universités américaines ont réalisé des progrès inégaux dans leurs efforts d’internationalisation, si l’on en croit un certain nombre de rapports récents. Bien entendu, ces institutions sont généralement très actives dans le recrutement d’étudiants étrangers qui paient des droits d’inscriptions élevés. Cependant, qu’en est-il du flux inverse, c’est-à-dire des efforts d’internationalisation des étudiants et enseignants américains vers l’étranger ? Il semble que dans les faits, les frontières géographiques demeurent bel et bien pour un grand nombre d’établissements.
Selon un nouveau rapport de l’American Council on Education (ACE) [1;10-13] fondé sur des données collectées en 2006 et faisant suite à une étude similaire parue en 2001, malgré un consensus général sur l’importance de confronter les étudiants à des cultures et des pays étrangers, l’internationalisation ne constitue pas jusqu’à présent une priorité pour la plupart des établissements d’enseignement supérieur. En effet, moins de 40% des institutions interrogées font spécifiquement référence à l’enseignement international dans l’énoncé de leur mission. De plus, moins de la moitié des universités disposent d’un administrateur à temps plein chargé de la coordination ou de la supervision des programmes et activités liés à l’internationalisation du campus. Cette proportion n’est que de 25% pour les universités créées à l’origine pour les Afro Américains [6].
En outre, il est possible pour de nombreux étudiants américains d’obtenir leur diplôme sans avoir été exposés un tant soit peu à des questions ou à un environnement internationaux. Dans 27% des universités, aucun étudiant diplômé en 2005 n’a étudié à l’étranger [1;10-13]. Les étudiants issus de minorités sont encore moins susceptibles de participer à un séjour d’études à l’étranger. Depuis 1993, ils ne représentent que 17% des départs [8]. De même, une très faible proportion des étudiants provenant d’universités créées à l’origine pour les Afro-Américains participent aux séjours d’études à l’étranger [6]. Par ailleurs, la proportion d’universités qui exigent que les étudiants suivent un minimum de cours avec une orientation internationale a diminué, passant de 41% en 2001 à 37% en 2006. Le nombre d’institutions qui ont des exigences en matière de langues étrangères pour au moins une partie des étudiants en licence a également diminué (45% en 2006 contre 53% en 2001). Cependant, de plus en plus d’institutions offrent des cours de langues telles que l’Arabe ou le Chinois.
Cela contraste avec une autre étude récente de l’American Council on Education portant sur l’intérêt pour les activités à dimension internationale des jeunes américains sur le point d’entrer à l’université [5]. Il s’agit de la seconde enquête de l’ACE réalisée sur ce sujet. Selon la première, menée en 2000, près de la moitié des étudiants souhaitaient participer à un séjour d’études à l’étranger alors que des données récentes montrent qu’en pratique, moins de 5% ont participé à ce type de programme.
Dans l’étude la plus récente, 55% des étudiants indiquent qu’ils sont certains de vouloir réaliser un séjour d’études à l’étranger, et 26% supplémentaires indiquent un fort intérêt pour les études à l’étranger. En outre, 35% pensent réaliser un stage à l’étranger et 37% sont intéressés par l’acquisition d’une expérience professionnelle dans un autre pays. Parmi ceux qui souhaitent étudier à l’étranger, 70% envisagent soit de parler couramment une autre langue, soit d’acquérir un niveau suffisant pour converser avec les habitants du pays. Cet intérêt des étudiants pour les expériences à l’international peut-il être satisfait ?
Le tableau dressé par le rapport de l’ACE sur l’internationalisation des universités n’est pas totalement noir. En effet, les universités encouragent de plus en plus la mobilité des enseignants -chercheurs et dans l’accueil d’universitaires étrangers. De plus, la proportion d’institutions qui offrent des ateliers sur l’internationalisation des programmes a plus que doublé, passant de 29% à 65%. Par ailleurs, en ce qui concerne les étudiants, 31% des universités offrent des possibilités de stages à l’étranger, ce qui représente une augmentation (certes limitée) de 9% depuis 2001. En outre, la part des institutions offrant des possibilités de séjours d’études à l’étranger a augmenté de façon très importante (91% en 2006 contre 65% en 2001). Il faut cependant rappeler qu’il est rare (5,5% des cas) que ce séjour dure une année universitaire complète. Les séjours les plus communs (52,8%), qui sont également ceux qui connaissent la plus forte croissance sont les séjours de huit semaines au plus [3]. De plus, une grande partie des séjours se déroulent en réalité sur les campus des universités américaines situés à l’étranger et pendant les vacances d’été. Cela limite grandement le processus d’immersion des étudiants dans la culture du pays d’accueil ainsi que les échanges avec les universités étrangères.
Une autre étude de l’Institute of International Education (IIE) [2;7;13] traite de la question de l’internationalisation sous un angle différent. Elle s’intéresse aux capacités et à la motivation des établissements d’enseignement supérieur étrangers à accueillir davantage d’étudiants américains. D’après le rapport annuel "Open Doors" de l’IIE [3], plus de 223.000 étudiants américains ont participé à un séjour d’études à l’étranger en 2005/2006, ce qui correspond à une augmentation de 8 à 10% chaque année sur les cinq dernières années. Si cette croissance se poursuit à cette vitesse dans les dix prochaines années, on estime à 550.000 le nombre d’américains qui étudieront à l’étranger en 2017. Cependant, il faut bien garder à l’esprit que cela ne représente pas un nombre équivalent d’étudiants américains inscrits dans les universités étrangères en raison de la popularité des séjours d’études courts sur les campus étrangers des universités américaines.
D’après l’IIE, les universités étrangères, quant à elles, privilégient l’accueil des étudiants américains pour des séjours d’études sur une année universitaire entière ou au moins une session universitaire (trimestre, semestre, année) et dans le but d’obtenir un diplôme. Cela est fortement susceptible de créer un conflit entre l’offre et la demande. En pratique, seulement 6% des étudiants américains partent pour une année universitaire complète et 37% pour un semestre. D’après l’ACE, les étudiants, pour leur part privilégient les séjours d’une durée d’un semestre (47%) et seulement 18% souhaitent partir pour une année entière.
Malgré cela, les programmes de diplômes doubles ou conjoints sont en forte croissance. La présence d’étudiants américains est envisagée comme un catalyseur permettant de former des partenariats d’enseignement et de recherche avec des institutions d’enseignement supérieur américaines et d’améliorer le profil international et la compétitivité à l’échelle mondiale de l’université d’accueil. Les Etats-Unis restent le partenaire de premier choix des universités étrangères, avant la Chine, l’Inde, le Canada puis la Russie.
La demande de séjours d’études à l’étranger est réelle tant de la part des étudiants que de la part des institutions d’accueil potentielles. Il semble que le nombre et l’éventail d’expériences internationales pour les étudiants aient crû au sein des universités américaines mais le rythme de cette expansion n’est peut-être pas suffisant pour satisfaire la demande importante. En même temps, les barrières à la participation des étudiants sont réelles et incluent des questions de sécurité, de coûts élevés, d’absence de maîtrise d’une langue étrangère, d’exigences universitaires qui ne s’accommodent pas avec les séjours à l’étranger, ni avec les autres formes d’apprentissage à l’international, et le manque d’encouragement des enseignants et des conseillers à l’université [5].
Une internationalisation véritable des campus américains semble devoir passer par le développement des séjours d’études d’une durée d’un semestre ou d’une année universitaire au sein d’universités étrangères et par l’ouverture à de nouveaux partenariats visant à des diplômes conjoints. Cette nécessité est de plus en plus souvent relayée aux Etats-Unis par les universités, les entreprises, et le gouvernement.
Source :
– [6] "International Education Remains a Challenge at Historically Black Colleges" – The Chronicle of Higher Education – Ingrid NORTON – 30/05/3008 – https://chronicle.com/news/article/4588/study-says-international-education-a-challange-at-hbcus
– [7] "Foreign Universities Want More US Students" – The Chronicle of Higher Education – McMURTRIE Beth – 30/05/2008 – https://chronicle.com/weekly/v54/i38/38a02502.htm
– [8] "Diversifying Study Abroad, the Data-Driven Way" – Inside Higher Ed – REDDEN Elizabeth – 29/05/2008 – https://www.insidehighered.com/news/2008/05/29/nafsa
– [9] "Where Multicultural Ed and Internationalization Meet" – Inside Higher Ed – REDDEN Elizabeth – 28/05/2008 – https://www.insidehighered.com/news/2008/05/19/iie
– [10] "Not So International After All?" – JASCHIK Scott – Inside Higher Ed – 22/05/2008 – https://www.insidehighered.com/news/2008/05/22/intl
– [11] "New Report Charts Mixed Results in Colleges’ Internationalization Efforts" – The Chronicle of Higher Education – FISCHER Karin – 22/05/2008 – https://chronicle.com/daily/2008/05/2934n.htm
– [12] "Colleges and Universities Make Uneven Progress In Internationalizing Their Campuses, ACE Analysis Finds" – ACE – 22/05/2008 – https://www.acenet.edu/AM/Template.cfm?Section=Press_Releases2&CONTENTID=27184&TEMPLATE=/CM/ContentDisplay.cfm
– [13] "Fast facts from Mapping Internationalization on U.S. Campuses: 2008 Edition" – ACE – https://www.acenet.edu/AM/Template.cfm?Section=Programs_and_Services&Template=/CM/ContentDisplay.cfm&ContentFileID=4736
– [14] "The Supply Side of Study Abroad" – Inside Higher Ed – GUESS Andy – 19/05/2008 – https://www.insidehighered.com/news/2008/05/19/iie
– [15] "Strengthening Study Abroad: Recommendations for Effective Institutional Management" – NAFSA – Janvier 2008 – https://www.nafsa.org/knowledge_community_network.sec/international_education_4/chief_international_education/practice_resources_14/internationalizing_the/imsa_epub
– [16] "Managing Study Abroad" – REDDEN Elizabeth – Inside Higher Ed – 16/01/2008 – https://www.insidehighered.com/news/2008/01/16/nafsa
– [17] "Une période favorable au développement des programmes établis en commun par les universités américaines et les universités étrangères" – BE Etats-Unis 91 – BOUZAT Estelle – 17/09/2007 – https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/50976.htm
– [18] "Les Etats-Unis continuent d’attirer un nombre croissant d’étudiants internationaux" – BE Etats-Unis 102 – BOUZAT Estelle – 30/11/2007 – https://www.bulletins-electroniques.com/actualites/52099.htm
Pour en savoir plus, contacts :
– [1] " Mapping internationalization on U.S. campuses: 2008 edition" – GREEN, M. F., LUU, D., & BURRIS, B. (2008) – American Council on Education – Washington, DC – 2008 – https://www.acenet.edu/programs/international/mapping2008
– [2] "Exploring Host Country Capacity for Increasing U.S. Study Abroad" – Institute of International Education – GUTIERREZ Robert, BHANDARI Rajika and OBST Daniel – Mai 2008 – https://www.iie.org//Content/NavigationMenu/Research_and_Evaluation/Study_Abroad_Capacity/StudyAbroadCapacity.htm
– [3] "Open Doors Online" – Report on International Educational Exchange – 12/11/2007 – https://opendoors.iienetwork.org/
– [4] "NAFSA" – Association of International Educators – https://www.nafsa.org/
– [5] "College-Bound Students’ Interests in Study Abroad and Other International Learning Activities" – American Council on Education, Art & Science Group LLC, and the College Board – January 2008 – https://www.acenet.edu/AM/Template.cfm?Section=International&Template=/CM/ContentDisplay.cfm&ContentFileID=3997
Code brève
ADIT : 54925
Rédacteur :
Estelle Bouzat, [email protected]