Les sonars sous-marins à ultrason pourraient bénéficier d’améliorations significatives suite au développement de la première super-lentille acoustique. Créé par des chercheurs du Lawrence Berkeley National Laboratory (LBNL), ce type de lentille a démontré des capacités de très haute résolution. En analysant des ondes sonores, l’équipe du LBNL est parvenue à des détails de l’ordre de 1/6 de fois les longueurs d’ondes utilisées, permettant l’observation d’objets et de traits caractéristiques encore indétectables par les technologies actuelles. Un article détaillant ces recherches est paru dans le journal Natures Materials. Le papier est intitulé "Experimental Demonstration of an Acoustic Magnifying Hyperlens". Cette recherche a été financée par l’Office Of Naval Research.
La clé du succès ? La capture de l’information contenue dans les ondes évanescentes, des ondes planes dont l’intensité diminue exponentiellement avec la distance à la source et qui transportent plus de détails que les ondes de propagation. Cependant, étant donné leur courte portée, elles ont été jusqu’à présent très difficiles à capturer avec des lentilles plus traditionnelles. Pour y parvenir, l’équipe de chercheurs, dirigée par Xiang Zhang, a utilisé les ondes de propagations, comme nous l’explique ce dernier : "Nous avons fait la démonstration avec succès d’une lentille acoustique qui agrandit les objets de taille inférieure aux longueurs d’ondes en convertissant graduellement les ondes évanescentes en ondes de propagation".
De la forme d’un éventail, la superlentille est composée de 36 lamelles en laiton mesurant chacune environ 20cm de long et 3mm d’épaisseur. Déposées sur une assiette de laiton, elles sont disposées de façon a former deux demi cercles concentriques, de rayon interne 2,7cm et de rayon externe 21,8cm. Selon Lee Fok, étudiant chercheur dans l’équipe de Zhang : "En conséquence de la grande différence entre les rayons internes et externes, notre lentille acoustique compresse une portion significative des ondes évanescentes dans la bande des ondes de propagation, grossissant ainsi l’image d’un facteur huit. Nous avons choisi le laiton comme matériau pour les lamelles, car sa densité est environ 7000 fois plus grande que celle de l’air, un rapport élevé nécessaire pour réussir une forte anisotropie, utilisée pour obtenir une dispersion plate des ondes sonores".
A l’heure actuelle, dans le monde de l’imagerie optique, les super-lentilles font l’objet d’une grande attention. Fabriquées à partir de méta-matériaux[1], elles permettent d’outrepasser la limite de diffraction, soit la moitié de la longueur d’onde incidente. Zhang a appelé cette capture d’information réalisée à partir d’ondes évanescentes "the Holy Grail of optical Information", le Saint Graal de l’information optique. En 2002, lui et son équipe avaient annoncé une lentille faite à partir de nano fils d’argent et d’oxyde d’aluminium, ce qui permettait d’utiliser la lumière visible pour visualiser des objets plus petits que 150 nanomètres, bien en dessous de la limite de diffraction de la lumière visible de 260 nm. Ancien chercheur postdoctoral, Jensen Li poursuit : "Nous fournissons une approche pour la conception et l’utilisation des méta-matériaux pour manipuler les ondes sonores à des niveaux inférieurs à leur longueur d’onde. Le succès de notre modèle basé sur les méta-matériaux ouvre la voie à la manipulation d’ondes sonores, particulièrement dans la transformation de l’acoustique, ce qui est analogue aux transformations optiques."
La version actuelle de la super-lentille acoustique de Zhang est parvenue à produire des images en 2-D d’objets jusqu’à 6,7 fois plus petits que la longueur d’onde sonore utilisée pour l’imagerie. Les chercheurs tentent maintenant de réaliser des images en 3-D. Ils essaient également de rendre les super-lentilles compatibles avec la technologie de "pulse-echo[2]", une technologie à la base à la fois des systèmes à ultrasons médicaux et des systèmes de sonar sous-marins. Selon Zhang, "directement appliqués à la technologie actuelle de "pulse-echo" à ultrason, les super-lentilles permettraient l’utilisation de fréquences d’entrée plus faibles, ce qui augmenterait la profondeur de pénétration et permettrait ainsi aux physiciens de voir, par exemple, des tumeurs plus petites ou des caractéristiques plus fines d’objets plus larges, ce qui pourrait aider à identifier d’autres anomalies".
Source :
"Berkeley researchers create first hyperlens for sound waves" 25/10/09: https://www.eurekalert.org/pub_releases/2009-10/dbnl-brc102309.php
Pour en savoir plus, contacts :
– [1] le terme métamatériau désigne un matériau composite artificiel qui présente des propriétés électromagnétiques qu’on ne retrouve pas dans un matériau naturel. Pour une définiton plus complète : https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9tamat%C3%A9riau
– [2] "Pulse Echo Ultrasound Imaging Systems: Performance Tests And Criteria": https://www.aapm.org/pubs/reports/RPT_08.pdf
Code brève
ADIT : 61022
Rédacteur :
Arnaud Souillé, [email protected]